CCI : le gouvernement prévoit des coupes drastiques

Par Grégoire Normand  |   |  824  mots
Les chambres de commerce et d'industrie pourraient connaître de sérieuses difficultés dans les années à venir. (Crédits : CCI)
Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a annoncé une réduction de 400 millions d'euros des crédits alloués au réseau des chambres de commerce et d'industrie (CCI). Cette décision devrait entraîner un plan de départs important pour le personnel.

"On est juste au début d'un chemin difficile". Pour le président de CCI France Pierre Goguet, les années à venir promettent quelques bras de fer houleux avec le gouvernement. À l'issue de l'assemblée générale qui s'est tenue ce mardi 10 juillet, l'état-major de l'organisation a rappelé que la réunion "s'était tenue dans un contexte très difficile [...] La trajectoire pourrait faire des dégâts."

Quelques heures auparavant, le ministre de l'Économie Bruno Le Maire avait annoncé une baisse de 400 millions d'euros des crédits alloués au réseau consulaire dans le cadre d'une "restructuration"  destinée à recentrer le réseau sur les missions prioritaires d'ici 2022. En échange, le ministre a promis que « la baisse du plafond de la taxe affectée aux CCI sera intégralement rendue aux entreprises par une baisse à due concurrence des impôts de production CVAE et CFE [cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et cotisation foncière des entreprises, ndlr] ».

"Un effort important"

« L'effort que nous vous demandons est effectivement important, avec un horizon en 2022 de 400 millions d'euros d'économies »a déclaré M. Le Maire devant les présidents de CCI, reconnaissant que cela aurait « un impact sur les personnels ». Dans ce discours tenu à huis clos, le locataire de Bercy a souligné que l'objectif principal était "la transformation". Si de nombreuses incertitudes subsistent, le ministre a insisté sur quelques priorités en commençant par la redéfinition des missions.

Pour Bruno Le Maire, les services prioritaires à préserver par le financement d'une taxe affectée concernent « l'aide à la création d'entreprises, l'accompagnement à l'exportation des entreprises, ou encore l'identification des entreprises en transmission dans les territoires. » Outre ces premières missions, « la formation initiale dans les territoires et notamment dans les écoles de commerce » devraient également être épargnées par les mesures d'économie. Enfin, la représentation des entreprises au niveau local devrait également être préservée. Pour les autres missions, elles n'auront en revanche « plus vocation à être financées par un prélèvement sur les entreprises », a poursuivi le ministre.

Le deuxième point prioritaire développé par Bruno Le Maire est la réorganisation territoriale du réseau. L'ancien ministre de l'Agriculture a évoqué :

« ... des logiques de baronnies qui vous desservent tous et qui nous desservent tous collectivement. Je pense qu'il faut restructurer de manière très profonde l'organisation des CCI pour qu'elles retrouvent le prestige et l'efficacité qui ont toujours été les leurs et qui vous feront regagner la confiance totale de nos concitoyens. »

Il a défendu un pilotage centralisé confié à CCI France qui pourrait avoir « un rôle de pilote et de maître d'oeuvre dans les territoires [...] CCI France devrait donc, à mon sens, avoir une autorité renforcée pour le contrôle des missions financées par la taxe. Elle devrait avoir une capacité d'affectation de la taxe entre les différentes CCI régionales. »

Le flou sur les départs

Ces coupes devraient entraîner des départs de personnel et donc un plan social. Pour l'instant, aucun chiffre n'a été exprimé officiellement. Dans un récent rapport établi par l'inspection générale des finances sur les CCI, les auteurs évoquaient "des mesures de rationalisation qui pourraient entraîner une réduction d'effectifs de l'ordre de 2.500 équivalents temps plein, sur un total de 31.000 employés au global."  Par ailleurs, le financement du plan de départs est loin d'être assuré. Pierre Goguet a demandé au ministre que les personnes qui allaient perdre leur emploi puissent bénéficier du régime général de l'Unedic.

Lors du point presse, le président s'est montré prudent. « Le ministre n'était prescripteur d'aucun modèle d'organisation de réseau [...] Nous avons le sentiment que nous sommes dans une phase de pilotage politique et non technocratique [...] On a senti une prise en compte des difficultés. » Il reste encore à définir une méthode et un calendrier pour la mise en oeuvre des mesures gouvernementales.

Des protestations en région

Les différentes annonces du gouvernement ont suscité des mobilisations en région.  « C'est catastrophique et sans précédent. Pour nous, réformer, il n'y a pas de problème, mais la purge est tellement immense que ce n'est pas tenable », a déclaré à Reuters Pierre Massyn, président de la CCI de Limoges (Vienne), où des dizaines de personnes manifestaient leur mécontentement.

« En 2012, on avait 6,2 millions d'euros de ressources fiscales, et là on aura entre 1,3 et 1,5 million d'euros. On va diviser par deux les effectifs. On va passer de 60 à 30 salariés et on ne pourra plus assurer tout l'appui aux entreprises que nous faisions », a-t-il ajouté.

À Bordeaux, environ 150 personnes, des salariés, des dirigeants de l'établissement et des chefs d'entreprises se sont ainsi regroupés, arborant une affiche "Fermeture de votre CCI = fin de l'égalité de services pour les TPE/PME".