Biotechs : un fonds de 340 millions d'euros pour garder les pépites françaises

Par Jean-Yves Paillé  |   |  687  mots
Marisol Touraine souligne que "le Brésil, l'Inde et la Chine développent des capacités de recherche et développement et de production qui rivalisent avec les équipes de recherche et les usines implantées en France".
La ministre de la Santé a annoncé la création d'un fonds d'investissement de 340 millions d'euros pour les start-up de la biotech, samedi. Connaissant des difficultés pour lever des capitaux, ces dernières risquent de se retrouver à bout de souffle financièrement ou de passer sous pavillon étranger.

Samedi 23 janvier, Marisol Touraine a annoncé que la dotation du Fonds accélération biotech santé (Fabs) passera à 340 millions d'euros pour établir une "filière stratégique solide". Une annonce formulée à l'occasion d'un discours, lors de inauguration de la première journée nationale d'innovation en santé, une initiative lancée par le ministère de la Santé. Elle n'a toutefois pas précisé la date de mise en route du Fabs.

En octobre, la ministre de la Santé avait dévoilé une première dotation de 100 millions d'euros. Les acteurs concernés s'étaient alors montrés très critiques. Eligo Bioscience, qui entend développer une nouvelle génération d'antibiotiques "intelligents", y voyait des moyens insuffisants, expliquant que "les sociétés innovantes en santé se heurtent à la "Vallée de la mort" financière avant de parvenir à la commercialisation, faute de capitaux suffisants". Pierre-Olivier Goineau, président de France Biotech, estimait, quant à lui,  qu'un tel fonds de 100 millions d'euros "n'est pas à la hauteur des enjeux" pour les quelque 150 start-up dans la santé qu'il faudrait financer.

Des biotechs gourmandes en capitaux

Mais cette fois-ci, la satisfaction l'emporte. "On ne peut que se réjouir de ce montant compte tenu des finances publiques, c'est une très bonne initiative. Ce fonds servira à sauvegarder les pépites, et à les aider à affronter les marchés mondiaux," lance Pierre-Olivier Goineau, interrogé par La Tribune, samedi. Et de préciser: "Nos sociétés sont très consommatrices de capitaux, elles investissent sur le long terme dans des recherches, souvent au niveau international. Le chiffre d'affaires et les licences voient le jour au bout de 6 à 12 ans, période pendant laquelle les biotechs fonctionnent sur des fonds propres."

Selon lui, le gouvernement pourra difficilement investir plus, mais il peut agir autrement. En mettant en place une réforme de l'assurance vie, par exemple. En fléchant 1% de la collecte de l'assurance vie vers les Fonds commun de placement dans l'innovation (FCPI) et Fonds Communs de Placement à Risques (FCPR), cela permettrait de récolter 1,2 à 1,4 milliard d'euros par an, estime France Biotech, dans un communiqué publié samedi. "Une somme qui n'irait pas seulement aux biotechs mais à l'innovation en général et qui ne mettrait pas en risques les assurances vie françaises", assure Pierre-Olivier Goineau. Pour favoriser un écosystème puissant, son organisation prône également l'utilisation "des fonds Européens du Plan Junker, grâce à la mise en œuvre de Fonds de Garantie, afin de permettre aux conseils régionaux de renforcer les fonds d'investissements locaux".

Aujourd'hui, "les banques et les assurances sont obligées d'immobiliser en fonds propre des montants considérables chaque fois qu'elles investissent dans des sociétés à risque, ce qui renforce le coût de l'investissement. Avec un tel outil mis en place par chaque région,on pourrait mieux financer les biotechs", explique le président de Biiotech France.

Concurrence internationale et soif des investisseurs étrangers

Les besoins se font pressants, parce que la concurrence internationale est féroce. Marisol Touraine souligne ainsi dans son discours que "le Brésil, l'Inde et la Chine développent des capacités de recherche et développement et de production qui rivalisent avec les équipes de recherche et les usines implantées en France". Mais pas un mot sur les Etats-Unis. Concentrant les plus importantes biotechs et industries du médicament, le pays a un appétit grandissant pour les pépites françaises qui pose question.

"Les financeurs américains comprennent que la France est une terre d'innovation, et selon eux, elle n'est pas chère. Ils vont faire leur marché et nos belles pépites françaises vont avoir à partir là-bas; ce serait dommage", s'inquiète le président de France Biotech.

En outre, "les biotechs françaises sont à un tiers de la valorisation qu'elles auraient sur le marché américain", estime Thierry de Catheux, directeur des investissements biotechs/santé de la plateforme de cofunding Hoolders.com, interrogé par La Tribune. Ainsi comme le rappelle le site Investir, de nombreuses biotechs françaises envisagent une cotation aux Etats-Unis pour lever plus de fonds.