Allocations chômage : pourquoi l'Unedic a versé 1 milliard d'euros en trop en 2017

Par latribune.fr  |   |  811  mots
Le rapport reconnaît que, pour l'heure, le site internet de Pôle emploi permet seulement la déclaration d'un nombre d'heures et d'un seul montant de rémunération, "sans aucune possibilité pour l'allocataire de pouvoir distinguer les différentes activités exercées dans le mois". (Crédits : Reuters)
Haro sur les chômeurs-tricheurs ? Pas du tout. Ce rapport explique au contraire l'urgence, notamment, de perfectionner l'interface de déclaration de l'activité sur le site Internet de Pôle emploi. En effet, il n'est jusqu'à présent possible de déclarer qu'un seul nombre d'heures et un seul montant de rémunération, laissant la foule des travailleurs en contrats courts (CDD...) dans l'impasse. Le rapport élaboré par l'Unedic et présenté ce mercredi matin à la réunion mensuelle des partenaires sociaux, propose donc, entre autres pistes, de permettre la déclaration de toutes les activités exercées.

Les allocations versées en trop par l'Unédic aux bénéficiaires de l'assurance chômage ont augmenté de 36% en trois ans pour dépasser 1 milliard d'euros en 2017, selon un rapport de l'organisation. Le document, révélé par Le Monde et que Reuters s'est procuré, vise à proposer des pistes de solutions pour répondre aux dysfonctionnements du régime d'allocations. Il doit être présenté aux partenaires sociaux ce mercredi 25 avril lors d'une rencontre mensuelle du bureau de l'Unédic.

La complexité des situations de travail pas prise en compte

Selon le document, 87% des allocations indûment versées en volume sont "liées à l'activité professionnelle", c'est-à-dire que des bénéficiaires cumulent allocation de chômage et rémunération pour une activité de travail.

Dans 62% des cas, l'allocataire déclare avoir travaillé mais ne justifie pas de tous les salaires perçus. Pour le reste, il déclare ne pas avoir travaillé alors qu'il avait une activité.

Les manques de l'interface de déclaration de l'activité de Pôle emploi

Selon l'Unédic, les deux tiers de l'augmentation s'expliqueraient par l'amélioration des dispositifs de détection mis en oeuvre par Pôle emploi. Le tiers restant provient de l'augmentation du nombre d'allocataires indemnisés, en particulier ceux en emploi.

Pour Denis Gravouil, négociateur pour la CGT, les trop-perçus sont imputables à un système de déclaration "compliqué", "notamment pour les personnes en intérim".

Le rapport reconnaît que, pour l'heure, Pôle emploi permet seulement la déclaration d'un nombre d'heures et d'un seul montant de rémunération, "sans aucune possibilité pour l'allocataire de pouvoir distinguer les différentes activités exercées dans le mois".

Autres pistes : droit à l'erreur, généralisation des paiements provisoires...

L'allocataire, qui est tenu d'agréger lui-même ses multiples salaires, peut ainsi "commettre une erreur dans ce calcul ou un oubli". Le document propose donc de permettre la déclaration de toutes les activités exercées.

Il propose aussi d'enrichir le formulaire d'actualisation des déclarations préalables à l'embauche (DPAE) pour inviter l'allocataire à confirmer, infirmer ou modifier ces informations.

Une autre piste pour limiter les trop-perçus serait de généraliser les paiements provisoires - soit 80% des allocations dues - pour les personnes incapables de justifier de l'intégralité de leurs activités déclarées.

Améliorer le taux de recouvrement des trop-versés/perçus

Dans ces situations, Pôle emploi attend les justificatifs manquants pour envoyer les paiements restants.

Pour Denis Gravouil, il faudrait surtout que l'allocataire bénéficie d'un droit à l'erreur:

"Ça peut être très pénalisant pour une personne de devoir rembourser des trop-perçus si elle est à découvert", dit-il en précisant "que la plupart des gens sont de bonne foi et ne s'y attendent pas".

Le taux de recouvrement des indus était de 53,6% en 2017, précise l'Unédic, ce qui correspond à une somme de 400 à 500 millions d'euros. Cela représente 1,5% de tous les versements en allocations.

Ce faible taux s'explique en partie par la décision du Conseil d'Etat en 2014 de supprimer la possibilité qu'avait Pôle Emploi de ponctionner directement sur le compte des bénéficiaires pour récupérer les sommes, indique-t-on à l'Unédic.

Les contrats courts (CDD, intérim) responsables du "trou" de l'Unedic

Pour mémoire, la question des contrats courts (CDD, intérim) est centrale : ce sont eux qui sont responsables de la dette de l'Unedic. Les données financières sont ainsi très parlantes. En 2015, la différence entre allocations versées et contributions perçues par l'Unedic pour les CDI est... positive : il y a eu 18,892 milliards d'euros versés en allocations pour 29,28 milliards d'euros de cotisations perçues, soit un solde positif de 10,39 milliards. A l'inverse, pour les CDD, 8,88 milliards d'allocations ont été versées, alors que seulement 2,66 milliards ont été perçus, soit un trou de 6,22 milliards d'euros. Ou, dit autrement, un ratio négatif de 3,3... Et le même constat prévaut pour l'intérim qui enregistre un solde négatif de 1,78 milliard d'euros...

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Instaurer un bonus-malus pour limiter les CDD abusifs

De fait, lors des négociations en début d'année sur l'assurance chômage entre partenaires sociaux et Muriel Pénicaud, l'instauration d'un bonus-malus pour limiter les CDD abusifs était "le" point non négociable pour les syndicats. Pour lutter contre l'abus des contrats de travail de courte durée, la ministre avait déclaré qu'elle allait "respecter ce que les partenaires sociaux ont prévu dans leur accord".

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(Avec Reuters)