Emploi des seniors : le manque de reconnaissance en entreprise bondit après 50 ans

La réforme des retraites va allonger les durées de carrière pour un grand nombre de Français. Les seniors, plus souvent victimes de discriminations et de stéréotypes à l'intérieur des entreprises, vont devoir travailler plus longtemps. Pourtant, plus de la moitié d'entre eux estiment que certains postes ne leur sont plus accessibles après 60 ans selon une enquête édifiante menée par le cabinet Alternego. 60% d'entre eux affirment que leurs contributions professionnelles ne sont pas reconnues à leur juste valeur.
Grégoire Normand
(Crédits : Isotck)

La réforme des retraites a remis au centre des débats la place des seniors à l'intérieur des entreprises. Après 50 ans, de nombreux salariés ont le sentiment d'être relégués dans de nombreux secteurs. Parfois poussés vers la sortie avant l'âge de l'ouverture des droits, cette catégorie de salariés tente de montrer que l'expérience est un atout au bon fonctionnement de l'activité. Cette angoisse de la relégation est loin d'être marginale et concerne la plupart des catégories socioprofessionnelles et des secteurs économiques.

Des ouvriers aux cadres en passant par les professions intermédiaires, de nombreuses enquêtes ont montré que le taux d'emploi des seniors était bien plus faible que la moyenne tricolore. Et l'application de la réforme décriée des retraites à partir de septembre prochain pourrait compliquer encore la situation pour ces travailleurs.

Dans une vaste étude dévoilée ce 15 mai, le cabinet Alternego jette une lumière crue sur ce désarroi partagé par une grande partie des plus de 45 ans considérés comme des seniors dans le monde du travail. Ainsi, plus de la moitié (52%) des plus de 60 ans considère que certains postes ne leur sont plus accessibles contre 28% chez les 45-49 ans. « On est entré dans un cercle vicieux des stéréotypes à la fois du côté des DRH mais aussi du côté des salariés seniors », déclare à La Tribune Patrick Scharnitzky, docteur en psychologie sociale et directeur associé du cabinet AlterNego.

Retoqué par le Conseil constitutionnel dans sa décision sur la réforme des retraites, l'article sur l'index des seniors destiné à améliorer l'emploi des plus de 55 ans pourrait être recasé dans un autre texte législatif. Mais cet outil pourrait s'avérer amplement insuffisant pour améliorer l'emploi des plus âgés au regard des résultats jugés peu concluants de l'index pour l'égalité professionnelle.

Lire aussi« Usine à gaz », inefficace... Le bilan sévère de l'index d'égalité professionnelle, quatre ans après sa création

Discriminations et stéréotypes

Sans surprise, le sentiment de discrimination grimpe en flèche avec l'âge. Entre 45-49 ans, environ 9% des salariés interrogés disent avoir été victimes de discriminations en raison de leur âge. Ce ratio atteint les 27% pour les plus de 60 ans. Beaucoup de salariés sont clairement écartés de certains postes et ne peuvent plus prétendre à certaines tâches ou revalorisation salariale ou prime. « Plus on est âgé, plus on est victime de blagues, de moqueries. Dans les entreprises, ces comportements sont très fréquents », affirme Patrick Scharnitzky.

Parmi les autres résultats frappants de cette grande enquête, figure la persistance des clichés à l'égard des travailleurs séniors. Là encore, le pourcentage de salariés ayant fait l'objet de stéréotypes négatifs bondi avec l'âge. 25% des plus de 60 ans disent faire l'objet de mauvaises blagues et de stéréotypes contre 12% des 45-49 ans. Et ce sentiment est équitablement partagé entre les hommes (16%) et les femmes (17%).

Des salariés en manque de reconnaissance

La reconnaissance des salariés à l'intérieur des entreprises a tendance à décliner avec l'âge. Ainsi, près de la moitié des 50-54 ans ont le sentiment que leur contribution au travail sont reconnues à leur juste valeur contre près de 40% pour les plus de 60 ans. Sur ce point, les femmes (49%) se sentent légèrement moins reconnues que les hommes (54%). « Il y a un écart entre les envies et les demandes des salariés et ce que les entreprises sont prêtes à leur donner », souligne Patrick Scharnitzky.

Ce manque de reconnaissance est d'autant plus mal vécu qu'une grande partie des hommes (88%) et des femmes (86%) se disent prêts à transmettre leur savoir professionnel. Autre résultat important, 39% des femmes déclarent que leur entreprise survalorise la jeunesse contre 34% chez les hommes. Pour améliorer la place des seniors dans l'économie, il faut absolument « déconstruire ce sentiment de jeunisme dans les entreprises », suggère le spécialiste de l'inclusion et du management. Et mettre le paquet « sur la formation » des plus âgés.

