Congrès des maires : les principales mesures annoncées par Emmanuel Macron

Par Jean-Christophe Catalon  |   |  1261  mots
Pour garantir l'autonomie financière des collectivités, Emmanuel Macron entend procéder à une "refonte profonde de la fiscalité locale". Des études vont être menées dont les conclusions seront transmises courant 2018.
De la refonte de la fiscalité locale à la création d'une agence de la cohésion des territoires -interlocuteur unique de l'Etat pour les collectivités- le président de la République a présenté plusieurs mesures ce jeudi 23 novembre pour tenter de calmer la colère des maires.

Le président de la République, Emmanuel Macron, a détaillé ce jeudi 23 novembre ses projets pour les collectivités territoriales à l'occasion du 100e Congrès des maires de France. Le chef de l'Etat a décliné sa vision en trois axes. D'abord, il a affirmé sa volonté de préserver leurs moyens financiers, puis de leur donner une plus grande autonomie et d'assurer un accompagnement de l'Etat dans les grandes transitions (numérique, environnementale, etc.). Une façon pour lui de calmer la colère des élus locaux, et notamment des maires, à qui il est demandé de réaliser 13 milliards d'euros d'économies sur cinq ans.

Une refonte de la fiscalité locale

Le président de la République s'est d'abord engagé à maintenir une "stabilité des concours financiers de l'Etat" aux collectivités. "C'est historique", s'est-il exclamé.

Il est ensuite revenu sur sa mesure phare de campagne, aujourd'hui présente dans le projet de loi de finances : la suppression de la taxe d'habitation pour 80% des contribuables. Cette mesure sera mise en oeuvre progressivement sur trois ans, comme convenu. Emmanuel Macron a rappelé qu'il considéré cet impôt "mauvais" et "injuste". Or, il s'agit tout de même d'une manne financière importante pour les collectivités (10 milliards d'euros pour le bloc communal). Le chef de l'Etat a donc tenu à les rassurer en rappelant que l'Etat compensera en totalité cette perte de ressources et ceci de façon pérenne. Il a précisé que ce financement serait assuré via 10 milliards d'économies réalisés par l'Etat.

"Qui va payer ? L'Etat sur ses économies en procédant par dégrèvement, en prenant en charge la part non-payée par le contribuable local. Vous serez intégralement compensés", a-t-il .

| Lire aussi : La taxe d'habitation supprimée en trois ans pour 17 millions de ménages

Emmanuel Macron veut aller encore plus loin. "Cette réforme ne doit être qu'un début", a-t-il lâché devant l'assistance. Pour garantir l'autonomie financière des collectivités, il entend procéder à une "refonte profonde de la fiscalité locale". Des études vont être menées dont les conclusions seront transmises courant 2018 et les premières décisions interviendront dès 2019, pour une entrée en vigueur l'année suivante. l'idée étant que le bloc communal dispose d'une plus grande autonomie financière en étant assuré de percevoir le produit d'une taxe (à définir) dynamique. C'est ce qui a été fait avec les Régions qui vont à l'avenir percevoir 1% du produit de la TVA.

"Laissons les maires innover"

Stabilité dans les finances mais aussi, des institutions. Emmanuel Macron a promis que l'Etat ne reverra pas la carte territoriale, comme cela a été fait sous le précédent quinquennat avec notamment la réduction de 22 à 13 régions en 2016 (loi NOTRe). Le président a estimé que "par retour d'expérience, ça marche mieux quand vous (les élus locaux, ndlr) l'avez voulu plutôt que quand ça vous a été imposé". Autrement dit, il devra y avoir des rapprochements mais ils seront à l'initiative des collectivités, selon les besoins du terrain. On sait que pour le président, le modèle est ce que la Métropole du Grand Lyon et le département du Rhône ont réalisé. A cet égard, le chef de l'Etat entend également donner "plus de clarté et de volontarisme au Grand Paris". "A-t-on mis toutes les chances de notre coté pour réussir ? Je n'en suis pas persuadé", a-t-il déploré. Il entend notamment en simplifier le schéma administratif.Mais, à ce stade, il s'est gardé de livrer ses choix sur l'évolution institutionnelle de la Métropole du Grand Paris.

