Ce que prévoit le projet de loi sur l'état d'urgence

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  723  mots
L'état d'urgence qui facilite les assignations à résidence et les perquisitions est prolongé jusqu'à la fin février 2016
Le projet de loi prolongeant de trois mois jusqu'à fin février l'état d'urgence a été vote quasiment à l'unanimité jeudi par l'Assemblée nationale. Il élargit et modernise les possibilités d'assignation à résidence et de perquisition, et permet le blocage de sites internet et réseaux sociaux.

| Article publié le 18/11 à 15h15, mis à jour le 19/11 à 15h35.

Le gouvernement veut aller vite. Cinq jours après les attentats qui ont ensanglanté Paris, le Conseil des ministres a examiné le 18 novembre le projet de loi nécessaire pour prolonger l'état d'urgence et qui réforme quelques dispositions de la loi de 1955. Le lendemain, jeudi 19 novembre, ce sont les députés qui ont approuvé massivement par 551 voix contre 6 ce projet de loi, qui doit encore être examiné vendredi 20 novembre par les sénateurs.

Prolongation jusqu'à la fin février 2016

La loi du 3 avril 1955 prévoit que la prorogation de l'état d'urgence au-delà de douze jours ne peut être autorisée que par une loi. Aussi, le projet de loi dispose que l'état d'urgence déclaré à compter du 14 novembre 2015 à zéro heure est prolongé pour trois mois, jusqu'à la fin du mois de février. Concrètement, donc, aux termes de la loi de 1955, l'état d'urgence "de droit" (soit 12 jours) court jusqu'au 26 novembre. Et, à compter de cette date débutera le délai de prolongation de trois mois. L'état d'urgence, à ce stade, pendra donc fin le 26 février 2016.

Sites internet et réseaux sociaux pourront être bloqués

Les députés ont adopté un amendement qui permettra aux autorités administratives de bloquer les sites internet et les réseaux sociaux "provoquant à la commission d'actes de terrorisme ou en faisant l'apologie".

De plus, est prévu le placement sous surveillance électronique des personnes d'une "dangerosité particulière" afin de s'assurer à tout moment que celles placées en assignation à résidence se maintiennent dans le périmètre de l'assignation.

Des mesures qui viennent renforcer celles prises dans le cadre la loi Renseignement adoptée au cours de l'été.

Assignations à résidence élargies

La loi de 1955, votée à l'initiative d'Edgar Faure, alors que la guerre d'Algérie avait débuté, autorisait le régime des assignations à résidence mais le cantonnait à certains individus.  le nouveau projet de loi l'élargi " à toute personne à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public. Il pourra être interdit à la personne assignée à résidence d'entrer directement ou indirectement en contact avec des personnes soupçonnées également de préparer des actes portant atteinte à l'ordre public".

Enfin, afin de donner davantage de souplesse, la commission administrative chargée de donner un avis sur la contestation de l'intéressé est supprimée et remplacée par le recours de droit commun devant la juridiction administrative.

Le régime des perquisitions précisé pour respecter l'état de droit

Par ailleurs, afin de démontrer que l'état de droit n'est pas bafoué, Si l'état d'urgence permet au ministre de l'Intérieur de procéder à des perquisitions administratives, sans passer par l'autorité judiciaire, le projet de loi prévoit qu'aucune de ces perquisitions ne "pourra viser les locaux affectés à l'exercice d'un mandat parlementaire ou à l'activité professionnelle des avocats, magistrats ou journalistes".

Le procureur de la République sera informé de toute décision de perquisition, qui se déroulera en présence d'un officier de police judiciaire. "Lors de ces perquisitions, il pourra être fait copie sur tout support des données stockées dans tout système informatique ou équipement" ("cloud" y compris donc). Des précisions nécessaires, puis que, par la force des choses, la loi de 1955 ne pouvait pas les prévoir.

Dans le cas des infractions aux dispositions sur ces perquisitions, tout comme pour les assignations à résidence, les peines encourues sont substantiellement accrues. Mais on ne connaît pas encore l'échelle des peines.

Exclure le contrôle de la presse écrite et audio

Toujours par respect de l'état de droit, le contrôle de la presse et de la radio, prévu dans le texte de 1955, mais jamais utilisé, est supprimé par le présent projet de loi.

Dissolution d'associations ou groupements

Le projet de loi ouvre la possibilité de dissoudre les associations ou groupements "qui participent, facilitent ou incitent à la commission d'actes portant une atteinte grave à l'ordre public, et qui comportent en leur sein des personnes assignées à résidence".

Sont notamment visées certaines associations gestionnaires de mosquées connue pour leurs prêches radicaux.