La demande de révision du procès Kerviel rejetée

reuters.com  |   |  787  mots
La demande de revision du proces kerviel jugee irrecevable[reuters.com]
(Crédits : Charles Platiau)

par Emmanuel Jarry

PARIS (Reuters) - La Cour de cassation a rejeté jeudi la demande de révision du procès pénal de l'ex-trader Jérôme Kerviel, condamné en 2014 définitivement à trois ans de prison ferme pour avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros à la Société générale.

"M. Kerviel ne justifie pas d'un fait nouveau ou d'un élément inconnu (...) Sa requête sera déclarée irrecevable sans qu'il y ait lieu de procéder aux investigations complémentaires sollicitées par M. Kerviel", écrit la commission d'instruction de la Cour de révision de la Cour de cassation dans sa décision.

Une décision accueillie avec satisfaction par les avocats de la Société générale. "Le bon droit a triomphé et M. Kerviel voit sa demande rejetée", a ainsi déclaré Me Jean Veil.

L'avocat de l'ex-trader, Me Julien Dami Le Coz, a assuré que son client n'entendait pas s'en tenir là.

"M. Kerviel est déterminé à faire triompher le droit et donc ce n'est certainement pas la fin de l'affaire dite Kerviel", a-t-il déclaré.

Jérôme Kerviel, 41 ans, a toujours dit que la banque ne pouvait ignorer qu'il prenait des positions non couvertes, qui se sont soldées par une perte de 4,9 milliards d'euros en 2008.

Après la confirmation de sa condamnation en 2014, ses avocats successifs ont invoqué des éléments nouveaux pour demander la révision de son procès pénal.

Ils s'appuient notamment sur un enregistrement clandestin d'une ex-vice-procureur du parquet de Paris, Chantal Colombet de Leiris, par une ex-enquêtrice de la Brigade financière, Nathalie Le Roy, dévoilé par Mediapart et 20 Minutes en janvier 2016.

La magistrate y disait notamment que l'enquête judiciaire avait été "manipulée" par la Société Générale et que la banque savait tout des agissements de l'ancien trader.

Nathalie Le Roy avait remis l'enregistrement réalisé en juin 2015 à l'un des avocats de Jérôme Kerviel et s'en est expliquée dans une interview à 20 Minutes en janvier 2016.

Cette enquêtrice, entendue dans le cadre d'une information judiciaire pour "faux, usage de faux et escroquerie au jugement" ouverte en 2014 à la suite de plaintes de Jérôme Kerviel, a dit à 20 Minutes avoir eu des doutes sur cette affaire dès 2012.

"IMPRESSIONS D'UN ENQUÊTEUR"

"Petit à petit, ils se sont transformés en certitudes", a-t-elle raconté. "Une fois détachée de mes fonctions au sein de la Brigade financière le 1er mars 2015, j'ai donc décidé de poursuivre mes investigations, seule, de manière informelle."

Citée également à l'époque par Mediapart, elle avait aussi dit sa certitude que la banque ne pouvait ignorer ce que faisait Jérôme Kerviel et avoir le sentiment d'être instrumentalisée.

Selon Me Dami Le Coz, ces informations ne constituaient qu'une partie des éléments avancés pour demander la révision. Mais tous ont été balayés par la commission d'instruction.

Celle-ci estime ainsi, selon sa décision, à propos des déclarations de Nathalie Le Roy qu'il "ne s'agit que des impressions d'un enquêteur qui ne reposent sur rien de précis et ne peuvent, à elles seules, fonder une requête en révision".

La commission rappelle que les propos de Chantal de Leiris ont été enregistrés à son insu et qu'elle a porté plainte.

"A supposer que ces éléments puissent être jugés recevables, il convient de relever qu'ils tendent seulement à établir que les magistrats du parquet étaient sous l'influence des avocats de la Société générale", ajoute la commission.

Et de rappeler que Jérôme Kerviel a été renvoyé devant un tribunal par des magistrats du siège - des juges chargés de rendre les décisions de justice, distincts et indépendants des magistrats du parquet, chargés, eux, de diriger les enquêtes.

"Vous apprécierez si l'on peut, d'un côté, admettre une influence des avocats de la Société Générale sur le cours de la justice et d'un autre côté nous dire qu'on rejette le recours en révision", a répliqué l'avocat de l'ancien trader.

En septembre 2016, la cour d'appel de Versailles a réduit à un million d'euros les dommages et intérêts à verser par Jérôme Kerviel, estimant qu'il n'était que "partiellement" responsable du préjudice colossal subi par la banque, dû en partie à un "système déficient" que celle-ci a "laissé se développer".

En juin 2016, il a fait condamner la Société générale à lui verser plus de 450.000 euros pour licenciement "sans cause réelle ni sérieuse" par le Conseil de prud'hommes de Paris.

(Edité par Yves Clarisse)