« Réveillez-vous, nous n'y sommes pas ». Fin novembre, devant un parterre de patrons de PME, Emmanuel Macron avait tapé du poing sur la table lors d'une réception au palais de l'Elysée. À l'époque, le chef de l'Etat avait rappelé que l'objectif du plein emploi, « ce n'était pas gagné ». Deux mois après, le retournement du marché du travail semble se confirmer. Le taux de chômage en France s'est stabilisé à 7,5% de la population active fin décembre par rapport à fin septembre. Et il a augmenté depuis juin (7,2%) selon les derniers chiffres de l'Insee dévoilés ce mardi 13 février.
Sur un an, le chômage au sens du bureau international du travail (BIT) augmente de 0,4 point retrouvant son niveau de fin 2021. L'institut de statistique a très légèrement révisé son chiffre du T3 à 7,5% contre 7,4% auparavant. Le nombre de chômeurs est ainsi passé de 2,301 millions à 2,33 millions (+29.000). Ces derniers chiffres montrent que le pari d'Emmanuel Macron de faire baisser le chômage en France à 5% d'ici 2027 s'éloigne toujours plus. Le ralentissement du produit intérieur brut (PIB) a fini par enrayer la machine à créer des emplois.
Et le tour de vis sur les aides à l'apprentissage semble mettre un coup de frein à l'embauche des jeunes. Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal a promis un acte 2 de la réforme du marché du travail aux contours encore flous. Sur l'assurance-chômage, l'exécutif a proposé de réduire la durée d'indemnisation des demandeurs d'emplois de plus de 55 ans pour les aligner avec les autres classes d'âge. De leur côté, les partenaires sociaux planchent sur l'emploi des seniors après l'entrée en vigueur de la réforme décriée des retraites. Mais ces leviers ne devraient sans doute pas suffire à contrer l'essoufflement de l'économie française et européenne.
Hausse pour les 25-49 ans et les chômeurs de longue durée
Par catégorie d'âge, les personnes âgées de 25 à 49 ans ont connu une hausse des inscriptions à France Travail avec un chômage passant de 6,8% à 7% entre le T3 et le T4. En revanche, les pourcentages de jeunes ou de seniors au chômage ont baissé sur cette période. Chez les jeunes, le taux de chômage (17,5%) demeure largement supérieur à la moyenne nationale. Mais il affiche un niveau inférieur à la période d'avant crise sanitaire (21,7%).
Du côté des chômeurs de longue durée, c'est-à-dire des personnes inscrites depuis plus d'un an à France Travail, ils ont légèrement augmenté passant de 538.000 (1,7%) à 571.000 (1,8%) sur la même période. Les chômeurs de longue durée sont cependant moins nombreux d'avoir que lors de la période d'avant crise sanitaire (650.000).
L'autre mauvaise nouvelle est que la part des jeunes ni en emploi ni en formation, les fameux « NEETS », augmente légèrement passant de 12,2% à 12,5% entre fin septembre et fin octobre. Cette proportion retrouve son niveau de fin 2019 après avoir connu une période en dent de scie pendant la pandémie.
Des perspectives assombries
Sur le front des perspectives, les indicateurs ne sont pas réjouissants pour la Macronie. La Banque de France a prévu une remontée du chômage à 7,7% de la population active fin 2024 et 7,8% à fin 2025. De son côté, l'Insee prévoit également une légère hausse du chômage dans sa dernière note de conjoncture dévoilée fin décembre. « Il y a un coup de frein sur l'emploi », a déclaré le chef du département de la conjoncture, Dorian Roucher, lors d'une réunion avec des journalistes la semaine dernière.
La remontée des faillites d'entreprise depuis 2023 devrait amplifier les inscriptions à France Travail. A cela va s'ajouter la hausse de population active déjà en cours. En repoussant l'âge de départ à la retraite de 62 ans à 64 ans, la réforme du gouvernement a provoqué l'arrivée de plusieurs dizaines de milliers de séniors sur le marché du travail. Entre 2024 et 2029, la hausse moyenne serait de 150.000 chaque année selon des projections réalisées par l'Insee en juin dernier.
Des gains de productivité toujours en berne
L'autre sujet préoccupant pour les économistes est la baisse des gains de productivité en France. Après la pandémie, la croissance de l'emploi a augmenté plus vite que l'activité pendant plusieurs trimestres. Ce paradoxe avait provoqué de nombreux questionnements chez les économistes et des inquiétudes sur le repli des gains de productivité, particulièrement en France. Pour Dorian Roucher, « il y a un arrêt de la dichotomie entre la croissance et l'emploi ». Le ralentissement de l'emploi devrait ainsi permettre de retrouver des gains de productivité selon plusieurs économistes.
« Il y a un mix de facteurs conjoncturels et structurels », explique Nicolas Carnot, directeur des études et synthèses économiques à l'Insee. « On assiste à une tendance séculaire du ralentissement de la productivité dans les pays développés ». En France, « l'arrivée de certains profils comme les apprentis moins productifs que la moyenne a augmenté l'emploi mais au prix d'une perte de productivité », ajoute-t-il. Dans certains secteurs, les entreprises ont privilégié les rétentions de main d'œuvre grâce aux mesures Covid. Mais la fermeture du robinet des aides a commencé à provoquer une remontée du chômage. Reste à savoir si la productivité retrouvera des couleurs en France. Et si le chômage va stopper sa remontée.