Emploi : Le Maire veut réduire la durée d'indemnisation chômage des seniors pour les faire travailler plus longtemps

Par Coline Vazquez  |   |  1262  mots
Bruno Le Maire s’était déjà dit clairement partisan d'un tour de vis supplémentaire en matière d'indemnisation dans une interview à La Tribune Dimanche le 19 novembre. (Crédits : CLAUDIA GRECO)
Le ministre de l'Économie s'est dit ce jeudi favorable à un abaissement de la durée d'indemnisation chômage des plus de 55 ans pour l'aligner sur celles des autres chômeurs. Pour Bruno Le Maire, il s'agit d'une des mesures à prendre pour l'emploi des seniors et le plein emploi tout court, deux objectifs affichés par le gouvernement.

Le gouvernement porte un ambitieux objectif sur le sujet de l'emploi des seniors : « atteindre le plein emploi ». C'est-à-dire passer d'un taux d'emploi de 36,2% actuellement pour les 60-64 ans à 65% « à l'horizon 2030 ». Pour y parvenir, le ministre de l'Économie s'est dit favorable à un abaissement de la durée d'indemnisation chômage des plus de 55 ans pour l'aligner sur celles des autres chômeurs. Autrement dit : passer d'une durée de « 27 mois » à « 18 mois ».

« Je ne vois aucune raison pour qu'il y ait une durée d'indemnisation plus longue, c'est une hypocrisie totale, une façon de les mettre à la retraite de manière anticipée », a justifié Bruno Le Maire ce jeudi sur Franceinfo : « Moi, le message que j'ai envie de leur envoyer (ndlr : aux plus de 55 ans), c'est : "On a besoin de vous, on a besoin de votre expérience" ».

Une position que le ministre de l'Économie avait déjà exprimée le week-end dernier dans une interview à La Tribune Dimanche du 19 novembre. Bruno Le Maire s'était dit clairement partisan d'un tour de vis supplémentaire en matière d'indemnisation. S'il n'était pas rentré dans le détail, le sous-entendu était sans appel : la durée d'indemnisation des seniors est à ses yeux trop longue et n'incite pas la reprise du travail.

« Je souhaite que les syndicats et le patronat puissent s'entendre, dans les mois à venir, pour mettre fin à des dispositifs d'indemnisation du chômage qui nourrissent les départs anticipés, voire les licenciements et contribuent au chômage des seniors. Nous avons besoin des seniors, de leur talent, de leur qualité et de leur expérience », avait-il ainsi déclaré.

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Un taux de chômage général qui repart à la hausse

« Nous devons augmenter le taux d'emploi du pays d'ici à 2027 », appelait ainsi Bruno Le Maire, en juillet dernier en marge des Rencontres économiques d'Aix-en-Provence. Et d'ajouter : « Nous devons viser 80% de taux d'emploi d'ici les années qui viennent », un taux que la France n'a pas connu « depuis un demi-siècle ».

« Si on ne secoue pas les puces, il n'y aura pas 5% de taux de chômage » en fin de quinquennat, a-t-il encore rappelé ce jeudi. D'autant que le nombre de demandeurs d'emploi sans activité (catégorie A de Pôle emploi) est reparti à la hausse au troisième trimestre (+0,6%). Résultat : le taux de chômage devrait atteindre 7,3% de la population active en fin d'année contre 7,1% au premier trimestre de 2023. La Banque de France estime, elle, qu'il pourrait même remonter progressivement jusqu'à 7,8% en 2025, restant toutefois en deçà de son niveau pré-Covid. « Atteindre le plein emploi, c'est-à-dire passer de 7% à moins de 5% de chômage, ne peut être immédiat en raison du ralentissement actuel. Mais c'est réaliste d'ici quelques années », expliquait son gouverneur, François Villeroy de Galhau, mi-septembre.

