Le Parlement européen entame une procédure contre la Hongrie

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Le parlement europeen declenche une procedure contre la hongrie[reuters.com]
(Crédits : Vincent Kessler)

par Gilbert Reilhac et Alastair Macdonald

STRASBOURG (Reuters) - Le Parlement européen a demandé mercredi au Conseil européen d'ouvrir une procédure de sanctions contre la Hongrie en raison des menaces qu'elle fait peser sur les valeurs fondamentales de l'Union.

Il s'agit d'une première dans l'histoire des institutions européennes.

La résolution transmise aux Etats membres dresse la liste des multiples violations des principes démocratiques et des droits de l'homme constatées par Bruxelles depuis l'arrivée au pouvoir du Fidesz, parti du Premier ministre Viktor Orban, s'agissant de l'indépendance de la justice, de la liberté de la presse ou encore du sort réservé aux migrants et à ceux qui leur prêtent assistance.

Elle a été adoptée par 448 voix contre 197 et 48 abstentions. La majorité requise était des deux tiers des suffrages exprimés.

Viktor Orban, qui était soutenu par les groupes d'extrême droite et eurosceptiques, a en revanche été lâché par le Parti populaire européen (PPE), auquel appartient le Fidesz.

Le groupe n'avait pas donné de consigne de vote, mais son président, l'Allemand Manfred Weber, qui est par ailleurs candidat à la présidence de la Commission européenne, avait dit qu'il voterait en faveur des sanctions.

Malgré l'obtention de la majorité requise, le vote n'a guère de chance de se traduire in fine avec la sanction ultime qui serait la suspension de droite de vote de la Hongrie au sein de l'UE. Ne serait-ce que parce que la Pologne, qui soutient la Hongrie, y mettrait son veto.

Et les 197 votes contre le lancement de la procédure sur la base de l'article 7 du traité de l'UE mettent en évidence la présence d'une minorité importante au sein de l'UE qui considère Orban comme un défenseur des droits des États-nations et des majorités ethniques contre les règles de bonne conduite civique adoptées à Bruxelles.

ORBAN OFFUSQUÉ

Le chef du gouvernement hongrois, qui s'était invité mardi à Strasbourg pour participer au débat, s'est offusqué de la démarche des eurodéputés.

"Vous pensez que vous savez mieux que les Hongrois ce qu'il faut au peuple hongrois", leur a-t-il lancé, accusant le Parlement européen de vouloir condamner la Hongrie parce qu'elle ne veut pas devenir "un pays d'immigration".

Budapest a refusé d'accueillir des demandeurs d'asile dans le cadre du plan européen de répartition.

"La décision prise aujourd'hui par le Parlement européen n'est rien d'autre qu'une petite revanche des politiciens pro-immigration contre la Hongrie", s'est lui aussi indigné le ministre hongrois des Affaires étrangères.

"Cette décision a été prise de manière frauduleuse et contraire aux principes des traités européens", a poursuivi Peter Szijjarto, promettant de la contester, notamment parce que les abstentions n'ont pas été prises en compte.

"Si j'étais membre du Parlement européen, j'aurais voté en faveur de l'article 7", a quant à lui commenté Jean-Claude Juncker, président de l'exécutif bruxellois.

"La Commission européenne utilise les outils dont elle dispose pour entamer des procédures d'infraction contre les pays qui ne respectent pas le droit de l'UE. Je suis en harmonie avec la décision d'aujourd'hui", a-t-il ajouté.

Le gouvernement allemand a pour sa part rappelé que l'Union européenne était une communauté de valeurs à laquelle tous les Etats membres doivent adhérer.

(Avec Philip Blenkinsop et Daphne Psaledakis à Bruxelles; Jean-Philippe Lefief pour le service français, édité par Danielle Rouquié)