Dopée au « quoi qu'il en coûte », la France peut prendre le temps de corriger son déficit, juge la Cour des comptes

Par latribune.fr  |   |  642  mots
(Crédits : Christian Hartmann)
Alors que les comptes publics de la France sont en zone rouge avec la politique du "quoi qu'il en coûte" mise en place face au Covid-19, la Cour des comptes conseille une sortie progressive des mécanismes d'aides pour ne pas fragiliser le tissu économique fortement soutenu. L'institution évoque aussi cinq secteurs dans lesquels des réformes pourraient permettre "d'améliorer la qualité de la dépense publique".

Prêts garantis par l'Etat (PGE), fond de solidarité, chômage partiel, reports des prélèvements obligatoires... Le "quoi qu'il en coûte" d'Emmanuel Macron depuis mars 2020 a d'ores et déjà coûté 206 milliards d'euros aux finances publiques jusqu'à mars 2021, comme l'évaluait le comité de suivi et d'évaluation. Résultat le déficit public français s'enfonce à 9,4% sur l'année 2021 et la dette publique doit atteindre 117% du PIB cette année. C'est sur ce dérapage que la Cour des comptes souhaite apporter ses fortes recommandations, dans un rapport de 200 pages commandé en février par le Premier ministre Jean Castex.

Pour les Sages de la rue Cambon, le redressement des comptes publics - à amorcer en 2023 - doit passer par des réformes. A un an de l'élection présidentielle, l'exécutif actuel pose les fondations mais c'est bel et bien à l'exécutif issu de l'élection qu'incombera le redressement des comptes publics.

"Il y a deux erreurs à éviter : oublier la croissance et ne compter que sur la croissance", défend le premier président de la Cour Pierre Moscovici.

"Quelles que soient les perspectives de croissance en sortie de crise, la crise sanitaire laissera des marques durables sur l'économie française et les finances publiques", prévient aussi l'institution, qui juge souhaitable une stratégie "qui allierait renforcement de la croissance et réduction progressive du déficit public".

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Pas d'inversion de la courbe des dépenses

Pour autant, la Cour des comptes ne prône pas de baisse de la dépense de publique. La priorité est de freiner les dépenses publiques en fixant leur rythme de progression "à un niveau conduisant à une réduction du déficit public suffisante pour permettre une décrue de l'endettement public au plus tard à compter de 2027".

Pour l'heure, le gouvernement s'est fixé l'objectif de ramener la progression des dépenses à +0,7% par an jusqu'en 2027.

Le rapport évoque toutefois trois scénarios, l'un où l'augmentation de la dépense est de +0,6% par an à partir de 2023, un autre à +0,3%, et un dernier où les dépenses se stabilisent.

Si la Cour prône une stratégie progressive, c'est aussi en raison des risques de faillites à la coupure des aides. "Il y a effectivement plus de risques à retirer trop tôt les mesures de soutien que trop tard", note l'institution.

Cinq réformes pour faire des économies

La Cour évoque cinq secteurs dans lesquels des réformes pourraient permettre "d'améliorer la qualité de la dépense publique", à la fois en termes d'équité et d'efficience: le système des retraites, les dépenses d'assurance maladie, la politique de l'emploi et notamment l'indemnisation du chômage à ajuster aux cycles économiques, ainsi que les minima sociaux et la politique du logement "dont il faut accroître l'efficacité et le ciblage, notamment en direction des ménages les plus défavorisés".

Sur le contenu des réformes, notamment celle des retraites, qu'Emmanuel Macron a remis dans le débat public récemment après la mise en suspens de la réforme présentée en 2018, la Cour ne tranche pas.

"La Cour incite à prendre le temps, de crainte qu'une réforme précipitée ne fasse tomber la réforme", comprend-on à Matignon.

Enfin, la Cour conseille d'envisager que toute baisse de prélèvements obligatoires (par exemple des allègements d'impôts destinés à renforcer l'activité de la France) soit financée "par des hausses ciblées de même ampleur portant sur d'autres assiettes ou par une remise en cause de dépenses fiscales de faible efficacité".

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 (Avec AFP et Reuters)