A quoi pourrait ressembler le grand soir fiscal ?

Par Fabien Piliu  |   |  990  mots
Se saisira-t-on à Bercy des propositions de l'OFCE ?
Lorsqu'il était à Matignon, Jean-Marc Ayrault avait annoncé une remise à plat de la fiscalité. Manuel Valls lancera-t-il ce chantier avant la fin du quinquennat ? L'OFCE formule quatre propositions pour réformer en profondeur la fiscalité française.

Au nez et à la barbe de Pierre Moscovici, alors ministre de l'Economie et des Finances, Jean-Marc Ayrault, le Premier ministre de l'époque  annonçait en novembre 2013 une remise à plat de la fiscalité française pesant sur les ménages et les entreprises pour 2017.

Depuis, les gouvernements qui se sont succédés ont continué l'œuvre de leurs prédécesseurs en employant la même méthode : lancer de nouvelles mesures, de nouveaux dispositifs sans supprimer ceux qui existaient déjà, ajoutant un peu plus de complexité à un environnement fiscal déjà très obscur pour la grande masse des citoyens.
Certes, le gouvernement a récemment promis de mettre en place le prélèvement à la source en 2017. Mais l'intérêt de cette mesure de simplification, compliquée à mettre en place, reste sujet à caution.

Quatre mesures simples

En attendant un grand soir fiscal, et après avoir constaté que les prélèvements obligatoires payés par les entreprises françaises dépassait le niveau moyen constaté dans les pays de l'OCDE, Eric Heyer, le directeur du Département analyse et prévision l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) formule une série de quatre propositions pour réformer en profondeur le paysage fiscal des entreprises françaises.

La première est depuis longtemps réclamée par l'OFCE. Elle consiste à appliquer la Règle de Ramsey qui considère un impôt idéal comme étant un impôt à taux faible, appliqué à une base fiscale large. Bref, il s'agit de baisser le taux nominal de l'impôt sur les sociétés et d'augmenter le nombre d'entreprises qui l'acquittent réellement. Avec cette méthode, le gouvernement réduirait la dépense fiscale qui pèse lourdement sur son budget. La loi de finances 2015 comportait 453 dépenses fiscales dont le coût a frôlé les 82 milliards d'euros !

La deuxième proposition consiste à vouloir financer les prestations universelles par de l'impôt et non par des cotisations. Pourquoi ce choix ? « La nature des prestations financées par les cotisations sociales est importante : lorsque celles-ci sont de nature contributive (retraite, chômage, accident du travail-maladie professionnelle), le financement par cotisations est justifié. En revanche, lorsqu'elles servent à financer des prestations universelles comme les prestations familiales (30 milliards d'euros) ou les dépenses de soins, le financement par l'impôt apparaît plus judicieux », explique l'économiste. « La Sécurité sociale s'étant généralisée à tous les résidents en France, un tel financement était devenu contestable car il posait un problème d'efficacité et de justice du prélèvement qui ne pesait que sur les revenus du travail et d'un manque de légitimité car seuls les salariés cotisaient. Par ailleurs, en alourdissant le coût du travail, il pesait sur la compétitivité des entreprises et sur les créations d'emplois », poursuit-il. Il plaide donc pour la mise en place d'un dispositif calqué sur la contribution sociale généralisée (CSG) à dimension sociale prélevée sur les revenus d'activité et de remplacement (allocations chômage, indemnités journalières) mais aussi les revenus du patrimoine, les produits de placement ou les sommes engagées ou redistribuées par les jeux.

Plus de lisibilité pour les ménages et les entreprises

L'économiste propose également de basculer les cotisations employeurs sur les cotisations salariales car la distinction entre cotisations patronales et salariales n'est qu'administrative et n'a que " peu de justification économique et encore moins d'incidence pour le salarié ou l'entreprise ". En effet, estime-t-il, pour le salarié, seul compte le salaire net de cotisations alors que le coût du travail pour l'employeur correspond au salaire super brut, incorporant les cotisations salariales et employeurs.

Dans ces conditions, et parce qu'elles sont de même nature et versées au titre de l'activité du salarié, il estime souhaitable de faire disparaître cette distinction en fusionnant les cotisations patronales avec les cotisations salariales, hors chômage et accidents du travail, tout en garantissant le revenu du salarié. En ne modifiant pas le degré de taxation total des revenus du travail, cette mesure aurait le mérite de rendre le modèle de financement plus transparent, plus lisible, plus incitatif. Autre avantage, elle permettrait d'éviter les confusions entre coût du travail, cotisations sociales et niveau des salaires. L'économiste précise que si la proposition 2 est retenue et réalisée, la proposition 3 serait limitée aux seules cotisations vieillesse.

Un seul objectif pour le Pacte de responsabilité

Enfin, la dernière proposition plaide pour un double aménagement du CICE et du Pacte de responsabilité. Le premier consiste à sortir de la logique d'un financement ex ante du Pacte et lui préférer, au minimum, un financement ex-post. " Les évaluations des baisses de cotisations indiquent que celles-ci sont financées pour plus de la moitié par le supplément de croissance qu'elles génèrent ", explique Eric Heyer. L'autre aménagement consiste à resserrer l'objectif du Pacte de responsabilité. Pour l'instant, celui-ci est double : stimuler l'emploi et augmenter la compétitivité des entreprises. " Or, pour être efficace, un même instrument ne peut avoir qu'un seul objectif  ", explique l'économiste. Concrètement si l'objectif est la création d'emplois, il faut cibler l'intégralité des aides sur les bas salaires. Dans ces conditions, l'effet sur l'emploi sera plus important et favorable à l'emploi non-qualifié. Mais si l'objectif est de renforcer la compétitivité des entreprises, un ciblage des aides sur les salaires aux alentours de trois SMIC devrait être préféré car elles favorisent les entreprises industrielles soumises à la concurrence et permettent de créer des emplois qualifiés. " Cependant un tel ciblage peut perdre une partie de son efficacité en favorisant des secteurs non exposés à la concurrence et induire une hausse des salaires dans un marché du travail des salariés qualifiés proche du plein emploi ", reconnait Eric Heyer.