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Les partenaires sociaux invités à en discuter

Qu'importe. Le gouvernement martèle son objectif et est bien résolu à tout mettre en oeuvre pour y parvenir. D'autant que « si on ne règle pas ça, en 2027 on a encore une campagne avec une autre réforme des retraites. Si on veut éviter une énième réforme paramétrique (des retraites), la solution, c'est régler l'emploi des seniors », a alerté le président de la CFTC, Cyril Chabanier, mercredi, rappelant que le niveau français se trouve toujours 12 points inférieur à celui de la moyenne de la zone euro. Un rattrapage ferait de facto rentrer des milliards d'euros dans les caisses de l'Etat.

Les modifications des conditions d'indemnisation des seniors, consécutives à la réforme des retraites, devraient donc être au cœur des prochaines négociations entre patronat et syndicats. Alors qu'ils viennent tout juste de terminer celles portant sur l'assurance-chômage, qui ont débouché sur un accord le 10 novembre, le gouvernement les a, en effet, invités ce mardi à ouvrir de nouvelles discussions, notamment sur l'emploi des seniors, sujet que l'exécutif aurait d'ailleurs voulu initialement voir inclus dans l'accord sur l'assurance-chômage. En parallèle, les partenaires sociaux devront également plancher sur la création d'un compte épargne temps universel (Cetu), conformément à l'engagement d'Emmanuel Macron, ainsi que sur les transitions et reconversions professionnelles et l'usure professionnelle.

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S'ils décident de négocier, syndicats et patronat devront indiquer au gouvernement le délai qu'ils estiment nécessaire, conformément au Code du travail. Le ministère du Travail a évoqué auprès de la presse « à titre indicatif » la date du 15 mars pour aboutir.

Effet positif de la réforme des retraites

Dans le « document d'orientation » qui doit servir de base aux échanges, le gouvernement admet néanmoins que son objectif d'atteindre le plein emploi des seniors est « ambitieux ». Mais, il espère tirer profit de la réforme des retraites définitivement adoptée en mars dernier. D'une part, lors de la dernière convention Unedic, les partenaires sociaux ont acté de décaler les droits des demandeurs d'emploi les plus âgés. Avec l'effet de la réforme des retraites, qui recule l'âge de départ de 62 à 64 ans, ils se sont, en effet, mis d'accord pour que les règles d'indemnisation de l'Assurance chômage s'appliquant aujourd'hui aux plus de 55 ans soient décalées à 57 ans. Au-delà de 62 ans, un chômeur peut aussi obtenir des dispenses de recherche d'emploi tout en continuant d'être indemnisé. Economies attendues pour le régime Unedic : 440 millions d'euros.

En outre, l'exécutif affirme, en effet, que le taux d'emploi des 60-64 ans va mécaniquement augmenter sous l'effet de la réforme des retraites pour arriver autour de 60%. L'effort complémentaire pour atteindre ses ambitions est donc « de l'ordre de 5-6 points ». Et le document évoque plusieurs leviers pour y parvenir : renforcer la négociation de branche et d'entreprise sur la gestion des âges, aménager les fins de carrière ou encore mieux lutter contre les stéréotypes et discriminations liées à l'âge.

Pas question pour autant de contraindre les entreprises a martelé le ministre. « On peut toujours pénaliser plus les entreprises, mais il me semble que si on veut développer l'activité, il me paraît bon de soutenir nos entreprises, leur permettre d'embaucher, de créer des emplois, des activités partout sur le territoire », a-t-il asséné.

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L'accord sur l'assurance-chômage est « perfectible » pour Bruno Le Maire

Le ministre de l'Économie a aussi donné ce jeudi son avis sur l'accord sur l'assurance-chômage, conclu en fin de semaine dernière entre les syndicats et le patronat. Bruno Le Maire l'a jugé « perfectible », notamment sur la question des seniors.

Il a aussi critiqué les mesures de financement qui figurent dans l'accord, avec « des dépenses certaines », comme des réductions de cotisations, palliées par « des économies improbables ». L'accord propose notamment « de faire des économies sur la création d'entreprises », a-t-il noté, jugeant « l'idée un peu baroque parce qu'on a besoin de créer des entreprises, et l'économie chiffrée à près de 900 millions d'euros me paraît très improbable ». « Sur le volet financier, on peut émettre légitimement des doutes, j'ai eu l'occasion de m'en expliquer avec le président du Medef », a conclu le ministre.

(Avec AFP)