« L’Europe n’écoute pas les agriculteurs » (Christiane Lambert, présidente du Comité des organisations professionnelles agricoles)

ENTRETIEN - Selon l’ancienne patronne de la FNSEA, la fronde résulte d’une accumulation de mauvaises décisions.
Giulietta Gamberini
Selon l’ancienne patronne de la FNSEA, la fronde résulte d’une accumulation de mauvaises décisions.
Selon l’ancienne patronne de la FNSEA, la fronde résulte d’une accumulation de mauvaises décisions. (Crédits : Reuters)

Allemagne, Roumanie, Pologne... Les manifestations d'agriculteurs se multiplient en Europe depuis plusieurs semaines. Ont-elles des points communs ?

CHRISTIANE LAMBERT - Les éléments déclencheurs, ce sont souvent des décisions nationales, ou des conséquences locales du changement climatique : en Allemagne, des taxes sur le carburant et le machinisme ; en France, des restrictions phytosanitaires particulièrement dures ; en Irlande et aux Pays-Bas, la volonté gouvernementale de réduire les cheptels bovins ; en Italie et en Grèce, les inondations ; en Espagne, la sécheresse... Mais dans l'ensemble de l'Union européenne, depuis le Green Deal [le Pacte vert, proposé par la Commission européenne en 2019], les agriculteurs subissent la « méthode Timmermans » [du nom du premier vice-président de la Commission de l'époque], très descendante et donneuse d'ordres. On assiste à un empilement réglementaire : l'UE a voté une quinzaine de textes qui imposent de nouvelles contraintes aux agriculteurs. Cela vient s'ajouter aux conséquences de la crise sanitaire du Covid et puis de la guerre en Ukraine : les hausses des coûts de production et la perturbation des flux commerciaux, avec des pays comme la Roumanie et la Pologne inondés de blé ukrainien et d'autres, dans l'hémisphère Sud, confrontés à des famines qui engendrent des déplacements des populations vers le Nord. On est face à une déstabilisation complète, et les décideurs européens continuent d'avancer comme si de rien n'était ? L'agriculture est malade, et on continue à lui administrer des obligations supplémentaires ? C'est incompréhensible. La Commission européenne n'écoute pas les agriculteurs. Et c'est à cause de cette accumulation de mauvaises décisions que la colère explose.

Le Green Deal et les textes qui en découlent visent à promouvoir la transition écologique en agriculture. Vous n'en voulez donc pas ?

Nous ne refusons pas cette transition. Mais c'est très difficile de l'engager dans les conditions économiques actuelles, qui réduisent véritablement nos revenus et nous plongent dans l'inconnu face à la fermeture de certains marchés et à l'augmentation des importations. En plus, nous devons pouvoir produire l'alimentation nécessaire pour nourrir les Européens et les pays qui ont besoin de nos produits. Or sept études d'impact effectuées en dehors de l'UE montrent que le Green Deal fera baisser la production agricole européenne. L'Europe va donc devoir importer beaucoup plus de denrées, qui viendront de pays qui ne respectent pas nos standards et qui pèseront sur notre bilan carbone. Les prix payés par les consommateurs augmenteront, les agriculteurs ne tiendront pas face à la baisse de leurs revenus et disparaîtront. Cela affaiblira énormément l'alimentation et l'économie européennes. Nous voulons produire plus, mieux et avec moins d'impact sur l'environnement. Nous ne sommes pas contre les changements, mais pour qu'ils soient progressifs et raisonnés. Et on n'est pas antieuropéens, mais on veut une Europe qui prenne des décisions cohérentes.

Que demandez-vous concrètement ?

Nous insistons pour que toutes les décisions européennes soient fondées sur la science, ainsi que sur des études d'impact vérifiant leur compatibilité avec la souveraineté alimentaire. Elles ne peuvent pas reposer seulement sur des considérations environnementales. Nous demandons aussi l'adoption d'une nouvelle dérogation aux règles de la PAC sur les jachères, qui défendent la possibilité de produire sur 4 % de la surface agricole.

Un moratoire sur l'adoption de nouveaux textes jusqu'aux élections européennes pourrait-il calmer les esprits ?

Oui, bien sûr. Nous voudrions notamment que soit abandonné le règlement, insensé, sur la restauration de la nature, qui prévoit que 10 % des terres agricoles soient non productives. De même pour la directive sur les émissions industrielles, qui inclut l'agriculture et pénalise par exemple les élevages comptant 120 truies, alors qu'en France une exploitation moyenne en compte 200, et 400 en Allemagne ou aux Pays-Bas. Comment peut-on accepter de dire qu'une exploitation familiale dégage des émissions industrielles ?

La semaine prochaine, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lancera un « dialogue stratégique sur l'avenir de l'agriculture », impliquant l'ensemble des acteurs de l'agroalimentaire. Que comptez-vous lui dire ?

Cette volonté de dialogue est enfin la reconnaissance d'un problème de méthode. Nous allons lui demander d'écouter ceux qui font, et non pas seulement ceux qui parlent. C'est maintenant qu'il faut expliquer à la Commission européenne qu'elle va trop vite pour les agriculteurs. Le commissaire Timmermans a fait beaucoup de mal à l'Europe, mais il est parti, et il représente la minorité aujourd'hui dans son pays [les Pays-Bas]. ■

Giulietta Gamberini
Commentaires 22
à écrit le 22/01/2024 à 16:55
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Fondée en 1946, la Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA), Et depuis ,qu'ils défendent les agriculteurs ils sont passé de 4 millions à 400.000.

