Finances locales : la grogne des élus ne se calme pas

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  995  mots
Si la dotation globale de fonctionnement ne baissera pas dans le budget 2018 pour la première fois depuis des années, d'autres mesures gouvernementales ne "passent" toujours pas auprès des élus locaux.
Le président des Régions de France, Philippe Richert, a claqué la porte du Comité des finances locales, lorsque le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin, a confirmé que les régions ne disposeront plus, en 2018, d'un fonds de 450 millions d'euros.

C'est peu dire qu'à la veille de la présentation du projet de loi de finances pour 2018, mercredi 27 septembre, les relations entre le gouvernement et les associations d'élus locaux restent extrêmement tendues. Pour preuve, ce 26 septembre, lors de la tenue du comité des finances Locales (CFL) en présence du ministre de Comptes publics, Gérald Darmanin, le président de l'Association des Régions de France, Philippe Richert, a quitté la salle. Objet de son courroux: le ministre des Comptes publics, qui présentait le volet collectivités locales du budget 2018, a confirmé la suppression du fonds de 450 millions d'euros qui avaient été affectés aux régions en 2017 pour financer leurs nouvelles compétences économiques, prévues par la loi NOTRe. Il y a peu encore, Philippe Richert se disait certain que ce fonds serait pérennisé... C'est raté. Un épisode qui illustre l'extrême tension qui règne actuellement. Certes, les régions disposeront bien d'une fraction de TVA pour financer leurs missions (soit environ 4 milliards d'euros) mais pour Régions de France, l'Etat n'a pas tenu parole.

Des dotations rabotées

Avec la suppression de ces 450 millions d'euros, globalement, les transferts financiers de l'Etat vers les collectivités locales accusent une baisse de 8% entre le projet de loi de finances 2017 et le PLF 2018. Certes, comme promis par Emmanuel Macron, la dotation globale de fonctionnement en 2018 ne baissera pas pour la première fois depuis plusieurs années, elle s'élèvera à 30,98 milliards d'euros, contre 30,86 milliards en 2017.

Mais, selon André Laignel, président du CFL et maire d'Issoudun, dans le détail, le PLF 2018 contient d'autres mauvaises surprises et suscite quelques inquiétudes. Parmi les mauvaises surprises, André Laignel regrette la baisse de 400 millions d'euros de l'enveloppe accordée aux agences de bassin qui permettent de gérer localement toutes les questions liées à l'eau. Il regrette aussi, une fois de plus, la diminution de 120.000 emplois aidés en 2018... et le fait que les emplois qui demeurent ne seront plus financés qu'à hauteur de 50% par l'Etat au lieu de 70% jusqu'ici.

Autre sujet qui fâche: la suppression en trois ans de la taxe d'habitation pour 80% des ménages. Pour André Laignel, le "pire a été évité pour 2018", la suppression de la TH prenant la forme d'un dégrèvement. Ce qui signifie que l'Etat va se substituer au contribuable pour verser le produit de la TH aux communes. "Mais le dégrèvement, une année, ne garantit pas la pérennité", explique André Laignel qui rappelle qu'il y a eu des précédents. Et de citer l'exemple de la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle instituée en 2011. Elle fût d'abord versée, puis son évolution a été gelée et enfin son montant fût amputée. André Laignel craint donc une évolution comparable pour la TH, rappelant que la loi de finances étant annuelle, rien ne garantit que le dégrèvement sera reconduit en 2019 et au-delà... Le président du CFL aurait préféré retarder la réforme de la TH d'une année, afin que tous les acteurs se mettent autour d'une table pour élaborer une réforme fiscale consensuelle.

Les nouvelles économies de 13 milliards d'euros ne passent pas

Bien entendu, la question des nouveaux 13 milliards d'euros d'économies demandés aux collectivités locales sur la durée du quinquennat, au titre de leur participation aux 60 milliards d'euros de baisse des dépenses publiques annoncées, ne passe pas non plus.

Pourtant, intervenant le 20 septembre lors de la 17e conférence des villes organisée par l'association France Urbaine, Edouard Philippe s'était voulu rassurant en expliquant la façon dont l'Etat compte s'y prendre pour demander aux collectivités cette coupe de 13 milliards d'euros.

« Vous avez bien sûr tous en tête le chiffre de 13 milliards. Les 13 milliards d'euros d'économies que l'Etat vous demande de réaliser sur cinq ans. Mais il est une précision de taille qu'il est bon de rappeler dans cette assemblée. C'est qu'il ne s'agit en aucun cas d'une baisse nette de votre dépense locale. Nous, nous vous demandons de maîtriser sa hausse, c'est très différent ! C'est-à-dire que vos dépenses vont bien continuer à augmenter en valeur absolue. Mais nous vous demandons d'infléchir la courbe, afin de limiter cette augmentation. Il faut donc raison garder. »

En d'autres termes, c'est la méthode « tendancielle » que compte adopter le gouvernement, ce qui correspondait à une demande des associations d'élus locaux. Gerald Darmanin a confirmé cette option devant le CFL. Concrètement, il s'agit de prendre en compte pour les collectivités, sur l'ensemble du quinquennat, une trajectoire d'évolution tendancielle des dépenses et de calculer l'effort de 13 milliards à partir du point théorique en fin de quinquennat. De fait, les collectivités connaissent des dépenses incompressibles qui ne dépendent pas de décisions locales. Il s'agit notamment des dépenses liées aux personnels : « glissement vieillesse technicité », revalorisation du point d'indice, revalorisation des carrières, etc. Autant de mesures décidées par l'Etat.

A l'Association des Maires de France, on estime que, globalement, sans que l'on puisse rien n'y faire, ce type de dépenses progresse mécaniquement d'environ 1,8% par an a minima mais la hausse peut atteindre 2,5% certaines années. Sans que cela soit encore définitivement tranché, Gérald Darmanin a évoqué l'objectif de limiter la progression à 1,2%, hors inflation. Pour l'Assemblée des départements de France, ceci semble très difficilement réalisable.

Autant de faits qui font dire à André Laignel que les finances des collectivités locales sont devenues "une variable d'ajustement". Alors, il compte, sans trop y croire, sur des amendements parlementaires pour corriger (un peu) la copie gouvernementale. Mais il prévient que toutes ces mesures auront nécessairement des conséquences sur la qualité des services publics dans les collectivités.