À partir de 11h25 ce lundi, les femmes « travaillent gratuitement »

Par latribune.fr  |   |  1024  mots
La différence de salaire entre femmes et hommes peut dépasser 25% si l'on tient compte du nombre d'heures travaillées, selon l'Insee. (Crédits : REUTERS/Benoit Tessier)
Les femmes commencent à « travailler gratuitement » à partir de 11h25 ce lundi 6 novembre. Et ce, jusqu'à la fin de l'année, selon la lettre d'information féministe Les Glorieuses, qui dénonce les inégalités salariales persistantes entre les femmes et les hommes. Le salaire des femmes est, en moyenne, 15,4% inférieur à celui des hommes. Si l’écart s’est légèrement réduit comparé à l’année précédente, la situation stagne néanmoins au regard des résultats des huit dernières années. Des pistes pour le réduire existent pourtant.

[Article publié le lundi 6 novembre à 8h09, mis à jour à 10h14] Le salaire des femmes est inférieur à celui des hommes. Une réalité bien connue à laquelle Les Glorieuses donne plus de concret chaque année. Cette lettre d'information féministe chiffre depuis huit ans le jour et l'heure à partir desquels les femmes commencent à « travailler gratuitement ». Concrètement en 2023, les femmes « pourraient s'arrêter de travailler le 6 novembre à 11h25 si elles étaient payées avec un taux horaire moyen similaire aux hommes tout en gagnant ce qu'elles gagnent aujourd'hui, toujours en moyenne, à l'année », relève la newsletter dans un communiqué.

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Cette date et cette heure symboliques ont été calculées à partir de statistiques européennes sur l'écart de salaire entre les femmes et les hommes en France. Cette année, les femmes gagnent en moyenne 15,4% de moins que les hommes selon Les Glorieuses.

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C'est un peu moins d'après l'Insee, mais l'écart est toujours colossal : à temps de travail égal, les femmes gagnent en moyenne 14,8% de moins que les hommes dans le secteur privé, a chiffré l'institut national. Mais la différence peut dépasser 25% si l'on tient compte du nombre d'heures travaillées. Et pour cause, plus d'un quart des femmes sont employées à temps partiel, contre 7,5% des hommes, selon le ministère du Travail.

Un écart qui stagne

L'écart salarial en 2023 est un peu meilleur que celui de l'année précédente, estimé à 15,8%, ce qui avait amené Les Glorieuses à déterminer la date symbolique au 3 novembre à 09h10. Pas de quoi se réjouir pour autant.

« Cela fait huit ans qu'on fait ce calcul, ça varie très peu, il y a une vraie stagnation », observe auprès de l'AFP Rebecca Amsellem, fondatrice de la newsletter.

C'est également ce qu'ont dénoncé les syndicats lors de la conférence sociale organisée par le gouvernement mi-octobre. L'écart salarial s'explique notamment par le « plafond de verre », qui empêche les femmes d'accéder en nombre aux fonctions dirigeantes. Mais pour Béatrice Lestic, en charge de ce dossier à la CFDT, la « grosse masse des inégalités » est due aux faibles salaires qui prévalent dans des métiers très féminisés, comme les infirmières, aides-soignantes ou autres assistantes maternelles. Il est également dû à l'impact de la vie familiale, selon cette responsable : trop souvent, le salaire des femmes « décroche » par rapport à celui des hommes à partir de la naissance de leur premier enfant - un phénomène démontré par l'Américaine Claudia Goldin, qui vient d'obtenir le Prix Nobel d'économie.

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Des pistes pour plus d'égalité

Parmi les pistes de solutions pour réduire l'écart salarial entre femmes et hommes, la CFDT propose de faire évoluer les congés paternité et parental dans un sens plus paritaire. « Il faut être beaucoup plus offensif pour attaquer l'ensemble des sujets qui font que les hommes gagnent plus que les femmes à travail égal. Il y a plusieurs angles d'attaque : il y a la question de la reconnaissance des compétences, il y a un enjeu autour de la lutte contre les temps partiels, les contrats courts. Ce sont des sujets concrets sur lesquels le gouvernement peut avoir un rôle », a commenté ce lundi matin sur France Inter Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT.

Les Glorieuses vont aussi dans ce sens, en réclamant un congé post-naissance équivalent pour les deux parents. Dans une pétition, la lettre d'information liste deux autres politiques publiques visant à favoriser l'égalité salariale. D'une part, une revalorisation des salaires des professions où les femmes sont les plus nombreuses et, d'autre part, que l'accès aux marchés publics et l'obtention de subventions et de prêts garantis par l'État soient conditionnés « au respect de l'égalité salariale », afin de « s'assurer que le budget alloué par les fonds publics n'accentue pas les inégalités ».

L'égalité entre les femmes et les hommes reste un sujet sur lequel les entreprises doivent agir en priorité en termes d'égalité des chances, selon le baromètre de perception annuel Kantar pour le Medef publié en octobre. 42% des personnes interrogées placent l'égalité femmes/hommes, et l'égalité salariale, en tête de ces priorités, devant l'âge (34%) et l'équilibre des temps de vie (31%).

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Deux avancées « notables »

Si « beaucoup de choses restent encore à faire », « deux avancées notables » ont été obtenues cette année sur la question de la transparence en matière de salaires, relève toutefois Rebecca Amsellem. Selon un arrêt de la Cour de cassation daté du 8 mars, une salariée peut ainsi légitimement demander la communication de bulletins de paie de salariés masculins occupant des postes de niveau comparable au sien. Et une directive européenne, destinée à contraindre les employeurs dans l'UE à la transparence pour garantir une égalité de rémunération entre femmes et hommes, a par ailleurs été adoptée et devra être transposée par les États membres dans leur droit national d'ici juin 2026.

En l'attendant et pour « anticiper cette transposition », la Première ministre Élisabeth Borne a proposé de bâtir dans les 18 mois un nouvel index d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Mis en place en 2018, cet index est censé être publié par toutes les entreprises de plus de 50 salariés pour évaluer leurs performances en la matière. Reste qu'il « ne remplit pas ses objectifs. La preuve : l'immense majorité des entreprises sont très bien notées, et pourtant, on a toujours un grand écart de salaire », observait Myriam Lebkiri, responsable de ce dossier à la CGT, lors de la conférence sociale.

(Avec AFP)