Macron tente de reconquérir les retraités

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Macron tente de reconquerir les retraites[reuters.com]
(Crédits : Lisi Niesner)

PARIS (Reuters) - Après une première année de quinquennat marquée par la volonté assumée de demander des efforts aux retraités, le couple exécutif multiplie depuis plusieurs jours les gestes à l'égard des seniors, de plus en plus nombreux à retirer leur confiance au chef de l'Etat à neuf mois des élections européennes.

Signe de la volonté au sommet de l'Etat de désamorcer les tensions, l'Elysée a rapporté lundi des propos tenus par Emmanuel Macron lors d'une réunion au cours de laquelle le chef de l'Etat excluait "formellement" une réforme des droits de succession et demandait "d'arrêter d'emmerder les retraités".

"On n'y touchera pas tant que je serai là", a dit Emmanuel Macron, deux jours après une proposition de réforme émise par le délégué général du parti présidentiel, La République en Marche (LaRem), Christophe Castaner. "On a demandé des efforts aux retraités. Mais maintenant, arrêtez de les emmerder".

Une tonalité qui tranche avec celle des propos tenus ces seize derniers mois par le chef de l'Etat, qui, interpellé à plusieurs reprises lors de ses déplacements en région par des retraités, déclarait "assumer" le fait de leur demander "un effort pour aider les jeunes actifs".

En mars, lors d'un déplacement à Tours, il avait notamment lancé un appel à la solidarité entre générations en demandant aux quelque 15 millions de retraités, qui ont massivement voté pour lui au second tour de la présidentielle, "un petit effort pour m'aider à relancer l'économie et les actifs".

PHILIPPE "CORRIGE LE TIR" SUR LA CSG

Au coeur des griefs des seniors, la hausse de 1,7 points de la contribution sociale généralisée (CSG) en vigueur depuis le 1er janvier 2018 pour compenser la suppression de certaines cotisations salariales, conformément à un engagement de campagne d'Emmanuel Macron.

Cette mesure, qui doit permettre selon l'exécutif de redonner du pouvoir d'achat aux actifs en faisant contribuer l'ensemble des revenus (dont les pensions et l'épargne) au financement de la protection sociale, a du mal à passer auprès des 60% des retraités concernés - soit 7,5 millions de personnes - qui s'estiment "sacrifiés".

Dans ce contexte de mécontentement grandissant, Emmanuel Macron avait fait taire en juillet les rumeurs sur une possible suppression des pensions de reversion en assurant, lors de son discours au Congrès à Versailles, que "rien ne changera[it] pour les retraités d'aujourd'hui" sur ce point.

Un mois plus tard, le Premier ministre Edouard Philippe provoquait toutefois une nouvelle fronde en annonçant que les pensions n'augmenteraient que de 0,3% en 2019 et 2020, une progression nettement moins importante que l'inflation.

Cette annonce a suscité l'indignation des syndicats de retraités qui ont accusé le gouvernement de "maltraiter" les seniors et ont appelé à des manifestations le 18 octobre.

"ECOUTER LES PERSONNES ÂGÉES"

Depuis, le ton de l'exécutif s'est adouci. "Il faut écouter les personnes âgées", a estimé le ministre de l'Intérieur Gérard Collomb dans l'Express cette semaine. "Si celles-ci protestent, ce n'est pas parce qu'elles sont de mauvaise foi. Oui, à un moment donné, il ne faut pas charger la barque".

Les retraités "ne sont pas mal aimés, ils ne sont pas mal aimés du tout", a assuré Edouard Philippe sur France Inter jeudi en annonçant un élargissement de l'exonération de la hausse de la CSG à 200.000 retraités supplémentaires.

Reste à savoir si ce changement de ton et cette mesure suffiront à apaiser les rancoeurs. Or, à neuf mois des élections européennes, qui constitueront le premier test électoral pour Emmanuel Macron depuis son accession au pouvoir, l'enjeu de reconquête de l'électorat senior est de taille.

En mai 2017, 67% des retraités approuvaient son action. Un an et demi plus tard, ils ne sont plus que 31%, soit une baisse de 36 points en un an et demi, selon le baromètre de popularité Ifop-Le JDD.

"Je me réjouis de l'annonce d'Edouard Philippe sur l'exonération de la CSG, c'est une bonne chose mais ça ne change rien sur le fond, on va continuer à perdre du pouvoir d'achat", met en garde Michel Salingue, secrétaire général de la Fédération générale des retraités de la fonction publique.

"Et ce n'est pas en opposant les actifs aux retraités, comme si les retraités étaient des parasites de la société, qu'on réglera les problèmes auxquels le pays est confronté", ajoute-t-il.

(Marine Pennetier, édité par Yves Clarisse)