Theresa May somme l'UE de sortir les négociations de l'impasse

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(Crédits : Pool New)

par Guy Faulconbridge et Andrew MacAskill

LONDRES (Reuters) - La Première ministre britannique Theresa May a sommé vendredi les Vingt-Sept de lui présenter une alternative à son plan de sortie de l'Union européenne, rejeté la veille lors du sommet informel de Salzbourg, pour sortir les négociations de l'impasse.

Réunis en Autriche, ses partenaires européens l'ont priée de revoir son "plan de Chequers" concernant la future coopération économique entre le Royaume-Uni et l'Union européenne et la frontière entre la République d'Irlande et l'Irlande du Nord.

Mais, à six mois de la date fixée pour le divorce, le 29 mars prochain, ils se sont également dit prêts à faire face à un échec des négociations.

Aucune des deux parties ne doit exiger l'impossible de l'autre, leur a répondu sans ménagement Theresa May vendredi dans une allocution dense de huit minutes retransmise depuis Downing Street.

"Tout au long de ce processus, je n'ai jamais traité l'UE qu'avec respect. Le Royaume-Uni attend la même chose. La qualité de notre relation à l'issue de ce processus en dépend", a-t-elle averti, alors que le cours de la livre Sterling s'effondrait.

"Il n'est pas acceptable de rejeter purement et simplement la proposition de l'autre partie sans une explication argumentée et des contre-propositions. Nous voulons donc désormais que l'UE nous dise quels sont les vrais problèmes et quelle est son alternative, afin de pouvoir en discuter. D'ici là, nous ne pouvons pas progresser."

PLUTÔT UNE ABSENCE D'ACCORD QU'UN MAUVAIS ACCORD

La Première ministre, dont la majorité parlementaire dépend du Parti unioniste démocrate (DUP) d'Irlande du nord, a en outre assuré que ni elle ni aucun autre chef d'un gouvernement britannique ne pourrait accepter que la province soit traitée différemment du reste du Royaume-Uni.

"Je n'inverserai pas le résultat du référendum (de juin 2016) ni ne démantèlerai mon pays (...) Il nous faut un engagement sérieux pour régler les deux principaux problèmes des négociations et nous sommes prêts", a-t-elle insisté, tout en rappelant qu'elle préférait "une absence d'accord à un mauvais accord".

Son ministre chargé du Brexit, Dominic Raab, avait auparavant dénoncé l'attitude selon lui indigne de chefs d'Etat des dirigeants européens.

"Nous avons déjà fait énormément de compromis avec les propositions de Chequers (...) Nous n'allons pas nous laisser saucissonner tout au long de cette négociation, comme l'UE le fait si bien, sans mouvement de la part de l'autre partie", a-t-il affirmé au micro de la BBC.

"VOTRE BREXIT EST CASSÉ"

Pour la presse britannique, le plan de Chequers, qui porte le nom de la villégiature des Premiers ministres britanniques, où il a été approuvé par le gouvernement de Theresa May, est tout bonnement enterré. "Votre Brexit est cassé", titre ainsi le Daily Mirror.

Pour The Guardian et The Times, la Première ministre a été humiliée à Salzbourg tandis que le Sun fustige "ces sales rats européens", "ces racailles européennes" qui ont pris Theresa May en "embuscade". Le quotidien publie à l'appui de ses propos un montage montrant Emmanuel Macron et le président du Conseil européen Donald Tusk en gangsters américains des années 30.

Tusk a prévenu jeudi que le prochain conseil européen, prévu le 18 octobre à Bruxelles, serait un "moment de vérité". Si cette étape est franchie avec succès, Bruxelles et Londres formaliseront leur accord pour un sommet extraordinaire un mois plus tard, a-t-il précisé.

Mais Theresa May devra au préalable obtenir l'appui d'un Parti conservateur très divisé, lors du congrès annuel qui se tient du 30 septembre au 3 octobre.

Beaucoup parmi les Tories ont exprimé leur opposition à ses projets et certains ne cachent pas leur préférence pour un "hard Brexit", un divorce sans accord, malgré les craintes que cette perspective inspire aux milieux d'affaires.

Après la déclaration de Theresa May, la Confédération de l'industrie britannique (CBI) et plusieurs autres organisations patronales ont souhaité que la rhétorique cède la place à un dialogue constructif.

Pour le chef de file du Parti travailliste, Jeremy Corbyn, "la stratégie de négociation de Theresa May sur le Brexit est une catastrophe".

"Les conservateurs ont passé plus de temps à discuter entre eux qu'à négocier avec l'UE. Les jeux politiques de l'UE et de notre gouvernement doivent cesser parce que l'absence d'accord n'est pas possible", a-t-il ajouté.

La semaine dernière, Sadiq Khan, le maire travailliste de Londres, avait ajouté sa voix à celle des dirigeants syndicaux et des chefs d'entreprises qui réclament un deuxième référendum.

"Ce référendum a été le plus important exercice démocratique que notre pays ait jamais entrepris. Nier sa légitimité ou faire échouer son résultat menace la confiance que l'opinion place dans notre démocratie", leur a répliqué Theresa May.

(avec Alastair MacDonald, Costas Pitas, William Schomberg et James Davey; Nicolas Delame, Tangi Salaün et Jean-Philippe Lefief pour le service français)