Cinq parcours de femmes qui réussissent dans la tech

Entrepreneuses, développeuses, directrice des nouvelles technologies... La Tribune a sélectionné les profils de cinq personnalités féminines, dont le parcours se démarque dans l'univers des startups, à l’occasion de l’événement Zero to one à Nantes, les 24 et 25 janvier.
Les 24 et 25 janvier, l'événement Zero to one s'est tenu pour la première fois au Palace à Nantes.
Les 24 et 25 janvier, l'événement Zero to one s'est tenu pour la première fois au Palace à Nantes. (Crédits : Leo Girard)

Du 24 au 25 janvier, Nantes a accueilli pour la première fois l'événement Zero to one dédié aux startups auquel ont participé quelque 500 personnes. Au programme : 22 conférences et autant de partages d'expériences. Quelques belles réussites nantaises ont été à l'honneur, notamment dans le secteur de l'industrie verte avec le témoignage de Nolwenn Belléguic.

A 43 ans, cette dernière est la cofondatrice de Lhyfe, le premier producteur et fournisseur d'hydrogène vert et renouvelable dont l'ambition est d'éviter 1 milliard de tonnes de CO2. Un projet né en 2017. « Parmi les fondateurs, j'étais la seule à avoir un profil généraliste orienté corporate », se souvient cette Nantaise qui endosse la casquette de directrice déléguée générale depuis 2022. Une entreprise qui a connu une croissance fulgurante, passant de 0 à 200 personnes, est présente dans une douzaine de pays et affiche 1 million d'euros de chiffre d'affaires.

Cinq parcours inspirants de femmes qui réussissent dans la tech

 « Il faut que je vous raconte une anecdote. Nous avons inauguré il y a trois semaines l'une de nos usines. J'ai pris le micro face à 200 personnes pour introduire la séance et je n'ai pas souhaité afficher mon statut car cela n'avait pas d'importance dans cette mission. Mais certaines personnes m'ont prise pour la maîtresse de cérémonie. »

 « Il a fallu que j'assume d'être le CEO »

Cinq parcours inspirants de femmes qui réussissent dans la tech

Une autre Nantaise avait aussi fait le déplacement : Jessie Toulcanon, cofondatrice de Pickme (Val-de-Marne) et directrice générale. C'est elle qui a imaginé la première plateforme de livraison collaborative de voisins-relais qui réceptionnent les colis pour leurs voisins. Une idée qui a germé en 2019. « J'ai voulu lancer le BlaBlaCar du colis », se souvient-elle. Elle quitte son job, teste l'idée et « ça prend ! » La même année, la startup voit le jour. Jessie Toulcanon a alors 35 ans. « Je me suis lancée un peu naïvement. J'étais en solo et je ne connaissais absolument rien à la logistique. »

Elle intègre des incubateurs et on lui tient souvent le même discours : « T'es seule et tu n'es pas tech, tu ne lèveras jamais de fonds. »

Très vite, elle se décide à trouver un associé. « Mais quand tu es une nana, que tu viens du marketing et du e-commerce, ça ne se trouve pas comme ça ! » Une première association de trois mois se solde par un échec. « J'avais déjà perdu trop de temps à travailler mon business plan, mes maquettes... et je n'avais rien vendu ! » Jusqu'à la rencontre avec un ingénieur. « Nous avons tout repris de A à Z. » Puis un troisième associé se joint au duo. « L'aventure a démarré et les complexités aussi. » Un trio avec des profils complémentaires mais aussi « très éloignés ». Avec une difficulté majeure : comment travailler à trois et construire de la valeur. « Nous avions créé un monstre à trois têtes sans fondateur... Une énorme erreur ! » Le trio se fait alors accompagné par un coach en gouvernance. « Il a fallu que j'assume d'être la directrice générale, ce qui n'a pas été une étape simple car je n'avais pas cette velléité à être cheffe de bande. J'ai dû apprendre ce rôle-là et surmonter ce syndrome de l'imposteur. Mes associés ont dû quant à eux mettre leur ego de côté. Ça a été compliqué et très tendu. Mais, au final, ça nous a facilité la vie », raconte Jessie Toulcanon. Aujourd'hui âgée de 39 ans, elle codirige une équipe de 15 personnes. Pickme s'appuie désormais sur une communauté de plus de 150.000 voisins relais en France.

« Prendre confiance en moi »

Le syndrome de l'imposteur, Léa Thomassin a dû elle aussi s'en débarrasser. Voilà 15 ans, elle a cofondé à Bordeaux une startup à impact. Son nom : HelloAsso, un site de paiement sur Internet utilisées gratuitement par 300.000 associations pour proposer à leurs membres un règlement en ligne. Lesquels ont la possibilité de verser une contribution volontaire. La plateforme comptabilise aujourd'hui 7 millions de donateurs citoyens. Un modèle qui a permis de récolter pas moins de 1,4 milliard de dons. Le chiffre d'affaires flirte avec les 15 millions d'euros en 2023 (+50% vs 2022) et s'apprête à franchir les 21 millions d'euros cette année. L'effectif est lui passé de 0 à 175 personnes. 50 nouveaux collaborateurs vont renforcer cette année les troupes.

