Ascenseur social : pourquoi ça coince

Par Grégoire Normand  |   |  771  mots
"Dans les générations qui ont aujourd’hui entre 30 et 45 ans, l’accès à un niveau de vie élevé comme le risque d’être en situation de pauvreté varient fortement selon l’origine sociale. Cet effet s’avère beaucoup plus déterminant que l’origine migratoire, le sexe ou l’âge de l’individu", conclut l'étude. (Crédits : Reuters/John Schults)
Selon une note de France Stratégie, l'origine sociale et les inégalités scolaires sont les deux principaux facteurs qui paralysent la mobilité sociale et professionnelle.

Le rôle du diplôme et de l'origine sociale restent déterminants en France. Selon une note de France Stratégie publiée ce vendredi 6 juillet, un enfant de cadre supérieur a 4,5 fois plus de chances qu'un enfant d'ouvrier d'appartenir aux 20% les plus aisés. Cet écart indique clairement que l'ascenseur social connaît de sérieux ratés en France même si les politiques publiques peuvent contribuer à limiter les inégalités notamment lors des crises économiques. Déjà dans un rapport publié il y a quelques semaines, l'OCDE avait alerté sur la faible mobilité intergénérationnelle en France. Les économistes de l'institution internationale avaient expliqué qu'il fallait six générations pour que les descendants de familles modestes atteignent le revenu moyen dans l'Hexagone.

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L'origine sociale reste prépondérante

Pour mieux comprendre les inégalités sociales, l'organisme de réflexion s'est appuyée sur de nombreuses données issues d'organismes différents (Insee, DGFIP, Cnaf, Cnav). Résultat, l'accès à un niveau de vie élevé ou le risque de se retrouver en situation de pauvreté sont fortement liés à l'origine sociale. "Cet effet s'avère beaucoup plus déterminant que l'origine migratoire, le sexe ou l'âge de l'individu."

L'auteur de la note Clément Dherbécourt s'est attaché à étudier la profession du père pour cerner le rôle qu'elle pouvait avoir sur l'égalité des chances. Sa conclusion est claire :

« On est bien loin d'une situation d'égalité des chances pure, où chacun aurait une chance sur cinq d'appartenir à un groupe ou l'autre quelle que soit la profession du père ».

Dans la hiérarchie des catégories professionnelles, ceux dont le père exerçait une profession libérale sont de loin les plus favorisés, "avec une chance sur deux de faire partie des 20% les plus aisés, contre une chance sur 14 d'appartenir aux 20% les plus modestes." Viennent ensuite les enfants de cadres supérieurs et de chefs d'entreprise de plus de 10 salariés avec deux chances sur cinq de figurer parmi les 20% les plus aisés, contre une chance sur 10 parmi les plus modestes. À l'inverse, les enfants d'ouvriers agricoles ou d'ouvriers non qualifiés ont environ trois chances sur 10 d'appartenir aux 20% les plus modestes contre seulement une chance sur 10 aux 20% les plus aisés.

Éducation : le diplôme comme facteur d'inégalités

En dépit d'une progression des inégalités bien inférieure à de nombreux voisins européens après redistribution, la France connaît de sérieuses difficultés pour permettre aux individus de gravir les échelons socio-professionnelles. À se sujet, le document explique bien que le diplôme représente un facteur déterminant dans le parcours des individus :

« Cet effet s'explique largement par l'influence de l'origine sociale sur le niveau de diplôme atteint par les individus : l'inégalité des chances éducatives contribue pour moitié aux écarts de niveau de vie moyen entre enfants d'ouvriers et enfants de cadres, et pour moitié également à l'écart de chances entre eux de faire partie des 20% des ménages les plus aisés. »

L'auteur pointe ici les lacunes du système éducatif français qui a toutes les peines à appliquer le principe d'égalité des chances alors que la France revendique régulièrement le modèle méritocratique. Les failles de l'école en France sont régulièrement pointées du doigt par les institutions internationales comme l'OCDE.

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L'homogamie sociale pèse sur les familles modestes

L'homogamie sociale peut également être un facteur important pour expliquer le manque d'efficacité de l'ascenseur social en France et les inégalités de revenus. Il arrive régulièrement que les personnes se mettent en couple avec d'autres personnes de même origine sociale, de profession ou de diplôme similaire, ce qui n'accroît pas forcément les chances de mobilité sociale ou professionnelle.

« Le fait que les individus d'origine modeste soient plus souvent en couple avec des personnes de même origine sociale — donc moins diplômées et ayant plus difficilement accès au marché du travail — influe potentiellement sur le revenu total de leur ménage. »

À l'heure où Emmanuel Macron a reporté la présentation du plan pauvreté à la rentrée, la publication de cette note devrait permettre d'alimenter les débats et les réflexions sur les priorités à mettre en avant pour dégripper l'ascenseur social français.

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