Le gouvernement va multiplier les contrôles pour vérifier que les agriculteurs ne vendent pas à perte aux industriels

Par latribune.fr  |   |  1253  mots
En France, comme ailleurs en Europe, les manifestations d'agriculteurs se multiplient depuis quelques semaines. (Crédits : Reuters)
Alors que les agriculteurs font monter la pression en multipliant les manifestations de mécontentement, plusieurs membres du gouvernement, le Premier ministre en tête, sont allés sur le terrain ce samedi pour tenter de désamorcer le premier gros conflit social de l'ère Attal à Matignon. A quelques mois des élections européennes, le gouvernement redoute l'embrasement du monde agricole, courtisé par le Rassemblement national

Opération déminage pour éviter l'explosion. Ce samedi, alors que les agriculteurs font monter la pression en multipliant les manifestations de mécontentement, plusieurs membres du gouvernement, le Premier ministre en tête, sont allés sur le terrain pour tenter de désamorcer le premier gros conflit social de l'ère Attal à Matignon. Un mois avant l'ouverture du Salon de l'agriculture (du 24 février au 3 mars à Paris) et à l'approche des élections européennes, l'exécutif s'inquiète en effet que le mouvement fasse tache d'huile sur fond d'offensive d'un Rassemblement national qu'il accuse de « souffler sur les braises ».

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Loi Egalim

Hausse des charges, retards de paiements des subventions agricoles, sentiment d'être écrasés par des normes nationales ou européennes, au nom de la transition écologique, les motifs de colère sont multiples. Ils s'ajoutent à celui des revenus comme l'ont montré jeudi les manifestations pour obtenir des meilleurs prix de Lactalis.

« Il faut que vous puissiez vivre de votre travail », a déclaré Gabriel Attal lors d'un déplacement à Saint-Laurent-d'Agny (Rhône) où il a été interpelé par des agriculteurs, en ajoutant qu'il y aura « davantage de contrôles » pour s'assurer que les négociations commerciales annuelles entre les enseignes de supermarchés et leurs fournisseurs de l'agro-industrie ne se fassent pas au détriment du prix payé aux agriculteurs qui produisent la matière première des aliments.

Multiplication des contrôles

Dans la même veine, lors d'un déplacement à Flavigny dans la Marne, à l'occasion de la fête de Saint-Vincent, patron des vignerons, le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, a lui aussi cherché à envoyer des signaux positifs aux agriculteurs au sujet de la loi Egalim de 2018, qui prévoit que les prix payés aux agriculteurs tiennent compte de leurs coûts de production, pour éviter qu'ils ne vendent à perte. Un sujet explosif qui est revenu sur le devant de la scène la semaine dernière avec la plainte déposée par un vigneron du Médoc contre ses négociants en raison d'un tarif de vente de la production jugé « abusivement bas ». Une première.

« Dès la semaine prochaine, la direction générale de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) multipliera les contrôles sur les négociations commerciales en cours pour s'assurer de la préservation du revenu des producteurs agricoles. Nous serons intraitables avec les distributeurs qui ne respecteront pas les dispositions de la loi Egalim », a-t-il annoncé en ajoutant qu'il ne voulait pas que ces négociations « se traduisent par un affaiblissement du revenu des producteurs ».

Ce dimanche, au 20 heures de TF1, Bruno Le Maire a précisé que 100 contrôleurs seraient mobilisés.

Négociations commerciales

Le premier round des négociations entre les enseignes de supermarchés et une partie de leurs fournisseurs de l'agro-industrie, les PME, s'est achevé lundi. Elles doivent s'achever à la fin du mois avec les multinationales.

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A l'issue de ce premier volet des négociations, l'Association des entreprises des produits alimentaires élaborés (Adepale) s'est dite « inquiète » de « l'avenir des lois Egalim (...), puisque la grande distribution démontre lors de ces négociations une faible sensibilité à la sanctuarisation des matières premières agricoles ».

Samedi matin, Arnaud Gaillot, le président des Jeunes agriculteurs, syndicat allié de la FNSEA (majoritaire) a répété sur Europe 1 qu'il fallait « faire appliquer » cette loi.

