Assurance chômage : renforcer les contrôles ne résoudra pas le problème selon l'OFCE

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  1419  mots
En échange de nouveaux droits, comme l'indemnisation des salariés démissionnaires, Emmanuel Macron prévoit, dans sa reforme de l'assurance chômage, de mettre en place "un contrôle accru de la recherche d'emploi", accompagné de "sanctions rendues justes et crédibles".
Le président de la République a prévu une vaste réforme de l'assurance chômage, consistant notamment à l'étatiser et à renforcer les contrôle des chômeurs. Pourtant, le système d'accompagnement des demandeurs d'emplois est déficient, l'OFCE propose plusieurs pistes de réformes pour l'améliorer. Si le dispositif a besoin de plus de clarté, l'étude recommande fortement de revoir le mode de calcul de l'allocation chômage.

Faut-il obliger les chômeurs à retourner au travail ? En échange de nouveaux droits, comme l'indemnisation des salariés démissionnaires, Emmanuel Macron prévoit, dans sa reforme de l'assurance chômage, de mettre en place "un contrôle accru de la recherche d'emploi", accompagné de "sanctions rendues justes et crédibles". Parmi ces dernières, on retrouve la fameuse proposition de suspension des allocations chômage "si plus de deux offres d'emploi décentes, selon des critères de salaire et de qualification, sont refusées", ou si "l'intensité de la recherche d'emploi est insuffisante".

Ces mesures n'ont rien d'une révolution. Le contrôle des chômeurs est vieux comme Hérode et la réglementation actuelle, avec le dispositif de "l'offre raisonnable d'emploi" (ORE) mis en place en 2008, prévoit déjà la radiation en cas de deux refus. Dans ces conditions, pourquoi Emmanuel Macron a-t-il proposé des mesures vieilles de neuf ans ? D'abord il est question dans son programme d'offres "décentes" et non "raisonnables", une nuance qui pourrait cacher une redéfinition du dispositif. Comme à son habitude, le président de la République a affiché son intention de réformer sans entrer dans les détails.

Dans un policy brief intitulé "Obliger les chômeurs indemnisés à reprendre un emploi : la bonne mesure", l'OFCE dresse un état des lieux du dispositif existant de contrôle et de sanction des chômeurs dans leur recherche d'emploi. Il en ressort que le problème centrale du système d'accompagnement des demandeurs d'emploi relève du mode de calcul des allocations.

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"Les chômeurs ne sont pas inertes"

Avant de revoir le dispositif, il convient de savoir à qui celui-ci s'adresse. Alors que la France compte 5,5 millions de demandeurs d'emplois, entre 120.000 (Dares) et 800.000 (COE) postes demeurent vacants, d'où l'amalgame formulé par certains : "Les chômeurs ne veulent pas travailler." Un postulat invalide selon l'auteur de l'étude, Bruno Coquet, chercheur affilié à l'OFCE et à l'IZA. "L'idée convenue selon laquelle les chômeurs indemnisés refuseraient de reprendre un emploi doit aussi être battue en brèche", insiste-t-il.

Preuve en est, en France, huit contrats de travail sur dix signés chaque mois sont de très courte durée (moins de 1 mois), et ces derniers sont pourvus en immense majorité par des chômeurs. "Les sorties vers l'emploi, la fréquence élevée des passages par 'l'activité réduite', les entrées dans les programmes de formation ou d'emploi aidés démontrent que les chômeurs ne sont pas inertes", souligne l'OFCE. "Les études réalisées en France montrent [...] qu'il n'y a pas de réticence généralisée à la reprise d'emploi de la part des chômeurs indemnisés." Dans ces conditions, toute réforme du contrôle et des sanctions des chômeurs dans leur recherche d'emploi doit être calibrée pour répondre à un phénomène marginal.

"L'ORE est largement inapplicable"

Actuellement, le dispositif de prise en charge des demandeurs d'emploi fonctionne de la façon suivante : les chômeurs inscrits à Pôle emploi doivent constituer, avec leur conseiller, un Projet personnalisé d'accès à l'emploi (PPAE). Formation, qualifications, situation familiale, salaire attendu etc., il recense les éléments permettant de définir les offres raisonnables d'emploi (ORE), mentionnées plus haut, censées contraindre les chômeurs indemnisés à accepter des emplois disponibles.

