A temps de travail égal, salaire inégal : les femmes gagnent près de 15% de moins que les hommes

Par Margot Ruault et Laurent Lequien  |   |  995  mots
Les femmes ont moins de temps à consacrer à leur carrière pour s'occuper des tâches domestiques. (Crédits : Carlos Garcia Rawlins / Reuters)
Les inégalités salariales entre femmes et hommes persistent. Alors que l'écart de salaire s'établit à 4% à poste comparable, il a atteint près de 15% à temps de travail égal en 2022, d'après la dernière étude de l'Insee dans le secteur privé. Et même plus de 23% lorsque l'on regarde le revenu salarial moyen.

4%, 14,9% ou 23,5% ? C'est le perpétuel débat sur l'écart de salaires entre les hommes et les femmes. En effet, à poste comparable, « c'est-à-dire en comparant les postes de même profession chez le même employeur », l'écart de salaire s'établit à 4% en 2022 dans le secteur privé, d'après les derniers chiffres de l'Insee. Un chiffre qui s'explique par le fait que les femmes ont tendance à moins négocier leurs salaires. « Nous sommes socialisés pour penser que l'argent est moins important pour les femmes que pour les hommes », note Clotilde Coron, Professeur des universités à Paris Saclay. Les femmes ont ainsi tendance à davantage s'auto-censurer et à estimer qu'elles méritent moins.

Du mieux tout de même comparé à l'année précédente, où il atteignait 4,3%. Pas de quoi crier victoire trop vite néanmoins. Comme le souligne l'institut de statistiques, « cet écart de salaire ne peut s'interpréter comme une mesure de la discrimination salariale » car elle ne prend pas en compte certaines différences comme l'expérience, l'ancienneté ou encore le diplôme.

Cet écart s'accentue donc lorsque l'on regarde le revenu salarial moyen, qui mesure la rémunération nette effective. Celui des femmes est inférieur de 23,5% à celui de leurs homologues masculins en 2022. Une légère réduction par rapport à 2021 (24,4%). Dans le détail, elles gagnent en moyenne 19.980 euros par an contre 26.110 euros pour les hommes. Une différence qui repose en partie sur « les différences de volume de travail moyen », précise l'Insee. Autrement dit, les femmes sont moins souvent en emploi au cours de l'année et travaillent davantage à temps partiel, qu'il soit choisi ou subi.

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Surreprésentation du temps partiel

En effet, « les femmes sont surreprésentées dans le temps partiel, et cela évolue peu, à cause de l'incompatibilité entre le fait de s'investir dans sa vie familiale et s'investir dans sa carrière », pointe Clotilde Coron, Professeur des universités à Paris Saclay. Il peut être difficile pour certaines femmes d'être davantage disponibles, de partir par exemple en déplacement du fait de leur vie familiale. « Le temps partiel peut également découler de la répartition des tâches domestiques dans les couples hétérosexuels qui a peu évolué », souligne-t-elle également. Les femmes ont donc moins de temps à consacrer à leur carrière pour s'occuper des tâches domestiques, ce qu'il fait qu'elles gagnent moins que les hommes.

« Et lorsqu'un des deux conjoints doit se mettre en temps partiel pour s'occuper par exemple des enfants, on va économiquement privilégier la femme, car elle gagne moins », argue l'experte, « c'est un phénomène qui s'autoentretient ».

Enfin, à temps de travail égal, l'écart de salaire moyen en équivalent temps plein est réduit à 14,9% contre 15,5% en 2021. Un écart qui s'explique notamment par « la ségrégation genrée des métiers », analyse Clotilde Coron. C'est-à-dire que les hommes et les femmes ne vont pas exercer les mêmes métiers, travailler dans les mêmes secteurs ou entreprises en fonction de leur sexe. Les femmes sont surreprésentées dans les métiers de secrétaires, employées administratives ou encore nettoyeuses. Alors que les hommes le seront en tant que conducteurs routiers ou bien ingénieurs informatiques...

Mais alors quels chiffres sont à prendre le plus en considération ? « Cela dépend de quoi on parle », estime-t-elle. « 4% représente la discrimination directe mais si on veut mesurer les inégalités de façon plus générale, c'est le chiffre de 23,5% qui représente mieux ce qui se passe concrètement ».

Secteur d'activité, taille de l'entreprise...

Les écarts salariaux vont également varier selon le secteur d'activité, la taille de l'entreprise ou encore l'âge. En prenant le salaire net (salaire perçu avant le prélèvement de l'impôt sur le revenu) en équivalent temps plein, les hommes de moins de 25 ans gagnent 4,7% de plus que les femmes de la même tranche d'âge. Un écart qui va s'intensifier avec l'âge pour atteindre 26,1% pour les personnes âgées de 60 ans ou plus.

Concernant la catégorie socio-professionnelle, les écarts les plus importants concernent les cadres, 15,7%, alors que l'écart sur le volume de travail entre les deux sexes au sein de cette catégorie n'est « que » de 4,3%. Par ailleurs, les inégalités vont également s'accroître en fonction de la taille de l'entreprise. Ainsi, l'écart de salaire en équivalent temps plein est de 7,9% pour les entreprises de moins de 10 salariés, contre 18,2% pour les entreprises de plus de 5.000 salariés.

La ségrégation professionnelle joue aussi sur le niveau de hiérarchie des femmes. Elles vont être sous-représentées parmi les plus hauts salaires. Parmi les 1% de salariés les mieux rémunérés, elles ne représentent plus que 22,8% des effectifs.

Qui plus est, les écarts de salaires en équivalent temps pleins s'accroissent en fonction du nombre d'enfants. « Ces différences proviennent à la fois de la baisse de salaire observée après la naissance mais aussi des carrières durablement ralenties des mères », pointe l'étude de l'Insee.

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Un écart qui tend à se réduire

Du mieux tout de même malgré ces inégalités persistantes. En 1995, l'écart de salaire net en équivalent temps plein était de 22,1%. Une amélioration, donc, de 7,2 points en presque 30 ans. Parmi les facteurs explicatifs, l'Insee souligne notamment l'augmentation des femmes cadres, mieux rémunérées que les autres salariés du secteur.

L'écart de volume de travail s'est également réduit : de 14,9% en 1995 à 10,1% en 2022. Le revenu salarial moyen était donc inférieur de 34% à celui de leurs homologues masculins entre 1995 et 2001 avant d'amorcer une décrue d'en moyenne 0,5 point par an puis de 2,2 points entre 2019 et 2022. Il n'y a donc plus qu'à espérer que cette tendance se poursuive...