EN DIRECT : Macron présente ses mesures de sortie de crise des "Gilets jaunes"

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(Crédits : Philippe Wojazer)

PARIS (Reuters) - Cinq mois après le début de la crise des "Gilets jaunes", Emmanuel Macron a présenté jeudi une série de mesures issues du "grand débat" national dans l'espoir d'éteindre la contestation populaire et de relancer son quinquennat à l'approche d'élections européennes à valeur de test.

Voici les principales annonces faites par le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse à l'Elysée :

* SUR LE CONSTAT

"Face à toutes ces inquiétudes qui se sont exprimées, est-ce qu'il faudrait tout arrêter de ce qui a été fait il y a deux ans?", a demandé le président français lors de son propos liminaire. "Je me suis posé la question : est-ce qu'on a fait fausse route? Je crois tout le contraire."

"Je crois que (les) fondamentaux des deux premières années doivent être préservés, poursuivis et intensifiés", a-t-il ajouté. "La réponse n'est pas dans le reniement mais dans la définition plus profonde d'une nouvelle ambition, dans la réponse aux questions que se pose notre pays et d'autre démocraties dans le monde."

"Face au sentiment d'injustice, nous devons apporter une réponse qui place l'homme au coeur de notre projet."

* BAISSE DE L'IMPOT SUR LE REVENU

Emmanuel Macron souhaite une nouvelle baisse de l'impôt sur le revenu "d'environ cinq milliards d'euros" pour alléger la facture fiscale des classes moyennes, à charge pour le gouvernement d'en arrêter les modalités.

Il a évoqué pour pistes la suppression de niches fiscales pour les entreprises - "pas celles des particuliers" - "la nécessité de travailler plus", et des réductions de la dépense publique avec notamment la suppression de "nombre d'organismes inutiles".

Sans surprise, Emmanuel Macron refuse de rétablir l'impôt sur la fortune (ISF), réclamé par des "Gilets jaunes", et dit de "son devoir" de défendre le dispositif qui l'a remplacé, l'impôt sur la fortune immobilière (IFI). "C'est une réforme pour produire, pas un cadeau pour les plus fortunés."

L'IFI sera évalué comme prévu en 2020 : si cette réforme "est trop large, a des effets pervers, ils seront corrigés".

Le président n'a pas retenu l'appel lancé entre autres par la CFDT à solliciter davantage les plus aisés en instaurant une tranche d'imposition au-delà de 45%. "Je ne veux pas de hausses d'impôts".

Face au "sentiment d'injustice fiscale" qui s'est exprimé dans le grand débat, face à l'évasion fiscale, Emmanuel Macron confie "à la Cour des Comptes la mission d'évaluer précisément les sommes qui échappent à l'impôt et de proposer des mesures précises."

* LES RETRAITES ET LE TEMPS DE TRAVAIL

Emmanuel Macron a clos le débat sur l'âge de départ à la retraite, qui a viré à la cacophonie dans sa majorité, en se prononçant pour le maintien de la borne des 62 ans, parallèlement à une augmentation de la durée de cotisation.

"Ce sur quoi peut travailler le gouvernement avec le Parlement, c'est de regarder si l'on peut allonger la période de référence, sans bouger l'âge légal, pour avoir un système de décote qui incite à travailler davantage, mais sans forcer tout le monde", a-t-il déclaré.

L'Etat pourra ainsi, selon lui, "dégager des économies pour réinvestir dans des baisses d'impôts" et partiellement dans les petites retraites.

Cette option a sa préférence par rapport à une révision du temps de travail hebdomadaire et à la suppression d'un jour férié, une solution avancée récemment par des députés mais trop complexe aux yeux du chef de l'Etat.

De manière générale, "il faut travailler plus", a-t-il dit, en faisant la comparaison entre la situation de la France et celle de ses voisins.

Sur la question des retraites, Emmanuel Macron a souhaité également que soit redéfini un "seuil minimal pour tous ceux qui ont travaillé" et, a-t-il ajouté en donnant le chiffre de 1.000 euros par mois, "il doit être supérieur au minimum vieillesse, plus significativement".

* LA RÉFORME DES INSTITUTIONS

Emmanuel Macron a écarté le référendum d'initiative citoyenne (RIC) stricto sensu, le vote blanc et le vote obligatoire mais retenu d'autres options, qui feront l'objet d'une réforme constitutionnelle censée être soumise au Parlement d'ici à l'été.

"Sur le plan démocratique, les citoyens veulent être mieux représentés, participer davantage", a-t-il déclaré, en suggérant l'introdution d'une dose de 20% de proportionnelle à l'Assemblée.

Le chef de l'Etat souhaite ainsi faciliter le recours au référendum d'initiative partagée, réduire le nombre de parlementaires - il s'est dit prêt à baisser ses ambitions en passant de 30 à 25% de réduction -, transformer le Conseil économique, social et environnemental en Conseil de la participation citoyenne avec des citoyens tirés au sort.

"Dès le mois de juin", 150 personnes seront ainsi désignées.

Emmanuel Macron propose en outre d'ouvrir un "acte II de la décentralisation", qui "doit porter sur le logement, transport, transition écologique", en fixant le premier trimestre 2020 comme horizon.

* PAS DE FERMETURE D'ECOLE NI D'HÔPITAL SANS ACCORD DU MAIRE

Face aux inquiétudes émises lors du grand débat concernant l'accès aux services publics, Emmanuel Macron a annoncé qu'aucun hôpital ne fermerait sans l'accord du maire de la commune.

