Face à la pénurie de main-d'oeuvre, comment attirer les nouvelles recrues ?

Par latribune.fr  |   |  1069  mots
Pour s'adapter à la pénurie, des restaurateurs ont organisé de nouveaux horaires d'ouverture : "deux jours et demi par semaine, du dimanche soir au mardi".
Partis en chômage partiel pendant les confinements, des milliers d'employés ne sont jamais revenus dans leur emploi précédent. De quoi provoquer d'importantes pénuries de main-d'oeuvre dans plusieurs secteurs, au premier rang desquels l'hôtellerie-restauration. Or avec les réouvertures et la reprise, les besoins des chefs d'entreprise sont urgents. Quelles sont les solutions envisagées pour inverser rapidement la tendance provoquée par la crise Covid ?

« On n'a pas le choix, on est devant un mur, le problème du recrutement, et il nous faut rembourser nos emprunts ». Dix-huit mois après le début de la crise du Covid-19 qui a mis entièrement à l'arrêt des pans de l'économie, la constat fait par Emmanuel Achard, représentant patronal de restaurateurs indépendants (GNI), résume la situation que vit actuellement ces chefs d'entreprise. Entre février 2020 et février 2021, le secteur de la restauration a subi une véritable hémorragie, avec 237.000 employés qui ont quitté la profession, selon les chiffres du GNI qui doit d'ailleurs rencontrer le gouvernement jeudi pour évoquer la pénurie.

Si l'hôtellerie-restauration est le secteur emblématique de ces pertes de main-d'oeuvre, il n'est toutefois pas le seul à avoir du mal à recruter. Et pour cause. Pour rappel, au plus fort de la crise sanitaire et des fermetures imposées par les confinements, la France a compté jusqu'à 8 millions de salariés en chômage partiel en avril 2020, après que 700.000 entreprises avaient fait la demande de ce dispositif mis en place par le gouvernement. Soit, à l'époque, un salarié du secteur privé sur trois. Et pour certains secteurs, ces employés ne sont jamais revenus dans les effectifs.

Dès lors, les professionnels sont pris entre le remboursement des PGE (prêt garantis par l'Etat) et la reprise de l'activité. Pour attirer la main d'oeuvre, les patrons doivent "remettre à plat leur organisation", conseille Emmanuel Achard lors d'une interview à l'AFP.

Les solutions des restaurateurs : adapter les horaires

Certains restaurateurs ont déjà commencé à s'adapter. Après avoir "perdu huit employés", parfois partis vers d'autres secteurs comme le bâtiment, M. Fontaine a expliqué avoir trouvé des solutions pour "conserver les autres" : supprimer la coupure et "réduire l'amplitude horaire en fermant à 22 h au lieu de 23 h, du lundi au jeudi" raconte ce restaurateur.

Et en fermant "le samedi midi et le dimanche toute la journée, ce qui a permis de donner un dimanche à tout le monde", il a vu baisser son chiffre d'affaires mais "pas forcément la profitabilité", rapporte-t-il. D'autres restaurateurs ont organisé de nouveaux horaires d'ouverture : "deux jours et demi par semaine, du dimanche soir au mardi".

Cette adaptation au rythme de vie du salarié se vérifie dans d'autres secteurs. A Bordeaux, face à la pénurie de développeurs informatiques, accentuée par la crise Covid, les entreprises avancent les arguments bien-être : formation continue, télétravail, ambiance de travail, impact social et environnemental... D'autres optent pour l'externalisation de la main d'oeuvre.

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Salaires : la question du Smic

Quid des salaires pour encourager à signer le contrat d'embauche ? Pour l'heure, les niveaux de rémunération de la restauration restent "globalement faibles", avec un salaire médian global à 107% du Smic horaire, des primes aux montants "relativement faibles" et une "forte disparité des durées hebdomadaires du travail", selon une enquête du cabinet In Extenso pour le GNI menée auprès de 2.100 entreprises.

La question de la revalorisation du Smic s'invite d'ailleurs dans les débats de l'élection présidentielle de 2022. L'enjeu est non seulement de faire revenir les employés, mais aussi, à cinq mois du scrutin, de faire baisser les chiffres du chômage et de maintenir le pouvoir d'achat. Ainsi, les candidats plus à gauche privilégient notamment la revalorisation du Smic, quand la droite défend la baisse des cotisations sociales, ou comme Xavier Bertrand une "prime au travail" pour les salariés touchant jusqu'à 2.000 euros.

Le besoin est tel que la revalorisation salariale est soutenue par le Medef, qui prône des accords par branche : "il y a aura des augmentations de salaires significatives dans la restauration, je pense, parce qu'il y a une négociation qui est en cours", a cité en exemple Geoffroy Roux de Bézieux, ajoutant toutefois que "le problème qu'il y a derrière, c'est qu'il faut pouvoir augmenter les prix".

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Un dernier coup de pouce pour les restaurateurs ?

Pour majorer les salaires et avantages à la hausse, faut-il soutenir davantage les entreprises ? Après avoir "grandement remercié (le gouvernement) pour ses aides", le GNI des restaurateurs va demander "un dernier coup de pouce sur les charges."

Sur le sujet des aides supplémentaires, le Medef est confiant. Il y aura "beaucoup de primes - ce qu'on a appelé la prime Macron (défiscalisée, ndlr) - qui seront versées dans beaucoup d'entreprises", a encore prédit le président de l'organisation patronale.

Le gouvernement va pousser à la reprise d'activité

Du côté du gouvernement, la pénurie de main-d'oeuvre est un enjeu crucial. Car la croissance française - attendue comme un record en France en 2021 (+6,75%) - repose notamment sur la consommation et les dépenses des foyers qui vont mettre de l'huile dans les rouages des entreprises. L'enjeu sera aussi de maintenir le niveau en 2022 pour financer le plan de relance.

Le gouvernement compte aussi renforcer les contrôles des chômeurs. Pôle Emploi, qui a réalisé environ 400.000 contrôles de demandeurs d'emplois en 2019, va intensifier de 25% ses efforts pour vérifier que les chômeurs mettent tout en oeuvre pour revenir à la vie active, a annoncé la ministre du Travail Elisabeth Borne.

Selon les chiffres publiés par le ministère du Travail, le nombre de chômeurs (catégorie A) a enregistré une baisse de 5,5% au troisième trimestre en France (hors Mayotte) par rapport au trimestre précédent, soit 206.000 inscrits en moins, à 3,544 millions. En incluant l'activité réduite (catégories B et C), le nombre de demandeurs d'emploi est en baisse de 1,9% et s'établit à 5,871 millions, selon la Direction des statistiques (Dares).

Enfin, le gouvernement mise sur le "contrat d'engagement jeune" qui s'adresse aux jeunes "depuis trop longtemps sans emploi, souvent sans ressources, sans perspectives", a expliqué Emmanuel Macron. Il proposera aux moins de 26 ans sans formation ni emploi depuis plusieurs mois une allocation allant jusqu'à 500 euros par mois en échange de 15 à 20 heures par semaine de formation ou d'accompagnement, pour une durée de 6 à 12 mois.

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