Dégradation du déficit français : Pierre Moscovici alerte sur « une situation des finances publiques très préoccupante »

Par latribune.fr  |   |  981  mots
Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici. (Crédits : Reuters)
Si le premier président de la Cour des comptes s'est voulu rassurant au sujet de la soutenabilité de la dette française, il a néanmoins, une nouvelle fois, pointé la situation des finances publiques de la France. Des propos qui interviennent au lendemain d'une enquête de la commission des Finances du Sénat qui a révélé que le déficit public atteindrait 5,6% du PIB en 2023, contre les 4,9% prévus initialement par le gouvernement.

« La France n'est pas en faillite ». Ce vendredi, Pierre Moscovici s'est voulu rassurant quant à l'état de la dette française. C'est « un pays sûr, un pays très ouvert et donc c'est un pays dont la dette se place bien, elle trouve des gens pour la financer », a-t-il assuré sur RMC/BFM TV. Et d'ajouter : « Il n'y a pas de problème de soutenabilité de la dette ».

L'ancien ministre de l'Économie et des Finances a néanmoins, une nouvelle fois, alerté sur « une situation des finances publiques très préoccupante et c'est un problème de crédibilité pour nous, notamment au sein de la zone euro »« Nous ne pouvons pas rester dans cette situation », a-t-il insisté.

Le gouvernement a tracé une trajectoire de déficit « jusqu'en 2027, qui doit nous emmener en dessous de 3% du PIB », a-t-il encore rappelé, estimant donc qu'« il y a des efforts à faire pour réduire notre déficit et surtout réduire notre dette publique ».

Vers un déficit public supérieur à 5% en 2023

La semaine dernière, la Cour des comptes avait déjà pointé du doigt la gestion des finances publiques par le gouvernement. « On est solidement installé sur le podium des trois pays les plus endettés de la zone euro », avec la Grèce et l'Italie, s'était alors alarmé Pierre Moscovici.

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D'autant que, jeudi, le ministre délégué chargé des Comptes publics Thomas Cazenave a reconnu que le déficit public serait « supérieur à 5% » du PIB en 2023, un niveau « plus élevé » que l'objectif de 4,9% qui avait été fixé par le gouvernement. Pour rappel, le chiffre officiel du déficit de la France en 2023, publié par l'Insee, doit être dévoilé mardi matin. Dans la foulée des propos du ministre, un contrôle sénatorial au ministère des Finances a, en effet, révélé que le gouvernement envisageait un dérapage du déficit à 5,6% du PIB en 2023.

Contrôle de la commission des Finances du Sénat

« Ce contrôle sur pièces et sur place (...) vise à obtenir communication de l'ensemble des notes et documents produits par les services de Bercy et expliquant cette dégradation et à obtenir des réponses aux nombreuses questions qu'elle pose », expliquait un communiqué de la commission des Finances du Sénat. Ce contrôle faisait suite aux révélations dans la presse à propos d'« une dégradation sans précédent [du déficit public], puisqu'il serait prévu à 5,6% du PIB au lieu des 4,9% attendus ».

« Depuis quand cette dégradation est-elle connue ? Quelle en est l'ampleur exacte ? Quels en sont les facteurs (moindres recettes, dépenses en hausse) ? Quel impact sur la trajectoire de redressement (...) qui semblerait à première vue intégralement remise en cause ? », s'interrogeait ainsi le communiqué.

« Le manque patent d'informations à disposition du Parlement marque encore une fois le mépris dont il fait l'objet de la part du gouvernement », estimait la commission des finances sénatoriale.

À l'issue de ce contrôle, le rapporteur général de l'institution, Jean-François Husson, a donc constaté que le gouvernement tablait sur une envolée du déficit public à 5,6% du PIB en 2023, 5,7% en 2024 et 5,9% en 2025. Des chiffres à prendre néanmoins avec « précaution » car calculés avant l'annonce d'un plan d'économies de 10 milliards d'euros en 2024 dans les dépenses de l'Etat.

10 milliards d'économies en 2024...

Le 18 février dernier, le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, a, en effet, dévoilé la mise en place de ce plan qui ne portera toutefois non « pas sur les Français », mais sur les « dépenses de l'Etat » : 5 milliards sur les dépenses de fonctionnement de tous les ministères et 5 milliards sur d'autres secteurs comme l'aide publique au développement (un peu moins d'un milliard), MaPrimeRénov' (1 milliard), des opérateurs de l'Etat comme Business France ou France Compétences (1 milliard). « Ce n'est pas la Sécurité sociale qu'on va toucher, ce n'est pas les collectivités locales qu'on va toucher », avait insisté Bruno Le Maire.

Toutefois, le gouvernement ne s'interdit pas de nouvelles économies. « Cela va dépendre des recettes fiscales », a prévenu le ministre de l'Économie devant les députés de la Commission des finances. Sur la table, plusieurs pistes ont été évoquées comme le remboursement des transports pour les malades, les journées d'absence autorisées dans les collectivités, l'empilement d'échelons dans les administrations locales. Le gouvernement pourrait passer par un budget rectificatif à l'été.

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... et 20 milliards en 2025

Le gouvernement cherche en outre à dégager 20 milliards d'économies supplémentaires en 2025, en faisant cette fois contribuer à l'effort les collectivités locales et les administrations de sécurité sociale.

« Compte tenu des résultats 2023 et de la révision de nos prévisions de croissance pour 2024, je dois vous le dire en transparence : pour construire le budget de l'an prochain et pour tenir notre objectif de ramener le déficit sous 3% d'ici 2027 [...] nous devons porter notre effort de 12 à 20 milliards d'euros d'économies supplémentaires pour l'année 2025 », a ainsi annoncé Thomas Cazenave.

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L'exécutif se penche notamment sur les aides aux entreprises, les dispositifs en faveur de la jeunesse, les politiques de l'emploi, la formation professionnelle et l'apprentissage, les dispositifs médicaux, les affections de longue durée, les aides au secteur du cinéma, l'absentéisme dans la fonction publique, les mesures de maîtrise de la loi de programmation militaire, ou encore les dépenses immobilières des ministères sous loi de programmation.

(Avec AFP)