Lire aussiHelloAsso déploie des services de paiement après le feu vert du gendarme bancaire

Elle aussi parle de « sa traversée du désert » et des préjugés qu'elle a dû surmonter. « J'avais 22 ans, j'étais une femme et dans la tech. J'avais dû mal à être prise au sérieux. Il a fallu montrer que je maîtrisais mon sujet », raconte-t-elle. Elle admet l'existence de stéréotypes en défaveur des femmes sur le marché financier. « Lorsque nous avons levé des fonds, j'étais clairement un handicap », précisant avoir aussi été victime de remarques sexistes.

Cinq parcours inspirants de femmes qui réussissent dans la tech

Léa Thomassin, aujourd'hui âgée de 37 ans, reconnaît qu'elle se mettait également des freins. Elle a donc fait appel à un coach professionnel lorsqu'elle a pris la présidence de l'entreprise en 2019 pour « prendre confiance en moi ».

« J'ai levé des millions, prêché dans le désert et galéré »

Tara Heuzé-Sarmini vient quant à elle de fêter ses 30 ans. Elle aussi est d'avis que la réussite est de savoir s'entourer de partenaires de confiance. Elle s'est donc lancée dans une quête d'associé. « Dans mes précédents projets, j'avais expérimenté à maintes reprises la sollitude de la dirigeante », justifie-t-elle. Celle qui se décrit comme « innovatrice et récidiviste » et toujours insatisfaite n'est pas peu fière d'être à l'origine d'une « première mondiale » et d'un « projet pionnier ». Son ambition : révolutionner les usages et les modes de vie. Avec Ruben Petri, elle crée la jeune pousse Commune Coliving fin 2021.

Lire aussiImmobilier : le coliving, un mode de vie en plein essor

Cinq parcours inspirants de femmes qui réussissent dans la tech

« Il s'agit d'une offre de logements et de services clés en main pour les familles monoparentales. » Ils lèvent des fonds et recrutent la première salariée en 2022. L'entreprise en compte 12 aujourd'hui. La jeune entrepreneuse qui a endossé le rôle de CEO reconnaît que se lancer dans une telle aventure est « épuisant »« J'ai levé des millions, prêché dans le désert et galéré. Aujourd'hui, je continue de soulever des montages avec mon associé. Ensemble, nous affrontons une tempête conjoncturelle alors que nous levons des fonds. Bref, innover radicalement, c'est dur mais extrêmement gratifiant. » La difficulté à lever des capitaux quand on est une femme est bien une réalité selon elle.

« 2% des financements en capital-risque vont à des entreprises uniquement dirigées par des femmes. Pour les startups fondées par des hommes, ce nombre est de 83%. »

 Mais pas de quoi la freiner dans ses projets. Après l'ouverture d'une première résidence à Poissy qui accueille 13 familles, une seconde va ouvrir au printemps à Roubaix pour héberger 28 familles. Prochaine étape : « 500 résidences en dix ans en France et en Europe ».

« Je n'étais pas prise au sérieux »

Certaines développeuses bousculent les codes et s'octroient le poste de CTO (chief technical officer) si rarement occupé par des femmes. C'est le cas de Laure Némée. Cela fait 23 ans qu'elle évolue dans la tech. Elle a capitalisé sur son expérience de CTO, acquise notamment chez Leetchi et Mongobay, pour lancer un projet de zéro et développer en seulement trois mois une application.

Lire aussi"Une femme en France a 30% de chances en moins de lever des fonds" Céline Lazorthes, Leetchi

Sa vocation : « réinventer le cabinet médical généraliste en améliorant l'expérience de soin des patients, les conditions d'exercice des soignants et les actions de suivis de patients et de prévention », explique-t-elle. Avec trois autres associés, elle lance la startup tech-enabled Primary (Paris) en mars 2023 qui emploie moins d'un an après 9 salariés et prépare l'ouverture de trois cabinets après deux projets « pilote ». A 46 ans, elle aussi reconnaît avoir eu l'impression dans son parcours de ne pas être prise au sérieux.

Accroître la visibilité des femmes

Toutes s'accordent sur un point : il faut accroître la visibilité des femmes qui dirigent des entreprises prospères. Jessie Toulcanon reconnaît avoir un rôle à jouer. « Par le passé, j'étais toujours dans l'ombre car je n'avais pas de rôle modèle. Aujourd'hui, je n'hésite plus à prendre la parole pour montrer aux jeunes filles que c'est possible. »

Léa Thommassin qui a fait du sujet de l'inégalité hommes-femmes l'une de ses priorités (elle est aussi cofondatrice de la Fondation des Femmes qui agit pour les droits des femmes et la lutte contre les violences dont elles sont victimes, ndlr) a elle pris conscience de la nécessité de se mettre en réseau « pour non pas faire du business mais pour partager nos problématiques et bénéficier du retour d'expériences de celles qui ont peu relever des challenges ».

« Trop de réseaux sont encore majoritairement masculins. Il faut aussi démystifier la finance. »

Une autre raison pour laquelle il est nécessaire de créer davantage de startups dirigées par des femmes est qu'elles peuvent aussi servir de modèles à d'autres intéressées à créer leur propre entreprise. Ce que confirme Laure Némée. Après avoir été nourrie par le parcours inspirant de Céline Lazorthes (fondatrice de Leetchi) qui a réussi dans la tech, elle est elle-même devenue une source d'inspiration professionnelle pour des jeunes femmes qui se lancent dans l'entrepreneuriat en tant que CTO. « C'est un grand bonheur pour moi ! », conclut-elle.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.