35 heures, chômage... les propos subliminaux de Hollande... et le décryptage selon Macron

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1481  mots
FrançoisHolande met sous pression les parteniares sociaux gestionnaires de l'assurance chômage en leur demandant de davantage s'intérresser à la formation des chômeurs
En présentant ses vœux aux acteurs économiques et sociaux, François Hollande a laissé entendre que des évolutions profondes pourraient intervenir sur l'assurance chômage et sur les 35 heures, via une diminution, voire la suppression selon Emmanuel Macron, de majoration des heures supplémentaires.

Article publié le mercredi 20.01.2016 à 8:00, mis à jour le vendredi 22.01 à 15:35

Hasard du calendrier ? Difficile à croire. Lundi 18 janvier dans la matinée, le président de la République a présenté ses vœux aux « acteurs de l'entreprise et de l'emploi » au Conseil économique, social et environnemental. François Hollande en a profité pour présenter les contours du prochain plan d'urgence pour l'emploi... mais pas que. Le président de la République a en effet envoyé quelques messages, notamment sur l'assurance chômage et sur la durée légale du travail de 35 heures. Or, concernant l'assurance chômage, quelques heures après l'intervention présidentielle, la Cour des comptes soulignait le niveau « préoccupant » de la dette du régime d'indemnisation du chômage et livrait quelques recommandations. Difficile de voir là qu'un pur hasard de calendrier entre ses deux « sorties » sur l'assurance chômage. De fait, clairement, la pression est mise sur les organisations patronales et syndicales, gestionnaires de l'Unedic, qui doivent dans les semaines à venir débuter la négociation de la nouvelle convention d'assurance chômage - qui fixe les règles en matière d'indemnisation du chômage - qui prendra effet le 1er juillet prochain.

Pression sur les négociateurs de la nouvelle convention d'assurance chômage

Or, on connaît la situation financière de l'Unedic. L'Institution perd environ quatre milliards d'euros supplémentaires chaque année. Et, à ce rythme, la dette cumulée atteindrait 29,4 milliards d'euros fin 2016 et 35 milliards fin 2018, soit l'équivalent d'une année de cotisation... Alors que les réserves de l'Unedic s'élèvent à environ 50 milliards d'euros.

Or, les pouvoirs publics sont très préoccupés par la situation financière de l'Unedic. Et pour cause, son déficit est pris en compte pour apprécier le respect par la France des critères de Maastricht qui limite à 3% du PIB le déficit public d'un pays. Or, la France s'est engagée à être dans les clous fin 2017.

C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre les propos présidentiels sur l'Unedic. Pour François Hollande,  la négociation :


« sera l'occasion de revoir un certain nombre de règles et de réorienter les financements (...) [le but] c'est surtout d'accompagner le retour vers l'emploi, de former es chômeurs vers les métiers d'aujourd'hui et de demain (...). En France, a-t-il ajouté, la durée d'indemnisation est la plus longue d'Europe mais la durée de formation des chômeurs est la plus courte. C'est ce qu'il faut changer ».


François Hollande s'est même montré très directif à l'endroit du patronat et des syndicats en lançant « je leur fais confiance pour aboutir à la signature d'une nouvelle convention sur ces bases ». Le message est clair : les partenaires sociaux sont priés de trouver des économies dans le fonctionnement de l'assurance chômage et ils seraient bien inspirés d'encourager la formation des demandeurs d'emploi. En filigrane, on voit où le président veut en venir : s'il ne suit pas une formation, un demandeur d'emploi pourrait, à l'avenir, bénéficier d'un système d'indemnisation moins généreux. Soit, la dégressivité des allocations sera restaurée, soit la durée de cette indemnisation sera diminuée. Mais de meilleures conditions seraient accordées aux demandeurs d'emploi en formation.

Le président de la République va d'ailleurs se trouver un allié de poids au cœur même du système : le Medef. Son président, Pierre Gattaz, intervenant devant la presse mardi 19 juin a lui aussi été très clair. Pour lui, la renégociation de la convention d'assurance chômage doit être l'occasion de « simplifier le dispositif, de baisser les cotisations, de mieux accompagner les personnes, de réduire les déficits et de lutter contre les abus ».

Les syndicats sont donc prévenus. Alors que la CFDT défend le rôle des allocations chômage qui servent « d'amortisseur social » en période de crise et de fort chômage, l'heure est plutôt aux économies comme le prône la Cour des comptes qui identifie trois paramètres essentiels sur lesquels il faudrait jouer : « l'assiette des contributions, leur taux et leur modulation. S'agissant des dépenses, trois paramètres principaux sont également relevés : la durée d'affiliation requise, la durée maximale d'indemnisation et son mode de calcul ».