La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, s'était engagée dans ce sens en décembre, en annonçant des investissements "dans 500 à 600 hôpitaux de proximité pour garantir et renforcer l'accès aux soins sur l'ensemble du territoire".

* LA HAUTE FONCTION PUBLIQUE

Emmanuel Macron a dit souhaiter la fin des grands corps de la fonction publique car, a-t-il justifié, "nous avons besoin de filières d'excellence, nous n'avons plus besoin de protection à vie".

L'avocat Frédéric Thiriez, ex-président de la Ligue de football professionnel, sera mandaté pour réfléchir à cette transformation de la haute fonction publique.

* SUPPRESSION DE L'ENA

Accusée par ses détracteurs de contribuer à la reproduction des élites et de former des hauts fonctionnaires déconnectés des réalités du terrain, l'Ecole nationale d'administration (Ena) va être supprimée pour "bâtir quelque chose de mieux".

L'ENA a été créée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale par le général de Gaulle.

* NOMBRE D'ELEVES LIMITE A 24 DANS LES CLASSES

Revendication de longue date du principal syndicat du primaire, le SNUipp-FSU, le nombre d'élèves sera limité à 24 dans les classes de grande section, CP et CE1 dès la rentrée prochaine. Selon le syndicat, quelque 109.000 classes de primaire comptent actuellement plus de 25 élèves en France.

Emmanuel Macron a aussi demandé au gouvernement "d'étendre le déboublement des classes dans les quartiers défavorisés". Ce dédoublement des classes de CP et de CE1 était entré en vigueur dans les écoles de l'éducation prioritaire ("REP" et "REP +") en 2017.

* LA RÉINDEXATION DES RETRAITES

Le chef de l'Etat a annoncé la réindexation des retraites les plus modestes sur l'inflation à partir du 1er janvier 2020 et de toutes les autres l'année suivante.

"Au 1er janvier prochain, je souhaite que nous réindexions les retraites de moins de 2.000 euros et qu'il n'y ait plus de sous-indexation de quelque retraite que ce soit à partir de l'année 2021", a-t-il dit.

Près de huit mois après avoir provoqué la colère des retraités en annonçant une désindexation des retraites, l'exécutif assouplit donc sa position, qui était "mal vécue", selon Emmanuel Macron.

Cette mesure, plébiscitée par neuf français sur dix dans un récent sondage Ifop publié dans le Journal du Dimanche, était revenue sur la table ces dernières semaines. Fin mars, Emmanuel Macron s'était notamment dit favorable à un geste "pour les retraites contributives modestes".

Afin d'économiser plus de deux milliards d'euros, le gouvernement avait décidé de limiter à 0,3% la revalorisation des retraites, en deçà de l'inflation (1,8% en 2018), en 2019, suscitant l'ire des retraités déjà remontés contre la hausse de 1,7 points de la CSG (contribution sociale généralisée).

* LA PRIME EXCEPTIONNELLE DE 1.000 EUROS RECONDUITE EN 2019

Annoncée en décembre, la prime exceptionnelle de 1.000 euros exonérée de toutes charges sociales et d'impôt sur le revenu et versée aux salariés touchant jusqu'à 3.600 euros par mois va être reconduite en 2019.

* CONVENTION CITOYENNE SUR LA TRANSITION ECOLOGIQUE

Une convention citoyens sera chargée à partir de juin de travailler sur la transition écologique et sur les réformes concrètes à prendre et ce qu'ils proposeront sera suivi d'effets.

* PENSIONS ALIMENTAIRES

Promis en février par Emmanuel Macron lors d'une visite dans un centre d'insertion professionnelle à Bordeaux, un mécanisme de garantie des paiements des pensions alimentaires non honorées va être mis en place.

"Je veux que nous mettions en place de manière très rapide un système où on donnera à la CAF pour qu'elle puisse prélever les pensions alimentaires dues", a dit Emmanuel Macron.

Selon l'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa), entre 30 et 40% d'entre elles ne sont actuellement pas versées. En France, plus d'une famille sur cinq (22%) est monoparentale aujourd'hui - dans 85% des cas le parent d'une famille monoparentale est une femme - et 32,5 % d'entre elles vivent sous le seuil de pauvreté, selon l'Insee.

* IMMIGRATION

Emmanuel Macron prône une "reprise en main" de la politique migratoire aux niveaux français et européen.

A l'échelle européenne, il juge indispensable de refonder le système Schengen, qui "ne marche plus", quitte "à ce que soit avec moins d'Etats". Il souhaite "une Europe qui tient ses frontières, qui les protège, qui a un droit d'asile refondé et commun où la responsabilité va avec la solidarité".

A l'échelle nationale, le chef de l'Etat veut bâtir "un patriotisme ouvert" et "inclusif" évalué chaque année par un débat au Parlement sur la politique migratoire.

Il dit "croire très profondément à l'asile" mais entend "lutter plus efficacement contre les abus" et contre les "détournements très profonds du regroupement familial".

"Pour être ouvert, il faut avoir des limites, pour accueillir, il faut une maison, donc il faut des frontières."

* RÉDUCTION DE 120.000 DU NOMBRE DE FONCTIONNAIRES

Emmanuel s'est dit "prêt à lever" son objectif de réduction de 120.000 du nombre de fonctionnaires s'il n'est pas tenable mais pas au prix d'un laxisme sur la tenue des comptes publics.

(Marine Pennetier et Jean-Baptiste Vey, édité par Yves Clarisse et Simon Carraud)