Prix alimentaires : les négociations commerciales entrent dans leur round décisif

Une première phase, entre les distributeurs et leurs plus petits fournisseurs, s'est achevée le 15 janvier. Les deux prochaines semaines seront entièrement consacrées aux relations tendues avec les grandes multinationales.
Giulietta Gamberini
La grande distribution accuse publiquement depuis des mois les multinationales de pratiquer des hausses injustifiées.
La grande distribution accuse publiquement depuis des mois les multinationales de pratiquer des hausses injustifiées. (Crédits : Reuters)

« Le gros morceau est devant nous. » C'est en ces termes que Dominique Schelcher, PDG du groupe Système U, a résumé mardi 16 janvier sur Franceinfo les enjeux des deux prochaines semaines pour la grande distribution.

Une loi adoptée début novembre, visant à répercuter plus vite en rayons la baisse des cours de certaines matières premières agricoles, a en effet anticipé cette année la date de clôture des négociations annuelles entre les distributeurs et leurs fournisseurs de grandes marques nationales. Normalement fixée le 1er mars, elle a été avancée au 31 janvier cette année pour les entreprises avec un chiffre d'affaires consolidé de plus de 350 millions d'euros. Un raccourcissement des délais qui met les équipes, des industriels mais encore plus des distributeurs, qui doivent négocier avec un plus grand nombre d'acteurs, sous une pression extrême: il n'y a déjà des « accords que sur 20% des dossiers, ce qui est très peu à 15 jours de l'issue », a souligné Dominique Schelcher sur Franceinfo.

Un premier round avec les plus petits industriels

Le rush est d'autant plus effréné que jusqu'à hier les enseignes ont déployé la plupart de leur temps et de leurs ressources humaines dans les négociations avec les industriels réalisant un chiffre d'affaires inférieur ou égal à 350 millions d'euros, pour lesquels la date butoir tombait encore plus tôt, le 15 janvier à minuit.

Le bilan de ce premier round est d'ailleurs mitigé. Les distributeurs ont obtenu de la part des plus petits industriels, à côté de quelques baisses de leurs tarifs (notamment pour les produits contenant du ou des huiles végétales), des hausses bien plus modérées que l'année dernière. Mais tous les acteurs conviennent sur un résultat global: encore une « légère inflation », qui devrait se répercuter aussi sur les prix payés par les consommateurs.

Lire: Prix alimentaires : les tarifs des industriels pourraient augmenter de plus de 2%

Les demandes des industriels pointées du doigt publiquement

Les 16 prochains jours seront donc entièrement dédiés aux négociations avec les très grands groupes qui, selon le président de l'Association nationale des industries alimentaires (Ania) Jean-Philippe André, représentent « près de 80% du chiffre d'affaires ». Avec ces acteurs, les relations seront particulièrement tendues en raison du contexte inflationniste qui axe encore davantage la concurrence entre distributeurs sur les bas prix.

La grande distribution accuse ainsi publiquement depuis des mois les multinationales de pratiquer des hausses injustifiées.

« Ce sont toujours les mêmes, ce sont des grands industriels, des grandes multinationales dont les sièges sont à l'étranger », a encore dénoncé ce matin Dominique Schelcher sur Franceinfo, en déplorant des « demandes déraisonnables » « à +10%, +8%, +12% », souvent dues selon lui à la présence d'un « interlocuteur supplémentaire: l'actionnaire, qui attend une rentabilité ».

La menace d'un déréférencement

Cette année, l'affrontement est encore plus médiatisé. Dans la tentative d'accroître sa pression sur l'ensemble des grands fournisseurs, Carrefour est allé jusqu'à annoncer le déréférencement des produits de PepsiCo (le soda, mais aussi les chips Lay's et le thé Lipton), qu'il accuse de demander des « hausses de prix inacceptables ».

« On pourrait rationaliser les assortiments (...) Si une marque nationale a 100 produits, si elle n'est pas raisonnable, peut-être que 60 produits suffiront », menaçait pour sa part le 6 janvier, dans les colonnes de Ouest France, le patron des Mousquetaires/Intermarché, Thierry Cotillard.

Système U n'exclut pas de faire pareil. « La nouveauté », c'est qu'« on a le soutien de nos consommateurs », puisque c'est pour défendre leur pouvoir d'achat, se rassurait le patron de l'enseigne sur Franceinfo.

Les distributeurs misent d'ailleurs de plus en plus sur leurs propres marques, dont ils maîtrisent davantage les prix, pour remplacer celles nationales. Pour la marque distributeur U, « le paquet de 70 couches a baissé de 1,49 euro, les spaghettis 500 grammes c'est moins 10 centimes, le café moulu, moins 27 centimes », énumère d'ailleurs Dominique Schlecher. Fin septembre, Système U constatait déjà une croissance de sa marque de distributeur de 2% en un an, pour atteindre 32% de ses ventes en supermarchés et hypermarchés.

Des marques demandées

Si les multinationales maintiennent toutefois leurs demandes de hausses, qu'elles justifient en insistant sur l'augmentation de leurs frais (certaines matières premières agricoles et industrielles, ainsi que les salaires, les taux d'intérêts etc.), c'est que leurs grandes marques nationales restent indispensables pour la grande distribution. Elles sont en effet « les plus gros pourvoyeurs de promotions, fondamentales pour attirer les clients dans les magasins », rappelle le directeur général de l'Institut de liaisons et d'études des industries de consommation (Ilec), Richard Panquiault, interrogé par La Tribune.

Sur Franceinfo, Jean-Philippe André a d'ailleurs invité les distributeurs « à accepter l'idée que, lorsque vous avez une marque installée depuis très longtemps, la négociation est plus compliquée, simplement parce que ce sont des marques qui sont demandées par les consommateurs ».

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