Emmanuel Macron veut aussi "rompre avec l'uniformité de traitement" parce que "les territoires ne sont pas plongés dans les même situations". Pour cela, il prévoit une révision de la Constitution. Celle-ci permettra en particulier aux collectivités de pérenniser une expérimentation réussie, "sans qu'elle ait vocation à être généralisée au niveau national". Ce détail bloquait certaines initiatives des collectivités. En effet, jusqu'ici, les expérimentations réussies ont vocation à être génralisées.

"On expérimente peu à cause de ça. Nous allons conférer aux collectivités une capacité inédite de différenciation. Il faut donner la liberté de faire, laissons les maires innover. La vérité se trouve au plus près du terrain et non dans les rouages de l'administration centrale", a-t-il martelé.

Quant à la réduction du nombre d'élus. L'Etat n'en proposera aucune. Elle se fera naturellement avec les rapprochements de certaines collectivités. La révision du statut d'élu local sera en revanche à l'étude.

Concernant le cumul des mandats, la limitation à trois mandats dans le temps est déjà partiellement appliquée. Il faut en revanche "tenir compte de la spécificité des petites communes", a rappelé Emmanuel Macron. C'est pourquoi "cette réforme ne touche pas les mandats pour les communes de moins de 3.500 habitants". Pour mémoire, le projet a déjà été validé en Conseil des ministres en juillet. Et la limitation dans le temps des mandats ne débutera que lors des prochaines élections communales, normalement en 2020. Ce qui signifie que les mandats antérieurs ne seront pas comptabilisés.

La création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires

Enfin, le dernier pilier de la politique territoriale du chef de l'Etat vise à revoir la relation entre l'administration centrale et les collectivités, de sorte à avoir un "Etat facilitateur de projets". Aujourd'hui, les élus locaux ont à faire à une multitude d'interlocuteurs au niveau de l'Etat lorsqu'ils mènent un projet. Désormais, il ne s'adresseront qu'à un seul guichet : l'Agence nationale de la cohésion des territoires.

Le président de la République a également évoqué la révision de la politique de l'eau"qui ne correspond pas à la carte communale". Il est nécessaire "d'en parler lors de la Conférence des territoires", a-t-il poursuivi.

Enfin, Emmanuel Macron a de nouveau critiqué la politique du logement. "Nous dépensons à 40 millions d'euros par an pour avoir 4 millions de mal logés", a-t-il fustigé. Problème, la réforme amorcée par le gouvernement, notamment la baisse des APL et les relations avec les bailleurs sociaux a fait coulé beaucoup d'encre.

"Est-ce que tout est parfait dans la réforme du gouvernement ? Non. Il faut corriger certains points, des concertations sont à l'oeuvre", a-t-il indiqué. "Nous pouvons rendre cette réforme plus efficace."

Le président de la République reprend la proposition du président du Sénat, Gérard Larcher (LR), visant à instaurer une Conférence de consensus sur le logement, qui se tiendra dès 2018.

"Elle peut être le lieu de certaines améliorations attendues : simplifier la loi ALUR, qui empêche certains élus de construire là où ils le voudraient alors que ça n'a rien à voir avec l'objectif de la loi."

Le premier semestre 2018 sera également le temps de mettre en oeuvre un "choc de simplification de la politique du logement", visant notamment à alléger "les contraintes d'urbanisme, les recours inutiles qui accroissent le coût de la construction", a-t-il conclut.

D'autres chantiers et réflexions seront lancés. ainsi, le président souhaite un débat sur l'uniformité de la fonction publique. Il s'interroge à voix haute sur une éventuelle différenciation à instaurer dans les règles régissant les agents des trois fonctions publiques: Etat, collectivités locales et hospitalière. Un sujet syndicalement très sensible.