à écrit le 22/01/2024 à 15:29
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L'Europe n'écoute , n'aide et n'est utile à personne

à écrit le 22/01/2024 à 13:07
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Ah, "on" oublie que ceux qui sont écoutés sont les propriétaires terriens, et non les exploitants... les subventions vont vers les propriétaires, c'est comme cela que la couronne britanique a engrangé des millions sur le dos de la PAC. D'autre part, ...

le 22/01/2024 à 13:48
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complètement faux : ies subventions vont aux exploitants et non pas aux propriétaires par ailleurs de plus en plus laisés par les droits accordés aux exploitants.

à écrit le 22/01/2024 à 13:03
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Ah, "on" oublie que ceux qui sont écoutés sont les propriétaires terriens, et non les exploitants... les subventions vont vers les propriétaires, c'est comme cela que la couronne britanique a engrangé des millions sur le dos de la PAC. D'autre part, ...

à écrit le 22/01/2024 à 11:17
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Arrêtez d'assimiler l'Europe à cette coalition qu'est l'UE de Bruxelles...tout cela pour porter à confusion dans l'esprit des européens !

à écrit le 22/01/2024 à 9:29
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« L’Europe n’écoute pas les agriculteurs » Souvenir : La FNSEA, premier syndicat agricole français, appelle à voter pour une « Europe plus forte » face aux « tentations populistes ». Le Modef et la Confédération paysanne veulent « faire barrage...

à écrit le 22/01/2024 à 8:57
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Rousseau, président de la FNSEA s'appuie dans sa défense de la profession sur les petits agriculteurs, les fantassins du syndicat, lui qui est un grand producteur, (céréalier, betteravier..) et président du groupe Avril (Lesueur, Puguet, agrocarburan...

le 22/01/2024 à 9:25
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vous commencer a comprendre que les techno de bruxelles souhaite la destruction des etats en europe pour s'approprier le pouvoir comme la fait mme von der leyen sans jamais etre elus c'est ce machin qui faut detruire et refonde une europe des peu...

le 22/01/2024 à 12:58
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l'ecologie des ecolos et de mme rousseau vont ils un jour cultiver la terre pour nourir 70million de personnes non eux ne veule nourir que 3personnes et c'est encore trop

à écrit le 22/01/2024 à 8:30
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Mme Lambert me fait sourire tout comme la FNSEA ils ont tellement connus les couloirs de la politique gouvernementale qu'ils ont oublié lors de leur déambulent dans les couloirs sans fin leur demande pour valider la décision du politique de leur mini...

à écrit le 22/01/2024 à 8:14
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c est un gag. Le gros du budget de l UE est englouti dans les subventions aux amis de la FNSEA alors que les paysans representent meme pas 5% de la population de l UE. Les dernieres reglementations de la commissions ont ete videe de leur sens par le ...

à écrit le 21/01/2024 à 21:53
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La FNSEA, le relais de l'industrie agroalimentaire. Impossible de faire confiance à ses dirigeants.

le 22/01/2024 à 13:43
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Souvenir : On a appris ce soir la mort brutale de Xavier Beulin, le président de la FNSEA, premier syndicat agricole français », annonce TF1. « On a appris le décès de Xavier Beulin, président de la FNSEA, principal syndicat agricole » "il était a...

à écrit le 21/01/2024 à 19:36
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Il y a certainement des problèmes dans le monde agricole, mais comme un peu partout ailleurs. Mais cela fait 40 ans du même baratin de personnes gavées de subventions, protégés par des barrières commerciales, par la pitrerie de la LOi EGALIM, qui obl...

à écrit le 21/01/2024 à 12:31
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Bonjour, ils y a bien trops longtemps que le parlement européen est sous l'emprise du lobbies agricole... Nous aidons beaucoup trops les agriculteurs et ils faut que cela s'arrête... La cotisation de l'europe est payée par 100% des français qui t...

le 21/01/2024 à 14:33
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c'est au agriculteurs europeen d'exiger de bruxelles qu'il change d'orientation et de detruire toute importation hors de l union europeenne. en concurence avec nos produits y compris de l'ukraine

à écrit le 21/01/2024 à 11:08
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Les décrets de la commission- qui a un pouvoir que de propositions- sont valides par le conseil des ministres de l’ agriculture des pays européens et les lois sont votées par les parlementaires nationaux donc à tout ce personnel Politique national ...

à écrit le 21/01/2024 à 11:01
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Les décrets de la commission- qui a un pouvoir que de propositions- sont valides par le conseil des ministres de l’ agriculture des pays européens et les lois sont votées par les parlementaires nationaux donc à tout ce personnel. Politique national...

à écrit le 21/01/2024 à 10:49
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IL SERAIT temps de revoir les aides exagérées à l'agriculture pour mieux les cibler !!!!!exemple les gros céréaliers ,,,,,,,??? autre exemple la FNSEA qui est responsable de la difficulté des jeunes agriculteurs à s'installer la grosse GAEC tr...

le 21/01/2024 à 11:51
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La FNSEA et la courroie de transmission de tous les lobbies. Les agriculteurs traditionnels n'ont rien compris au jeu de la FNSEA qui consiste à concentrer les exploitations dans les mains des financiers.

à écrit le 21/01/2024 à 10:11
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Toujours imaginer en fond sonore d'un discours du lobby agro-industriel "la marche de l'empereur". Si vous nous empoisonnez c'est pour notre bien et ça on ne le corrompra jamais parce que nous autres on sait pas tandis que vous vous savez !. Oui mons...

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