Attal promet de « faciliter la vie » des agriculteurs

Au-delà de la loi Egalim, alors qu'il était interpellé par un maraîcher et arboriculteur du département, Bruno Ferret, qui s'est dit agacé devant des cotisations « trop élevées », des « réglementations illisibles et inapplicables » et l'interdiction d'utiliser en France des pesticides autorisés ailleurs,  Gabriel Attal a promis de « faciliter la vie » des agriculteurs qui subissent « des paperasseries, des formulaires à remplir » et de lever « tous les freins » qui empêchent des jeunes de s'installer.

« Les mots ne suffisent plus. (...) Agir, vite, à Bruxelles et Paris pour redonner dignité, revenu et avenir à ceux qui nourrissent », a pressé de son côté le président de la FNSEA Arnaud Rousseau, lequel avait partagé sur X vendredi que « le ras-le-bol des agriculteurs exprimé depuis des mois se transforme en colère partout en France ». Ce dernier doit rencontrer Gabriel Attal lundi soir. Son gouvernement doit porter prochainement un projet de loi pour favoriser la relève en agriculture. Le texte, au menu du Conseil des ministres du 24 janvier, prévoit de créer un nouveau diplôme de niveau bac+3 et un guichet unique pour accueillir les candidats à l'installation. La profession, elle, attendait une loi d'orientation plus ambitieuse.

« Il est grand temps que nos politiques qu'on alerte depuis des années prennent leurs responsabilités (...) parce que l'agriculture recule sur tous les plans en France », a déclaré sur Europe 1 samedi Arnaud Gaillot, en demandant « qu'on allège les contraintes » sur l'agriculture.

« Les agriculteurs ont toujours été les premiers au service de l'environnement » mais « on ne peut pas y aller à marche forcée », a-t-il ajouté.

Le gouvernement et le RN se disputent la défense des agriculteurs

Le dossier est politique. Le gouvernement et le Rassemblement national se dispute la défense des agriculteurs à quelques mois des élections européennes.

Samedi, Johan Bardella, le président du Rassemblement national, s'est déplacé dans le Médoc pour rencontrer des vignerons. A Queyrac en Gironde, il a dénoncé « l'Europe de Macron » qui veut, selon lui, « la mort de notre agriculture qui refuse aux agriculteurs le droit de vivre de leur travail », laquelle est mise en concurrence « avec des produits agricoles qui viennent du bout du monde, qui ne respectent aucune des normes toujours plus dures et toujours plus lourdes qu'on impose aux agriculteurs français ». Et d'ajouter : « Il y a un mouvement de colère qui est en train de se lever partout en Europe et le point commun de ce mouvement de colère c'est l'Union européenne. » Vendredi, il avait demandé à Gabriel Attal de « décréter l'état d'urgence agricole » et d'« instaurer le patriotisme économique pour protéger nos agriculteurs ».

Pour le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, reconduit récemment dans ses fonctions, le RN cherche « à souffler sur les braises de la colère et le désespoir des agriculteurs ».

« Mais ce n'est que de l'opportunisme électoral pour les élections européennes », a-t-il déclaré.

Ce dernier était attendu dans l'après-midi dans une ferme du Cher pour échanger « avec l'exploitant sur ses préoccupations, ses problématiques et sur le chantier de simplification lancé par le ministre », selon son cabinet.

A la demande d'Emmanuel Macron, les préfets sont allés ce week-end à la rencontre des agriculteurs et de leurs syndicats, « au plus près du terrain », selon l'Elysée. Les préfectures contactées par l'AFP ont souligné que les rendez-vous étaient pris, ou que des rencontres avaient déjà eu lieu, par exemple dans l'Eure samedi entre le préfet Simon Babre et des éleveurs de volailles lors d'un salon à Evreux.

La préfète de Meurthe-et-Moselle, Françoise Souliman, a aussi rencontré les organisations syndicales agricoles samedi matin, expliquant à l'AFP que cet échange allait « permettre de nourrir la remontée d'informations » vers Paris.

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(Avec AFP)