Le dentellier calaisien Desseilles racheté par un groupe chinois

Hangzhou Yongshen Holding dit vouloir s'appuyer sur le savoir-faire français pour se diversifier dans le prêt-à-porter et la décoration de luxe. Ce rachat bouge les lignes de la dentelle de Calais et aussi celle de Caudry.
Ce rachat s'inscrit dans un contexte difficile que connaît la dentelle de Calais et de Caudry en déclin depuis de nombreuses années suite à la concurrence des pays à faibles coûts de main-d'œuvre ainsi qu'à la mauvaise entente entre les dentelliers locaux.

Le Tribunal de Commerce de Boulogne-sur-Mer a tranché mercredi soir. L'entreprise Desseilles Laces, dentellier calaisien en liquidation judiciaire, sera reprise par un chinois, le groupe familial Hangzhou Yongshen. Ce dernier s'est engagé a conservé 60 emplois sur 74. D'après Michel Berrier, responsable commercial de Desseilles Laces, qui avait racheté l'entreprise en 2011 avec deux autres cadres Jean-Louis Dussart et Gérard Dezoteux, le repreneur devrait investir 4,5 millions d'euros sur le site sur les trois ans à venir.

« Il a un plan de développement ambitieux dans le luxe. Pour amorcer son projet de diversification dans le prêt-à-porter, les accessoires et la décoration sur ce secteur, il compte s'appuyer sur le savoir-faire français en dentelles Leavers ».

Et justement, Desseilles Laces a cette expertise et une autre également dans les métiers du Jacquard. Son usine fabrique de la dentelle pour la lingerie haut de gamme.

Des métiers Leavers non délocalisables

D'après Michel Machart, expert du secteur et président du cabinet de conseil MM Textile après avoir été durant 30 ans directeur de Noyon, un autre dentellier calaisien actuellement en plan de continuation, « il y a peu de risque que les Chinois déménagent les métiers Leavers de l'usine de Desseilles. Cela leur coûterait trop cher, car ces machines sont très difficiles à mettre au point. Et ils n'ont pas l'expertise pour le faire. Il n'y a qu'un seul fabricant Leavers en Asie. Il est japonais ».

La dentelle de Calais et de Caudry en restructuration depuis des années

Ce rachat s'inscrit dans un contexte difficile que connaît la dentelle de Calais et de Caudry en déclin depuis de nombreuses années suite à la concurrence des pays à faibles coûts de main-d'œuvre ainsi qu'à la mauvaise entente entre les dentelliers locaux. Outre Desseilles Laces, il ne reste plus que Noyon et Codentel, comme autres acteurs du secteur à Calais. En liquidation judiciaire, ce dernier fait l'objet d'une offre de reprise par le groupe Holesco également en lisse hier face à Hangzhou Yongshen. Holesco, le plus gros dentelier de France, proposait de conserver 55 emplois et d'investir 2 millions d'euros. Sa proposition n'a pas été retenue au grand dam de Romain Lescroart, PDG de Sophie Hallette dont Holesco est la maison mère. Dans un communiqué, celui-ci « déplore qu'une entreprise calaisienne qui détient une part si précieuse d'héritage et de savoir-faire de la dentelle française passe sous pavillon chinois ». Il dit maintenant vouloir se concentrer sur le dossier Codentel sur lequel devrait trancher le Tribunal de Commerce de Lille le 7 avril prochain. Sophie Hallette est un habitué des reprises. Il a grossi en rachetant Eurodentelles, Lace Clipping, Berthes, Riechers et Marescot.

La proposition chinoise avait la faveur de l'équipe dirigeante de Desseilles

Que les trois dirigeants de Desseilles aient défendu le projet du chinois Hangzhou Yongshen a sans doute pesé dans la balance. C'est d'ailleurs eux qui l'ont trouvé avec l'aide d'un investisseur chinois qui avait déjà mis de l'argent dans la société en 2015. « Avec cet investisseur, nous aurions pu nous en sortir et éviter la liquidation. Mais c'était sans compter avec les déboires dans lesquels nous a plongés l'obligation de réintégrer plusieurs salariés licenciés avant que nous prenions la direction de Desseilles », regrette Michel Berrier.

L'histoire est compliquée. Elle peut se résumer ainsi. L'Inspection du Travail, la Dirrecte et le Tribunal administratif de Lille ont pris des décisions administratives contradictoires avec pour effet de contraindre Desseilles à reprendre des salariés licenciés plusieurs années plus tôt et à rembourser leurs indemnités. Il en a coûté à l'entreprise plus de 1 million d'euros en 2014 alors que son chiffre d'affaires n'était que de 8 millions d'euros. En résultat, l'investisseur s'est retiré et Desseilles a été mis en vente. Pour certains, il y aurait eu pression de concurrents, mais aucune preuve ne le confirme.

Reste que le monde de la dentelle à Calais et à Caudry est en plein remaniement depuis des décennies. Les quelques fabricants de dentelles qui restent se retrouvent souvent à la barre des tribunaux de commerce du côté des repreneurs ou des « liquidés ». Propriétaires de plusieurs machines en fonctionnement chez Desseilles qui leur paie un loyer en contrepartie, les caudrésiens Solstiss et Bracq avaient ensemble déposé une proposition de reprise de Desseilles. Proposition qu'ils ont retirée quelques jours avant le jugement.

À suivre, la reprise de Codentel sur lequel se positionne aussi le chinois Hangzhou Yongshen. Le feuilleton de la dentelle de Calais n'est pas terminé.

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Commentaires 2
à écrit le 06/04/2016 à 20:39
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Encore une société en faillite grace aux syndicat, cette fois ci c'est pas l'habituelle CGT, mais les délégués avec la CFTC. Les délégués ils touchent un salaire complet mais ça travaillent quand la Centrale leur laisse quelques loisirs, très efficac...

à écrit le 06/04/2016 à 0:20
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C'est peut-être la survie du savoir-faire qui est la plus importante.

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