Assurance chômage: l'Etat a le dernier mot

Mais de quoi se mêle l'Etat, diront certains ? De fait, l'Unedic est une création des partenaires sociaux en 1958. C'est même une originalité française par rapport à nombre de ses voisins européens que d'avoir un système d'assurance chômage non étatique. C'est même pour cette raison que les modalités de l'indemnisation du chômage - basées sur un dispositif assurantiel - sont différentes qu'ailleurs. Il n'en reste pas moins que l'Etat, qui apporte sa garantie financière à l'Unedic, a, in fine, le dernier mot puisque c'est le ministère du Travail qui doit agréer la convention. Il peut donc refuser cet agrément si les règles arrêtées ne lui conviennent pas.

Sur la récurrente question des 35 heures légales, le président de la République a aussi envoyé un message qui a dû surprendre dans les rangs de la gauche et chez les syndicalistes.

Vers une baisse du taux de bonification des heures supplémentaires?

Selon lui, les accords d'entreprises pourront «fixer les modalités d'organisation du temps de travail, sans remettre en cause la durée légale, en permettant par exemple de fixer le taux de majoration ou le nombre d'heures supplémentaires, ou de moduler davantage le temps de travail au-delà même de l'année». Des propos sibyllins... ou pas.

Actuellement, les huit premières heures supplémentaires effectuées au-delà des 35 heures doivent être majorées de 25%. Mais les lois Aubry prévoyaient qu'un accord de branche ou d'entreprise peut prévoir une majoration plus faible, sans descendre en dessous d'un plancher de 10%. Dans ce contexte comment interpréter les propos présidentiels ? Est-ce à dire que ce plancher de 10% va voler en éclat et qu' l'on pourra, au nom de la défense de l'emploi et de la compétitivité, conclure un accord prévoyant une bonification limitée à 7% ou 5% ? On ne connaît pas encore la réponse. Le Medef, prudent, tout en espérant une ouverture de ce genre, attend d'en savoir plus avant de crier victoire.

Macron pour la non majoration des heures supplémentaires

A en croire le ministre de l'Economie, Emmanuel Macron, lors de son déplacement à Davos le 22 janvier, il faudrait laisser à l'entreprise et aux syndicats, si la situation économique l'exige, la possibilité de conclure un accord prévoyant... aucune majoration pour les heures supplémentaires. Des déclarations qui ont déclenché un tollé.

A l'inverse, dans l'entourage de la ministre du Travail, à ce stade en tout cas, on ne fait pas cette interprétation des propos présidentiels. Il s'agirait seulement de laisser plus de latitude aux entreprises en leur permettant de faire sauter un éventuel verrou au niveau des branches. De fait, actuellement, des accords de branche définissent le taux de majoration des huit premières heures supplémentaires - dans la métallurgie, ainsi, il est fixé à 25%, comme le prévoit la loi - applicables obligatoirement par toutes les entreprises du secteur pour éviter les distorsions de concurrence.

La fin des 35 heures légales?

A l'avenir, la future loi sur la réforme du droit du travail, portée par Myriam El Khomri et qui sera présentée en mars, pourrait autoriser les entreprises, par accord majoritaire, à pratiquer un taux inférieur à celui déterminé par la branche. La règle de la préférence ne s'appliquerait donc pas. Et quand l'on interroge le ministère du Travail sur le fait de savoir si ces futurs accords d'entreprise pourraient pratiquer un taux de bonification inférieur à 10%... la réponse est « à ce stade ce n'est pas ce que nous souhaitons ». Soit des propos qui vont dans le sens inverse de ceux d'Emmanuel Macron.

Mais au ministère du Travail  l'on ajoute immédiatement que le sujet sera sur la table des rendez-vous bilatéraux que la ministre du Travail va avoir avec chacun des leaders patronaux et syndicaux dans le cadre de la préparation de la loi... Le sujet peut donc évoluer.

Si c'était le cas, cela signifierait la quasi disparition dans les faits des 35 heures légales. En effet, si la majoration des heures supplémentaires est réduite à la portion congrue, les entreprises, déjà libres de fixer la durée du travail qu'elles souhaitent, verraient sauter le verrou financier. Et la boucle serait quasi bouclée : ce qu'un gouvernement socialiste a institué en 1998, c'est un autre gouvernement socialiste qui l'aura démonté en 2016.