______

(*) Méthodologie : L'étude « deuxième partie de carrières des salariés français » du cabinet AlterNego a été réalisée en ligne du 15 janvier au 15 février 2023 auprès de 10 205 salariés de 45 an et plus. Elle a été complétée par un focus qualitatif réalisé auprès de 10 responsables RH et/ou D&I en entreprises.

Grégoire Normand
Commentaires 14
à écrit le 16/05/2023 à 10:22
Signaler
En effet, on fait semblant de découvrir un problème loin d'être nouveau. Pour paraphraser une certaine personne: les séniors c'est comme les éoliennes, tout le monde veut qu'ils bossent plus mais aucune entreprise n'en veut chez elle ! A commencer ...

à écrit le 16/05/2023 à 2:43
Signaler
si il n'y avait plus de salariat, ce truc invente il y a un siecle, ce serait tout de meme mieux. tout le monde tacheron, tous les jours, un patron vient vous chercher en fonction de ces besoins. un cout de smartphone et hop, c'est si simple. plus ...

à écrit le 16/05/2023 à 1:58
Signaler
On emploi pas un seigneur ! Le seigneur règne c'est tout !

à écrit le 15/05/2023 à 19:07
Signaler
Il est formidable cet article "informatif" en 2023, car ça fait deux décennies que le phénomène est non seulement connu, mais reconnu depuis comme un mal systémique et totalement contreproductif. Durant ces mêmes décennies, l'économie réelle n'a plus...

à écrit le 15/05/2023 à 14:39
Signaler
J'ai compris bien avant 50 ans que le futur en entreprise était aléatoire. J'ai donc agi en conséquence pour ne plus être dépendant d'autrui et ce n'est pas une question d'âge de départ à la retraite qui m'a détourné de mon objectif😃

à écrit le 15/05/2023 à 14:29
Signaler
Le management à la française consiste à aller à la facilité en matière de gestion RH, ce qui contribue à mettre sous pression l'Etat qui doit recruter ou assister ceux ne répondant pas aux critères ridiculement maximalistes de certaines entreprises p...

le 15/05/2023 à 23:23
Signaler
Oui on veut des assistantes issues de master pour faire déléguer mis taches et notre taff vu qui n ous n’ avons q un bts ou dut rh ou manager d’ y il a 30 ans…. C est ça la réalité .. donc les seniors out … lol

le 15/05/2023 à 23:23
Signaler
Oui on veut des assistantes issues de master pour faire déléguer mis taches et notre taff vu qui n ous n’ avons q un bts ou dut rh ou manager d’ y il a 30 ans…. C est ça la réalité .. donc les seniors out … lol

à écrit le 15/05/2023 à 11:22
Signaler
C'est bien connu: un salarié, en fin de carrière, est fatigué et coûte cher; cet excédent d'impôt que nous avons avec nos concurrents mondiaux pourraient avantageusement être utilisé pour remédier à la chose au lieu de salarier un Parlement - ce qui ...

à écrit le 15/05/2023 à 9:55
Signaler
Faisons la révolution : les vieux en entreprises pourraient accepter de travailler moins, d'être moins payés et de passer du temps à former des plus jeunes. Ce qui serait plus productif que de les envoyer en pré-retraite. Et de les faire pointer au c...

à écrit le 15/05/2023 à 9:44
Signaler
Vous vous plaignez sans cesse. C'est fatigant. Pourquoi n'y mettent-ils pas fin ? La paix enfin.

à écrit le 15/05/2023 à 7:31
Signaler
Vers cinquante ans, on commence a vous regarder avec condescendance. A 55 on vous propose une formation, un peu plus tard vous etes vire. Le management a la francaise. Pas sur que les trentenaires acceptent ces regles biaisees. Personne ne touchera u...

le 15/05/2023 à 9:34
Signaler
le manque de reconaissance n'est pas du aux entreprise mais bien a celle de l'education national qui refuse toute evolution de carriere par un diplome quand un ouvrier devient responsable de production a force de travail la remuneration ne doit...

le 15/05/2023 à 14:58
Signaler
@ludwig : j'ai vu des cadres du privé se vanter de n'employer de des diplômés des plus prestigieuses écoles publiques... tout en se plaignant bien évidemment dans le même temps du poids de leurs impôts, c'est bien ça, la culture d'entreprise "à la fr...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.