Débat Hamon – Valls : du fond, rien que du fond

Par Nicolas Raffin  |   |  799  mots
Le dernier débat de la primaire de la Belle Alliance Populaire s’est tenu mercredi soir. Benoît Hamon et Manuel Valls ont affiché leurs différences et leurs désaccords, dans un débat qui est toujours resté courtois.

La guerre des gauches n'a pas eu lieu. Installés quasiment côte à côte sur le plateau de télévision, Benoît Hamon et Manuel Valls ont débattu sereinement, chacun évitant soigneusement de tomber dans les polémiques ou d'apparaître comme celui qui ne penserait qu'à faire des petites phrases. Les échanges, toujours polis et rarement tendus, ont permis de distinguer clairement les projets des deux candidats. « Nous partageons des valeurs et des combats communs...ce n'est pas un débat personnel mais c'est un vrai choix » a résumé Manuel Valls.

Les sujets économiques ont occupé les deux finalistes pendant presque une heure. Benoît Hamon a de nouveau défendu sa proposition d'un revenu universel pour tous, arguant du fait que la révolution numérique conduira à la raréfaction du travail. Réponse de Manuel Valls : « Le travail ne va pas disparaitre...il ne va pas diminuer, il va prendre d'autres formes. On le voit avec la montée de l'entrepreneuriat individuel ». Pas de quoi déstabiliser son ancien ministre : « Tu n'as à opposer que ta foi, ta croyance [au fait] qu'il ne va pas y avoir de raréfaction du travail ».

De fait, l'ancien Premier ministre, qui porte l'idée d'un revenu décent - 800 euros mensuels versés sous conditions de ressources aux bénéficiaires des minimas sociaux - affirme que « la gauche s'est toujours définie par rapport au travail, par rapport à la production». Hors de question donc de s'éloigner de ce marqueur.

Crédibilité et vérité

Interrogé sur le coût, à terme, de sa mesure (estimée entre 380 et 450 milliards d'euros), Benoît Hamon a comparé le revenu universel à un « nouveau pilier de la Sécurité sociale », reportant le débat sur le financement à des négociations futures. Comme recettes, il évoque par exemple des « prélèvements nouveaux » (même s'il promet de ne pas augmenter les impôts), ou encore la lutte contre l'évasion fiscale.

Manuel Valls s'est aussitôt engouffré dans la brèche pour vendre son image d'homme de gauche bon gestionnaire et responsable : « il y a un problème de crédibilité. Je veux que nous gardions cette crédibilité (...) tout ce que propose Benoît Hamon sans augmentation des impôts n'est tout simplement pas possible ».

Voile et laïcité

Une autre divergence entre les deux socialistes a surgi au moment d'évoquer la laïcité. Manuel Valls n'a pas manqué l'occasion de rappeler qu'il avait voté la loi de 2010 interdisant le port de la burka dans l'espace public, tout en tenant un discours de fermeté sur le voile : « Il ne peut y avoir aucun accommodement. Nous devons protéger nos compatriotes qui sont sous la pression de l'islam politique. »

Sur ce point, Benoît Hamon a tenu un discours plus nuancé, en se référant à la loi de 1905, qui est « une loi de liberté...elle permet de croire et de ne pas croire (...) Sur le voile, là où il est imposé à une femme, nous devons tout mobiliser pour qu'elle ne soit pas soustraite au regard des autres. Mais si une femme décide librement de porter le voile, elle est libre de le faire ». Pour lutter contre les discriminations, il propose la création d'un « corps d'inspecteurs » spécialement dédiés, qui pourraient prendre des mesures administratives, comme par exemple fermer un café qui refuserait de servir les femmes.

Etat d'urgence : stop ou encore ?

Les deux candidats se sont également opposés sur l'état d'urgence. Pour Benoît Hamon, « quand on est candidat, on respecte l'avis des plus hautes juridictions, qui disent que l'état d'urgence ne peut être prolongé indéfiniment (...) On peut mener une lutte implacable contre le terrorisme en étant attentif à l'état de droit. ». Une façon de justifier son refus de prolonger la mesure, au contraire de Manuel Valls qui rappelle qu'une « large majorité » a voté la prolongation de cet état d'urgence.

Notre-Dame-des Landes, l'aéroport de la discorde

Sur le sujet de l'aménagement de l'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, Manuel Valls n'a pas manqué d'envoyer une petite pique à Benoît Hamon, qui veut enterrer le projet. « C'est difficile de vouloir expliquer qu'on veut davantage consulter les citoyens [Hamon veut notamment un « 49-3 citoyen », ndlr], et quand ils votent en toute connaissance de cause pour [l'aéroport], on remet en cause leur décision. ». Benoît Hamon reste droit dans ses bottes : « Gouverner, c'est être clairvoyant, et savoir trancher ».

Au final, malgré quelques tentatives de déstabilisation - entre eux, et parfois même de la part des journalistes -, les deux candidats sont restés dans leur couloir et n'ont pas dévié de leur ligne politique. Les électeurs qui se rendront aux urnes dimanche savent clairement à quoi s'en tenir.