
(Article publié le 23 février à 12h14, mis à jour à 14h20 avec la réaction de Muriel Pénicaud)
Alors que les partenaires sociaux venaient de boucler, dans la nuit de mercredi à jeudi, un premier accord sur la formation professionnelle, la ministre du Travail Muriel Pénicaud a "jeté un froid" sur les négociations en annonçant que celui-ci ne sera pas repris dans sa totalité, a jugé Éric Courpotin, négociateur pour la CFTC. Syndicats et patronat étaient pourtant prêts à le signer en l'état. Sur le plateau de CNews, la ministre a même promis "un big bang" de simplification du système de formation, qu'elle annoncera la semaine prochaine. Les partenaires sociaux n'auraient "pas traité" ce sujet, selon elle.
Les syndicats remontés contre le "mépris de la démocratie sociale"
Alors, pour le second dossier, celui de l'assurance chômage, discuté et conclu jeudi, les négociateurs, un peu refroidis, ont pris leurs précautions. À l'issue de la réunion, Véronique Descacq, négociatrice de la CFDT, a prévenu que "si le texte est équilibré", l'organisme syndical n'est pas, "à ce stade, signataire". Idem pour Eric Courpotin de la CFTC.
"On ne pourra être signataire du texte que si l'État s'engage à respecter tous les termes. Le gouvernement ne peut pas mépriser la démocratie sociale comme il le fait actuellement", s'est-elle emportée.
Quant au Medef, qui a tenu la plume, la question de sa signature ne se pose pas. Mais son chef de file, Alexandre Saubot, a néanmoins insisté sur l'importance de respecter "l'équilibre" global de l'accord.
En marge des événements sur l'Erasmus des apprentis ce vendredi, Muriel Pénicaud a fait savoir qu'elle se prononcera "dans quelques jours" sur ce que le gouvernement retiendra de l'accord, tout en réaffirmant qu'elle "croit beaucoup au dialogue social".
"Je dirai ce qu'on retient et aussi si on considère qu'il faut aller plus loin, notamment sur le sujet de la lutte contre la précarité, dont j'avais dit dès le départ que c'était un sujet, pour nous, très important", a-t-elle ajouté.
Le bonus-malus, un point de bascule ?
Sur le fond, l'accord trouvé jeudi est effectivement « équilibré », mais « a minima », a estimé Michel Beaugas, secrétaire confédéral chez Force Ouvrière, résumant une opinion partagée par l'ensemble des syndicats à l'exception de la CGT, qui a fait part, par la voix de Denis Gravouil, de son « appréciation assez négative » du texte. Il a d'ailleurs subordonné sa signature à une acceptation complète du premier texte, celui sur la formation professionnelle.
Ce qui est non négociable pour les syndicats, c'est la menace du fameux "bonus-malus" que pourrait instaurer l'exécutif s'il juge insuffisantes les mesures prises par les branches pour lutter contre la précarité et l'abus de contrats courts. Concrètement, avec ce système, les entreprises qui licencient davantage voient leurs contributions à l'assurance chômage augmenter (malus), alors que celles qui licencient peu voient leur contribution diminuer (bonus).
Diminuer les contrats courts qui coûtent cher à l'Unedic
Sur ce point, le texte prévoit que toutes les branches négocient sur la précarité avant la fin 2018. Les partenaires sociaux de branches devraient, « lorsque cela est possible », se fixer des « objectifs quantitatifs et qualitatifs », qui seraient contrôlés par un « groupe de suivi paritaire ».
Il faut savoir que le nombre d'embauches en contrat à durée déterminée (CDD) de moins d'un mois a presque triplé depuis le début des années 2000, une recrudescence qui coûte cher à l'Unedic.
Ce que prévoit aussi le texte
- Indemnisation des démissionnaires
Les salariés qui démissionnent avec un "projet de reconversion professionnelle" pourraient bénéficier d'une indemnisation chômage, dont le montant et la durée seraient équivalents aux allocations chômage de droit commun. Pour être éligible, il faudrait justifier, au minimum, d'une ancienneté "ininterrompue" de sept ans dans l'emploi et avoir un projet de reconversion nécessitant une formation qualifiante ou une formation complémentaire.
Pour rappel, Emmanuel Macron, alors candidat à l'élection présidentielle, avait promis un droit mobilisable "tous les cinq ans".
- Indemnisation des indépendants
Le texte plaide pour un régime distinct de l'Unédic, "public" et "financé par l'impôt", "ouvert à tous les indépendants", qui bénéficieraient d'une prestation en cas de "liquidation judiciaire". Des "régimes privés" pourraient proposer, en sus, des "prestations complémentaires".
- La gouvernance
L'accord prévoit que la négociation paritaire continue de "définir en toute autonomie les règles d'indemnisation et le niveau de ressources nécessaires" du régime, avec l'objectif, à terme, de se passer de "la garantie financière accordée par l'Etat".
Il demande une "clarification" des rôles de la solidarité nationale ou de l'assurance chômage et suggère l'instauration d'une "conférence pour l'emploi" réunissant Etat et partenaires sociaux, qui fixerait des "objectifs communs au régime de solidarité", c'est-à-dire les minima sociaux, "et au régime assurantiel", c'est-à-dire l'assurance chômage.
(Avec agences)
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