François Hollande ou l'art de retomber sur ses pieds

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1140  mots
A travers son entretien au quotidien Les Echos, François Hollande a clairement dessiné les axes de sa future campagne et indiqué son positionnement. Celui d'un homme qui veut faire barrage à une droite jugée « revancharde » et dotée d'un programme totalement inadapté aux inquiétudes des Français.
Dans un entretien accordé aux Echos, François Hollande a clairement indiqué ses intentions pour la présidentielle. Avec un art consommé de la rhétorique, le président en place transforme ses difficultés en avantages !

Ne dites pas à François Hollande qu'il est en campagne électorale, il fait semblant de ne pas le savoir ! Pourtant, son entretien au quotidien Les Echos, daté du jeudi 30 juin, ne laisse plus planer le moindre doute. Le président de la République dresse un bilan globalement positif de son quinquennat et esquisse quelques pistes de futures réformes... pour l'après 2017. Le message est donc très clair quant à ses intentions.

Mais c'est à propos de ses potentiels futurs concurrents de droite dans la course à la présidentielle que l'actuel locataire de l'Elysée est le plus explicite. Sur les questions économiques et sociales, il met tous les candidats à la primaire de la droite dans le même sac, évoquant, non sans un certain humour, un « fonds commun de mauvais placement ».

Haro sur le programme de la droite

Une façon pour François Hollande d'alerter les électeurs de gauche déçus par le quinquennat et tentés par l'abstention. Lui, continuera de protéger le modèle social français, alors que les programmes de la droite lui « paraissent surtout inadaptés à la situation de notre pays et éminemment dangereux pour notre modèle social ». Et d'accuser les projets portés par la droite de remettre en cause les 35 heures alors que lui favorise la négociation ; de casser le contrat de travail alors que, selon lui, la loi El Khomri va clarifier les règles du licenciement ce qui devrait inciter les entreprises à recruter en CDI plutôt qu'en CDD ; de vouloir retarder l'âge légal de départ à la retraite, « alors que le régime général est équilibré », ce qui est d'ailleurs exact, si l'on ne tient pas compte du Fonds de solidarité vieillesse dont le déficit se creuse.

François Hollande veut aussi séduire l'électorat de gauche quand il accuse la droite de « promettre aux ménages les plus favorisés des avantages fiscaux »... allusion aux propositions de certains candidats à la primaire, tel Jean-François Copé, de remonter les plafonds du quotient familial.

L'art de transformer des difficultés en avantages...

Quant aux dossiers qui pourraient le mettre en difficulté, François Hollande, avec un art consommé de la rhétorique, parvient à les tourner à son avantage. En vieux matou de la politique qu'il est, il retombe toujours sur ses pattes... qu'il s'agisse de la polémique sur la déchéance de la nationalité, de sa politique européenne ou de la "guerre" à la "mauvaise finance". A chaque fois, il se justifie, assume.

Ainsi sur la Loi travail, le Président explique qu'elle va permettre de renforcer la présence syndicale en entreprise... et qu'elle « va donner des moyens au syndicalisme ». Il va même jusqu'à dire que la loi El Khomri « est en réalité dans la prolongation des lois Auroux et de la première loi Aubry » [sur les 35 heures, ndlr]... Il faut oser, car les lois Auroux et Aubry n'ont pas donné lieu à onze journées de contestation dans la rue. Idem pour l'extension du travail du dimanche que le président qualifie de progrès social... car cela permet « à des salariés d'être payés jusqu'à deux ou trois fois plus ce jour là »...

Plus généralement, interrogé sur ce qu'il répond « aux électeurs de gauche qui se sentent trahis », le président explique que dans « aucun domaine depuis 2012 des droits ont été amputés ou des prestations réduites »... C'est juste oublier qu'il a diminué les allocations familiales pour une partie de la population, certes pas la plus modeste, ou qu'il a décalé au mois d'avril, voire au mois d'octobre, certaines revalorisations de prestations qui, auparavant, intervenaient le 1er janvier.

En revanche, le président est plus convaincant quand il assume « l'impératif de rétablir la compétitivité et les comptes publics (...). La trahison, c'eut été de laisser le pays dans l'état où je l'ai trouvé. Je m'en expliquerait devant les Français autant que nécessaire ».

Alors, certes, la dette publique s'était creusée de 600 milliards d'euros lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy, certes également François Hollande a décidé de mobiliser 41 milliards d'euros à destination des entreprises, via le pacte de responsabilité. Mais, le problème, c'est qu'il n'avait pas annoncé cette politique de l'offre lors de la campagne de 2012. Or, c'est ça qui « perturbe » les Français. Mais on voit bien que François Hollande, là aussi, compte bien faire de ce reproche un avantage. Il ne va pas manquer dans les mois à venir d'expliquer à quel point il a été contraint de changer ses plans politiques tant la situation économique de la France était encore plus dégradée qu'il ne le pensait en 2012. Sous-entendu, à qui la faute ? Manifestement, François Hollande attend ses adversaires sur ce terrain...

Poursuite de la politique de l'offre

Mais, nourri de l'expérience de Lionel Jospin en 2002 , le président en place sait qu'une campagne ne se gagne pas que sur un bilan. Il faut aussi un projet. Alors, il persiste et signe sur sa volonté d'encore améliorer la compétitivité des entreprises via une montée en puissance du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) ou la prolongation de la prime à l'embauche pour les PME. Sur le terrain institutionnel, il esquisse des pistes, souhaitant mieux associer les français aux décisions publiques. Il vante, à cet égard, le referendum organisé pour la construction de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes. De même, il souhaite que le calendrier législatif puisse être accéléré pour les projets de loi touchant à l'économie et au social. Il regrette que cinq à sept mois soient nécessaires entre l'adoption d'un texte en Conseil des ministres et son vote définitif au Parlement. Pas certains que cela fasse rêver les Français...

A travers cet entretien, donc, François Hollande a clairement dessiné les axes de sa future campagne et indiqué son positionnement. Celui d'un homme qui veut faire barrage à une droite jugée « revancharde » et dotée d'un programme totalement inadapté aux inquiétudes des Français. Il espère ainsi, en bon tacticien formé à l'école de François Mitterrand, rassembler d'abord son propre camp et couper l'herbe sous le pied de toute candidature alternative. Au fond de lui-même, il prie aussi pour que toute la droite se déchire lors de sa primaire de l'automne. Et Il sait que la course au « programme le plus libéral » que se livrent les candidats à cette primaire le sert car elle pourrait effrayer plus d'un électeur. François Hollande, qui a toujours cru en sa bonne étoile, doit sourire en se rappelant que début 2011, il ne récoltait encore que... 3% des intentions de vote pour la présidentielle. On connaît la suite. Alors bis repetita ?