Déficit public : une réduction "possible mais non acquise", prévient la Cour des Comptes

Par latribune.fr  |   |  756  mots
Les risques pesant sur les recettes sont limités, mais les objectifs d'évolution des dépenses publiques seront difficiles à atteindre, estime la Cour.
Les Sages de la rue Cambon estiment qu'il existe des "risques réels" de dérapage des dépenses publiques en 2015 et appellent à "une intensification des réformes structurelles et des efforts d'économies" en cours d'année. Pour autant, réduire le déficit public à 3,8% reste possible.

L'objectif de réduction du déficit public de la France pour 2015 est limité sans pour autant être acquis, prévient la Cour des comptes dans son rapport annuel sur la situation et les perspectives des finances publiques, présenté ce mercredi 24 juin. Par ailleurs, les Sages de la rue Cambon pointent du doigt le moindre effort structurel de Paris dans l'assainissement de ses comptes publics, inférieur à celui consenti par nombre de ses partenaires européens.

Encore un effort

"La réduction prévue du déficit apparaît possible sans pour autant être acquise", déclare la Cour. Pour rappel, le gouvernement s'est engagé auprès de ses partenaires européens ramener le déficit public à 3,8% du produit intérieur brut (PIB) à la fin de l'année, sur la base d'une prudente prévision de croissance du PIB de 1,0% en volume et d'une inflation nulle en moyenne sur l'année. Pour ce faire, 21 milliards d'euros doivent être économisés dans la dépense publique.

Mais cette fois-ci, la mise en garde s'avère moins sévère que les avertissements sur un risque de dérapage lancés par la Cour l'année pour l'exercice 2014, puis encore au début de cette année pour l'exercice en cours, et que l'exécutif n'avait guère appréciés.

Dépenses de défense et d'emploi dans le viseur

Les risques pesant sur les recettes sont en conséquence limités, écrit la Cour. Mais elle estime en revanche que les objectifs d'évolution des dépenses publiques seront difficiles à atteindre, en particulier s'agissant de l'Etat et des collectivités locales.

En effet, la Cour évalue le dérapage possible entre 1,8 et 4,3 milliards d'euros contre 1,1 et 3,2 milliards un an auparavant.

La Cour impute ces risques aux "tensions concernant le budget de la Défense" et aux dépenses liés à l'emploi, précisant qu'ils ne prennent en compte ni un éventuel manque à gagner sur le contrat de vente de deux navires de guerre Mistral à la Russie dont la livraison a été suspendue en raison du conflit en Ukraine, ni un possible report à 2016 de la cession par l'État de fréquences hertziennes qui dégraderait le déficit public de 2,1 milliards cette année pour l'améliorer l'an prochain. Selon la Cour, le dérapage des dépenses liées à la défense pourrait atteindre jusqu'à 800 millions d'euros. Quant au dérapage des dépenses liées au travail et à l'emploi, il pourrait aller jusqu'à 1,1 milliard d'euros.

Cependant, ces éventuels dépassements pourraient être compensés par des annulations de crédits mis en réserve. Actuellement cette réserve de précaution atteint 8 milliards d'euros. Déjà, en 2013 et 2014, souligne la Cour, les annulations sur les crédits mis en réserve ont atteint 3,2 milliards d'euros.

Par ailleurs, "la nette modération des dépenses locales prévue, qui repose sur un ralentissement des dépenses de fonctionnement et une nouvelle baisse marquée des dépenses d'investissement, n'est pas assurée", prévient la Cour.

Effort structurel moindre

Dans un chapitre consacré à une comparaison du processus d'ajustement des finances publiques de la France et de ses principaux partenaires européens depuis la crise financière de 2008-2009, la Cour souligne que Paris a privilégié jusqu'en 2013 une consolidation par la hausse des recettes, en dépit du poids très élevé des dépenses publiques dans le PIB.

"La France a effectué un effort structurel moindre" et "la dépense publique en volume a vu sa progression infléchie depuis 2010 seulement, alors qu'elle a baissé chez ses principaux partenaires".

Coût du programme de stabilité

Pour 2016 et 2017, le programme de stabilité transmis par le gouvernement à la Commission européenne prévoit de ramener le déficit respectivement à 3,3% puis 2,7% du PIB.

Mais "cela suppose la réalisation d'un programme d'économies d'environ 14,5 milliards d'euros par an, qui sont toutefois peu documentées à ce jour", souligne la Cour.

Si ces objectifs étaient atteints, le poids de la dette publique par rapport au PIB serait quand même accru par rapport à 2015 où il atteindra près de 97% et la France resterait vulnérable à une hausse des taux d'intérêt, préviennent les Sages.

Face à ce rapport, le ministère des Finances a réagi en évoquant une gestion tendue "classique" en milieu d'année : "nous n'avons pas d'inquiétude particulière à ce stade de l'année, pas de raison de s'inquiéter" sur la tenue de la norme de dépense.

(Avec AFP et Reuters)