Les critères de l'ORE évoluent au fur et à mesure que le chômeur consomme ses droits. Plus cette période dure, plus le demandeur doit se montrer flexibles sur ses conditions salariales et géographiques (distance et temps de trajet entre le lieu travail et le domicile). L'objectif est d'abaisser les critères d'exigence du demandeur pour qu'il reçoive plus d'offres, élargissant ses opportunités de retour à l'emploi.

Problème, selon l'étude, ce dispositif tel qu'il est conçu n'est pas compatible avec les règles d'indemnisation. "L'ORE apparaît donc comme un archétype de fausse rigueur car elle est largement inapplicable", pointe l'OFCE. Par exemple, pour un chômeur indemnisé depuis six mois, les offres raisonnables qui lui sont soumises doivent proposer un salaire brut d'au moins 85% de celui perçu avant de "pointer" à Pôle emploi. Or, avec le mode de calcul existant des indemnités, "l'allocation nette est supérieure au salaire net" que procurait cet emploi, selon l'auteur. Autrement dit, le système tel qu'il est conçu incite, dans certaines conditions, les allocataires à rester au chômage plutôt qu'à reprendre un emploi.

Un dispositif inégalitaire et flou

Pour redonner de la pertinence au dispositif, l'OFCE propose de s'attaquer à ses aspects inégalitaires. Aujourd'hui, le système d'accompagnement traite différemment les chômeurs selon la durée de leurs droits. La dégressivité de l'exigence des offres raisonnables est planifiée selon des périodes fixes (trois mois, six mois et douze mois). Or tous les allocataires n'ont pas les mêmes droits au chômage. Pour rappel, selon sa durée de cotisations et son âge, un chômeur peut être indemnisé de 4 à 36 mois. Résultat, un demandeur d'emploi ayant 4 mois de droits se verra proposer des ORE moins exigeantes uniquement après son troisième mois de chômage, alors qu'un demandeur ayant un an de droits se verra proposer des ORE moins exigeants après trois mois de droits, puis encore moins avantageuses à partir de six mois. Pour pallier cette situation, l'étude de l'OFCE propose de supprimer ces périodes fixes et d'en réduire le nombre. Par exemple, tous les chômeurs devraient baisser leurs exigences à la moitié de la durée de leurs droits.

Le caractère inégalitaire du système est même couplé à un manque de clarté en ce qui concerne la rémunération proposée. Au début des droits, les salaires planchers des offres raisonnables sont calculés à partir du salaire de référence*. Selon la durée des droits d'un chômeur, le référentiel peut ensuite devenir l'allocation. Si, en plus, on estime qu'il est difficile de savoir si l'ORE se base sur un salaire horaire, journalier ou mensuel, alors que l'allocation est, elle, calculée sur une base journalière, le système devient de plus en plus flou. L'OFCE propose d'identifier clairement un référentiel et de s'y tenir.

Revoir le calcul de l'allocation, sans en faire un outil de réduction des dépenses

Cette question de la rémunération renvoie également au mode de calcul des allocations, cœur d'une prochaine réforme selon l'auteur de l'étude.

"Un dispositif d'ORE efficace et équitable est de toute façon subordonné à la résolution des défauts actuels qui tiennent aux modalités de calcul des allocations, afin de rétablir des incitations lisibles, homogènes et saines. Tant que ces réformes structurelles des règles ne sont pas accomplies, il n'y a pas de solution satisfaisante."

L'OFCE propose notamment un taux de remplacement unique, autrement dit que la proportion de l'allocation chômage par rapport à l'ancien salaire perçu soit identique pour tous. Cette modification figure dans le programme d'Emmanuel Macron. Aujourd'hui, les chômeurs indemnisés perçoivent en moyenne 71% de leur précédent salaire net selon l'Unédic. Mais ce taux varie d'une personne à l'autre, la réglementation prévoyant qu'il soit d'au moins 57% et d'au plus 75%.

En revanche, l'auteur met en garde sur le fait que cette réforme doit avoir pour seul objectif "d'améliorer la gestion de l'assurance chômage", et non pas de "construire une machine à réduire à tout prix les dépenses d'indemnisation". Or, c'est le risque. Car en étatisant l'assurance chômage, l'administration va pouvoir contrôler le niveau d'allocations versées. Dans son programme, Emmanuel Macron prévoit 10 milliards d'euros d'économies pour l'Unédic qui, mathématiquement, pourraient bien se faire sur le dos des chômeurs.

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*Le salaire journalier de référence est censé représenter le salaire que percevait une personne avant d'être au chômage. Il est calculé en divisant le salaire brut touché sur les 12 derniers mois par le nombre de jours travaillés sur la période.