Banlieues : Macron en service minimum un mois après le rapport Borloo

Par César Armand  |   |  957  mots
Le chef de l'État a présenté quantité de mesures, sans réussir à convaincre les élus locaux. (Crédits : Thilo Schmuelgen)
Un mois après la remise du rapport "Vivre ensemble, vivre en grand" de Jean-Louis Borloo, le président de la République a présenté, ce mardi 22 mai, un inventaire de mesures à la Prévert. En première ligne en banlieue, les maires et présidents de département ont peu apprécié le monologue d'Emmanuel Macron.

Les élus de banlieue en rêvaient. Le président de la République les a déçus. L'Élysée avait prévenu qu'Emmanuel Macron annoncerait des « mesures concrètes plutôt que des grands dispositifs », mais les 19 programmes de Jean-Louis Borloo, contenus dans son rapport "Vivre ensemble, vivre en grand", ont quelque peu disparu. Certes, l'ancien ministre de la Ville de Jacques Chirac a été invité à parler avant le chef de l'État, mais le discours d'une heure et demie qui a suivi n'a été qu'un long inventaire à la Prévert.

Dès le départ, Emmanuel Macron a donné le ton : « Je ne vais pas vous annoncer un plan ville ou un plan banlieue car cette stratégie est aussi âgée que moi. Le premier plan a été présenté par Raymond Barre à peu près au moment où je suis né ». Ajoutant aussitôt : « Je n'y crois pas ! » 

Le président s'est alors fait le porte-parole des multiples mesures prises dans tous les domaines par son gouvernement depuis un an, ainsi que celles contenues dans les projets de loi en cours d'examen au Parlement.

1.300 policiers dans 60 quartiers d'ici à 2020

Si le chef de l'État a insisté sur la nécessité de « construire une action collective » faisant part de son « extrême inquiétude » suite aux violences à l'encontre des policiers marseillais hier, il est revenu à son habituel « et en même temps », insistant sur son « optimisme ». Son conseil présidentiel des villes, composé de 25 membres, qui fera un point d'étape tous les deux mois, sera ainsi « une force de propositions et une vigie ».

Emmanuel Macron rêve « d'une mobilisation générale » qui pose les bases « d'une politique d'émancipation et de la dignité », grâce à « une philosophie d'action et un changement de méthode ». Vient alors la première promesse : 1.300 policiers dans 60 quartiers d'ici à 2020, assortie d'un plan de mobilisation contre le trafic de drogue dévoilé en juillet 2018. Toujours en matière de sécurité, il souhaite « une société de la vigilance », construite avec les préfets, les élus et les habitants, où « chacun est acteur de la sécurité collective ».

Rénovation : une « dizaine d'opérations d'intérêt national » à venir

Sous les yeux de la majorité du Gouvernement, notamment Jacques Mézard et Julien Denormandie, respectivement ministre et secrétaire d'État à la Cohésion des territoires, dont la loi Évolution du logement et aménagement numérique est actuellement en commission, le chef de l'État y ajoute l'initiative "Cœur de quartier". À la manière du programme « Cœur de ville » lancé il y a deux mois, il s'agit de faire sortir des opérations de rénovation urbaine en six mois contre trois ans actuellement.

Le premier milliard des 5 milliards supplémentaires pour l'ANRU est ainsi confirmé pour le projet de loi finances 2019, de même que les établissements publics fonciers devront définir, d'ici à juillet 2018, « une dizaine d'opérations d'intérêt national » pour reconstruire et reconfigurer ces quartiers. En matière d'hébergement d'urgence, là encore Emmanuel Macron veut « changer de stratégie », plaidant pour une politique volontariste dès septembre 2018.

Les 120 plus grandes entreprises françaises mobilisées

C'est là que l'une des trois propositions-phares de Jean-Louis Borloo, la Cour d'équité territoriale, est reprise, a minima, par le président :

« L'idée est d'avoir une instance de recours pour les habitants comme pour les élus et qu'il puisse y avoir un débat d'évaluation d'équité territoriale. »

L'Agence nationale de cohésion des territoires, promise par le chef de l'État depuis juillet 2017, revient elle aussi sur la table comme « un opérateur de rééquilibrage des équipements » doté d'un plan de programmation pluriannuel.

Sans rapport apparent avec ces mesures, Emmanuel Macron promet, dès la rentrée de septembre 2018, une bourse de 30.000 stages ainsi que la généralisation du tutorat dans les quartiers. Sans attendre cet automne, le président réunira également en juillet les 120 plus grandes entreprises françaises pour « développer et renforcer les centres de formation et d'apprentissage dans les quartiers de politique de la ville ».

Un site Web "La France, une chance"

Suivent des digressions sur le numérique, la lutte contre l'antisémitisme, la généralisation du testing, l'égalité femme/homme, le combat contre la radicalisation ou encore sur l'économie sociale et solidaire, avant la mise en place, très prochainement, d'un site Internet, reprenant le slogan du jour "La France, une chance", une plateforme de gouvernance partagée entre l'État et les maires.

À la sortie, ces derniers se montrent, en revanche, très critiques vis-à-vis du chef de l'État, à l'image de Patrice Bessac, maire (PCF) de Montreuil, qui fustige « un discours de la méthode, un discours managérial ».

« Plus on est pauvre, moins on a de magistrats. Plus les discours sont longs, moins il y a de pognon ! »

« Rien de pratico-pratique »

Son homologue (LR) d'Aulnay-sous-Bois, Bruno Beschizza, reproche, lui, à Emmanuel Macron d'avoir organisé « un meeting » :

« On attendait des éléments concrets et il nous les annoncera soit en juillet, soit en septembre. Pour l'instant, il n'y a rien de pratico-pratique. Je ressors bredouille. Les maires sont coincés dans cette affaire. »

Même « déception » ressentie par le président (PS) du département de Seine-Saint-Denis, Stéphane Troussel :

« On nous fait un catalogue de mesures mais il n'y a pas d'objectif chiffré. Il y a eu le rapport Borloo, celui du député [LR, Haute-Marne] Cornut-Gentille... Qu'attend l'État pour rétablir l'égalité des quartiers ? »

Seul Jean-Louis Borloo, croisé devant le ministère de l'Intérieur, semblait se satisfaire de ce discours : « Toutes les cases sont cochées. Ça me va bien. »