La Libye coupée en deux, Kadhafi de plus en plus seul

La Cyrénaïque (Est) est tombée aux mains des insurgés, tandis qu'un calme précaire règne à Tripoli. Les défections se multiplient dans le camp gouvernemental, tandis que le bilan des victimes ne cesse de s'alourdir, dépassant, selon certaines sources, 2.000 morts.
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La Libye est désormais coupée en deux. L'Est du pays a totalement basculé dans les mains des insurgés et Benghazi, deuxième ville du pays, a célébré mercredi sa victoire sur le régime de Mouammar Kadhafi. Mais si les Libyens de Cyrénaïque - le nom de la province de l'Est - sont à la fête, il n'en va pas de même dans la capitale, Tripoli, que les étrangers ont fuie. A une heure où, d'ordinaire, les artères de cette grande ville de 1,7 million d'habitants sont bloquées par les embouteillages, seuls quelques cafés ont ouvert leurs portes. Le gouvernement a pourtant appelé à la reprise du travail.

400 Français rapatriés

Dans un discours-fleuve, Mouammar Kadhafi a juré de rester en Libye, exhorté ses partisans à descendre dans les rues pour le soutenir et menacé de "nettoyer la Libye maison par maison". Un discours qui n'a pas vraiment mobilisé les Tripolitains. Seulement 150 personnes se sont rassemblées mercredi sur la place Verte au centre de la capitale, agitant drapeaux libyens et portraits du colonel. "Beaucoup de gens ont peur de quitter leurs maisons à Tripoli et les miliciens pro-Kadhafi patrouillent et menacent les gens qui se rassemblent", raconte un Tunisien, Marouane Mohamed, qui vient de passer la frontière de la Libye pour rentrer dans son pays. Les nombreux travailleurs immigrés installés en Libye ont, prudemment, opté de revenir chez eux et les opérations d'évacuation des ressortissants européens ont commencé. Quelque 400 Français sont arrivés à Paris dans la nuit, rapatriés par l'armée de l'air française.

Base militaire abandonnée à Tobrouk

De son côté, Kadhafi tente d'empêcher la contagion en déployant des soldats en Tripolitaine, la province de l'Ouest libyen. La chaîne britannique Sky News a montré une base militaire abandonnée près de Tobrouk, à une centaine de kilomètres de la frontière égyptienne.

Si les plaines de Cyrénaïque et les monts du Djebel al Akhdar sont plutôt calmes, la capitale de la région, Benghazi, est en effervescence. Dans cette ville de 700.000 habitants, d'où la révolte est partie il y a une semaine, les cris de joie se perdent dans les explosions de pétards et coups de klaxons. Les opposants, nouveaux maîtres des lieux, agitent les drapeaux tricolores (rouge-vert-noir) datant du roi Idriss renversé en 1969 par Kadhafi et distribuent de la nourriture aux passants en même temps qu'ils restituent les armes.

Kadhafi ne peut plus guère compter que sur ses mercenaires

Une partie de l'armée et de la diplomatie libyennes commencent à lâcher le Guide. L'équipage d'un avion militaire a refusé de bombarder Benghazi et sauté en parachute, laissant l'appareil s'écraser au sud-ouest de la ville, rapporte le journal local Kourina. Il faut dire que le bilan commence à être très lourd parmi les civils. Le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini estime le nombre de victimes à près d'un millier. Un médecin français qui arrivé tout juste de Benghazi écvoque même le nombre de 2.000 morts. Et, pour la première fois mercredi, un pays - la France - a demandé explicitement des sanctions contre la Libye. "Je souhaite que soit examinée la suspension des relations économiques, commerciales et financières avec la Libye jusqu'à nouvel ordre", a dit Nicolas Sarkozy dans un communiqué.

L'Union européenne en discutait mercredi en milieu d'après-midi à Bruxelles. L'Italie, ancienne puissance coloniale qui a noué des liens économiques étroits avec la Libye, y était jusqu'à présent opposée mais elle pourrait changer d'avis au vu des derniers événements. Plusieurs représentants de la Libye, à l'Onu, Paris et dans d'autres capitales, ont condamné l'attitude du numéro un libyen.

D'autres proches de Kadhafi ont fait défection, comme le ministre de l'Intérieur, Abdel Fattah Younes al Abidi, et un haut conseiller de Saïf al Islam Kadhafi, l'un des fils du colonel. Réuni mardi, le Conseil de sécurité des Nations unies a condamné l'usage de la violence. Le Premier ministre britannique, David Cameron, souhaite qu'il aille plus loin et demande mercredi l'adoption d'une résolution condamnant explicitement le recours à la force.

Un quart de la production de pétrole libyenne suspendue

Le Premier ministre du Qatar a déclaré que l'émirat ne voulait pas que la Libye soit isolée, soulignant la division d'une communauté internationale qui s'inquiète également des suites économiques de ce soulèvement. Selon les calculs de Reuters, un quart de la production libyenne de pétrole a été suspendue, conséquence de l'abandon et du pillage des installations pétrolières du troisième producteur d'Afrique. Le prix de l'or noir a atteint mercredi son plus haut niveau depuis deux ans et demi, à plus de 110 dollars le baril.

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