Banlieues : les dix-neuf travaux de Borloo pour "réconcilier" les Français

Par César Armand  |   |  860  mots
Jean-Louis Borloo pose ses conditions : le pilotage de chacun des programmes par une personnalité reconnue, un chef d'état-major et une équipe sous l'autorité du président de la République, un rapport annuel au Parlement et évidemment un comité de suivi. (Crédits : POOL New)
Suite à la présentation de son rapport ce matin du 26 avril 2018 au Premier ministre, La Tribune a décortiqué le rapport de Jean-Louis Borloo : « Vivre ensemble, vivre en grand la République - Pour une réconciliation nationale ». Qualité urbaine, mobilité, petite enfance, culture, école, sport, emploi, armée, sécurité, équité, tous les sujets sont abordés.

Jean-Louis Borloo n'est pas du genre à pratiquer la langue de bois mais plutôt à parler « cash » dès que c'est nécessaire. Son rapport sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), remis ce 26 avril 2018 au Premier ministre, intitulé « Vivre ensemble, vivre en grand la République - Pour une réconciliation nationale », ne fait pas exception à cette règle (l'intégralité du rapport en bas d'article).

Dès l'introduction, l'ancien ministre de la Ville et de la Cohésion nationale de Jacques Chirac appelle à l'action et à la fin des rapports d'experts, invoquant, pêle-mêle, « un effort public en berne », « des agents publics et des bénévoles épuisés » et des maires en première ligne, sans oublier d'en souligner les causes et donc les conséquences : « cicatrices urbaines », « pauvreté concentrée », « chômage de masse », « jeunesse déracinée ».

Une équipe sous l'autorité du président de la République

Aussi refuse-t-il de laisser prospérer des « idées reçues », répondant par lui-même et par la négative à des questions comme « trop d'argent aurait été déversé pour les quartiers ? », « la politique de la ville serait inutile ? », mais aussi « les quartiers seraient un poids pour la République ? ».

Les enjeux étant posés, vient le temps des 19 programmes « robustes, structurants et innovants ». Bien sûr, Jean-Louis Borloo pose ses conditions : le pilotage de chacun des programmes par une personnalité reconnue, un chef d'état-major et une équipe sous l'autorité du président de la République, un rapport annuel au Parlement et évidemment un comité de suivi.

300 millions d'euros pour la solidarité éducative

Aux premiers chefs, figurent ainsi la qualité urbaine, la mobilité, la petite enfance et l'école. Il appelle ainsi à relancer immédiatement la rénovation urbaine, à faire des transports un droit et une nécessité pour tous, avec par exemple un plan de mobilité douce dans chaque agglomération, à investir dans la socialisation des moins de trois ans, à créer un fonds de solidarité éducative de 300 millions d'euros pour financer notamment le dédoublement des classes, ou encore à lancer des grands projets éducatifs dans les QPV.

En matière de culture, l'ancien ministre plaide pour la multiplication des projets artistiques portés par des grandes institutions avec les habitants, de même qu'il veut faire du sport, un vecteur de développement et d'insertion :

« Attractif, mobilisateur, porteur d'une image positive (...), il est indispensable pour la maîtrise de soi, la confiance, le respect des règles et fort du dépassement de soi. »

Un observatoire national de lutte contre les discriminations


Après les pistes sociales et sociétales, le septième programme est économique : « tout passe par l'entreprise et l'emploi ! », avec au hasard l'objectif très ambitieux de 5.000 recrutements annuels dans la défense nationale. Pour accéder à un travail, autant savoir lire et écrire. C'est pourquoi Jean-Louis Borloo prévoit un plan national contre l'illettrisme et l'"illectronisme". Toujours dans cet esprit, il propose la création de 200 quartiers d'excellence numérique.

Sa dixième piste, toujours aussi iconoclaste, consiste à « reconnaître les nouveaux visages de Marianne », en clair, combattre le sexisme et toutes formes de discrimination en multipliant les testings ou en mettant sur pieds un observatoire national. Suite logique : l'instauration d'une académie des leaders pour fonder l'élite de demain et d'une armée de la République solidaire afin de « reconnaître l'apport du travail social et des travailleurs sociaux ».

500 millions d'euros pour l'investissement communal

Les maires, élus préférés des Français, bien qu'en première ligne face à leurs concitoyens, sont à leur tour cités en exemple. Les dotations globales de fonctionnement des communes ne cessent de baisser depuis des années. Aussi Jean-Louis Borloo réclame-t-il un fonds d'urgence de 500 millions d'euros par an pour l'investissement.

Source de dépenses importantes pour les collectivités, la santé publique n'est pas oubliée non plus avec l'idée de soutenir la création de centres et maisons spécialisées. Autre structure essentielle au lien social : les associations. L'ancien ministre encourage le montage d'une plate-forme nationale dédiée fonctionnant comme « un incubateur et accélérateur de solutions » et qui pourrait être dotée d'un budget de 10 millions d'euros par an.

Condamner tout gestionnaire public ayant failli

 La justice vient enfin compléter le dispositif, Jean-Louis Borloo préconisant « la co-production de sécurité » qui conforterait l'action policière. De même, il rêve d'instituer une cour d'équité territoriale qui viendrait « juger les responsables » voire « condamner tout gestionnaire public ayant failli à l'obligation de moyens qui s'impose à lui ». Ultime proposition : la justice sociale , avec un projet national citoyen dédié à la jeunesse qui s'intitulerait « A la rencontre de l'autre » qui réconcilierait les territoires.

Des idées fortes, des pistes innovantes, des estimations chiffrées sur chaque proposition, le rapport synthétise l'ensemble des diverses expériences passées de l'ancien ministre. Reste encore et toujours à regarder les propositions reprises, ou non, par Emmanuel Macron fin mai, lorsque viendra le temps de sa prise de parole.

__