Ces deux raisons qui poussent les ménages à piocher toujours plus dans leurs comptes courants

Par latribune.fr  |   |  807  mots
Le patrimoine financier des Français s'élève à 6.000 milliards d'euros à fin septembre, selon les dernières données disponibles de la Banque de France. (Crédits : Reuters)
Dans sa publication trimestrielle sur l'épargne et le patrimoine financier des ménages, la Banque de France affirme que les Français ont pioché dans leur épargne déposée sur leurs comptes courants.

Après une pause au troisième trimestre, les avoirs disponibles sur les comptes courants des Français ont de nouveau diminué en fin d'année dernière, affirme mercredi la Banque de France dans sa publication trimestrielle sur l'épargne et le patrimoine financier des ménages. Les premières données disponibles indiquent ainsi « une reprise du mouvement de décollecte sur les dépôts à vue » entre octobre et décembre, précise la banque centrale, avec 17,2 milliards d'euros en moins. Disponibles à tout moment, les dépôts dits « à vue » garnissent les comptes bancaires classiques.

Le phénomène de retrait s'explique d'abord par les dépenses des ménages, accélérées par l'inflation et la période de fin d'année propice aux dépenses. Si l'inflation est loin de ses niveaux à deux chiffres de l'été 2022, elle s'est tout de même établie à 3,7% sur un an en décembre après 3,5% en novembre. Surtout les prix dans l'alimentaire et l'énergie continuent de frapper de plein fouet un grand nombre de Français. Dans ce contexte, des économistes réunis dans les locaux de France Stratégie lors d'un séminaire le 21 novembre ont tiré la sonnette d'alarme. « Les salaires réels baissent (en tenant compte de l'inflation), malgré la croissance des salaires nominaux. La baisse des salaires réels concerne tous les pays de l'OCDE avec en moyenne un recul de 3,8% pour le premier trimestre 2023 », a déclaré Sandrine Cazes, économiste à l'OCDE.

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Et les choses ne devraient pas s'améliorer puisque, sur le front des perspectives, les indicateurs ne sont pas réjouissants. Si l'indice des prix harmonisé (IPCH) devrait chuter en 2024 (2,5%), selon la Banque de France, celle ci a révisé à la baisse sa projection de croissance à 0,9% pour 2024. Surtout, la Banque de France a prévu une remontée du chômage à 7,7% de la population active fin 2024 et 7,8% à fin 2025. De son côté, l'Insee prévoit également une légère hausse du chômage dans sa dernière note de conjoncture dévoilée fin décembre.

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Les livrets d'épargne font le plein

Mais les retraits des comptes courants s'expliquent aussi en partie par la concurrence de placements aux taux plus intéressants comme l'épargne réglementée (Livrets A, LDDS...) et les comptes à terme (comptes bloqués pendant une période déterminée offrant un rendement fixe défini au départ). Ces deux familles de placement ont respectivement crû de 12,8 milliards d'euros et de 11,1 milliards d'euros au quatrième trimestre 2023.

D'ailleurs, l'année 2023 est vue comme celle du Livret A : la collecte nette a atteint, l'an dernier, 28,6 milliards d'euros, selon les derniers chiffres de la Caisse des dépôts et de consignation (CDC). Du jamais vu depuis le dernier record de 2012 lorsque le rehaussement du plafond du livret à 22.500 euros avait dopé la collecte nette à 28,2 milliards. Avec le Livret de développement durable et solidaire (LDDS), la collecte nette frôle les 40 milliards d'euros. A cela s'ajoute la capitalisation des intérêts pour porter les encours, à la fin décembre, à 565 milliards d'euros.

« L'effet taux et l'effet inflation ont joué à plein, les ménages ont privilégié par prudence l'épargne de précaution au détriment de la consommation », commentait fin janvier Philippe Crevel, directeur du Cercle de l'Epargne, interrogé par La Tribune.

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Une dette qui reste tout de même très importante

A noter aussi, au total, même si elle diminue, la somme d'argent dormant sur les comptes courants - que les établissements bancaires ne rémunèrent généralement pas, sauf rares exceptions, et qui constituent donc une ressource quasiment gratuite pour eux - reste très importante. A 568 milliards d'euros en fin d'année dernière, elle est supérieure aux avoirs cumulés des Livrets A et des Livrets de développement durable et solidaire (LDDS) à la même date, rémunérés pour leur part à 3% net.

Le patrimoine financier des Français s'élève à 6.000 milliards d'euros à fin septembre, selon les dernières données disponibles de la Banque de France. Cette somme gigantesque, difficile à se représenter, est deux fois supérieure à la dette publique et plus de deux fois supérieure à l'ensemble de la capitalisation boursière des entreprises du CAC40. Concernant la localisation de cet argent, l'assurance vie reste le premier placement en valeur, devant les actions non cotées et autres participations (associées à une activité d'entrepreneur individuel ou via des placements) et l'épargne réglementée dans son ensemble.

(Avec AFP)