La Jungle de Calais, un drame aussi pour l'économie locale

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  699  mots
Près d'une centaine de camions et tracteurs ont réalisé une opération escargot le long de l'A16, avant d'être rejoints par une chaîne humaine bloquant la rocade aux abords de Calais.
Les commerces accusent une baisse d'activité bien plus marquée à Calais qu'ailleurs dans la région. La crise migratoire et humanitaire véhicule une mauvaise image de la région, selon les acteurs économiques locaux.

Article publié le 05/09 à 18h38, mis à jour le 06/09 à 09h52.

Habituée à regarder défiler les automobilistes à vive allure vers les pays voisins, l'A16 a connu une tout autre ambiance ce lundi. Près d'une centaine de camions et tracteurs ont réalisé une opération escargot le long de cet axe du nord de la France, avant d'être rejoints par une chaîne humaine bloquant la rocade aux abords de Calais. À l'appel des commerçants et routiers de la région, les manifestants ont défilé pour protester contre la lenteur du démantèlement de la "jungle" de Calais, ce camp de réfugiés où s'entassent entre 7.000 et 10.000 migrants.

"Si vous avez mauvaise image, les clients ne viennent pas"

Les acteurs économiques locaux pâtissent de ce drame humain, dont la situation ne cesse de s'aggraver. Leur chiffre d'affaires a fortement chuté, notamment dans le commerce de détail et l'hôtellerie-restauration, où la clientèle est souvent composée de touristes.

Selon une enquête de conjoncture de la Chambre de commerce et d'industrie (CCI) de la Côte d'Opale, ces entreprises sises dans le Calaisis sont les plus fortement touchées avec une baisse d'activités d'environ 37% au premier trimestre 2016. En comparaison, sur la même période l'activité en Côte d'Opale accusait une baisse de seulement 9%, quand la région Nord-Pas-de-Calais affichait une hausse de 2%. Les entreprises de transport et de logistique font également partie des premières concernées.

La CCI comme les acteurs locaux pointent la mauvais presse dont est victime la région à cause de la crise migratoire. "Dans le commerce on travaille avec l'image. Si vous avez mauvaise image, les clients ne viennent pas", insiste Frédéric Van Gansbeke, président du Collectif des entreprises et commerces du Calaisis. Résultat : "des clients se détournent désormais du transport via Calais et passent par la Belgique ou Dieppe", constate pour sa part Sébastien Rivera, secrétaire général du Pas-de-Calais pour la Fédération nationale des transporteurs routiers (FNTR), interrogé par La Voix du Nord.

Un démantèlement annoncé, mais sans échéance

Pour enrayer cette dynamique de baisse, les manifestants demandent en priorité le démantèlement du camp de réfugiés. En déplacement à Calais vendredi, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, en a fait la promesse. "Mais il n'a pas donné de date", déplore Frédéric Van Gansbeke. "Le démantèlement c'est le postulat de base, on l'a demandé au gouvernement lorsqu'on a été reçu à l'Élysée il y a cinq mois."

L'efficacité de la méthode reste en revanche à prouver. Malgré un démantèlement partiel en février dernier, le nombre de migrants ayant rejoint le site ne cesse de croître. De 800 personnes en juillet 2014, la préfecture du Nord-Pas-de-Calais y a recensé près de 7 000 personnes en août 2016.

Le Collectif des entreprises et commerces du Calaisis avait également demandé au gouvernement la création d'une zone franche pour les acteurs économiques locaux. "Nos demandes sur le volet économique et la sécurisation de la rocade portuaire n'ont toujours pas eu de réponse", indique Frédéric Van Gansbeke.

Des problèmes de sécurité qui entraînent des dépenses supplémentaires pour Eurotunnel et une perte d'exploitation, résultant en partie d'annulations de navettes. L'opérateur du tunnel sous la Manche avait alors demandé aux gouvernements français et britannique une indemnisation de 9,7 millions d'euros en 2015. Malgré les efforts des pouvoirs publics pour sécuriser la zone, l'entreprise continue d'afficher des pertes et a relevé sa demande d'indemnisation à 29 millions d'euros en février dernier, selon Reuters.

Quant au Collectif des entreprises et commerces du Calaisis, il avait menacé de porter plainte contre l'État en avril dernier, pour rupture d'égalité devant les charges publiques. Ils souhaitaient notamment obtenir des allègements fiscaux. Lassés de mener ce combat judiciaire, beaucoup y ont renoncé.

(avec agences)