Dans les pays en développement, les exploitations familiales, qui constituent l'essentiel du tissu agricole, sont particulièrement touchées. Or, nourrir une population mondiale croissante nous pousse à repenser nos systèmes agricoles et nos chaînes alimentaires pour les aligner sur les objectifs du développement durable.
Au cœur de cette transformation, la question du financement est cruciale. Qu'il soit public ou privé, il n'est pas la hauteur des enjeux !
Deux chiffres illustrent ces défaillances : à peine 1% des financements climat sont orientés vers l'adaptation de l'agriculture et l'atténuation de ses impacts ; en Afrique, alors que l'agriculture constitue la principale source de revenus pour près de 70% de la population, seuls 3% des crédits bancaires lui sont alloués.
Une révolution agroécologique intensive ambitieuse est urgente
Nous appelons à une transformation des agricultures basée sur l'intensification agroécologique qui génère des gains réels, non seulement pour les agriculteurs et les agricultrices, mais aussi pour l'ensemble des populations. Elle répond aux impératifs de préservation de la biodiversité et de la santé des sols tout en assurant une certaine résilience au changement climatique. Elle engendre également des avantages socio-économiques en favorisant la diversification des revenus et l'amélioration de la sécurité alimentaire et du niveau de vie des petits exploitants. Ce cercle vertueux, de la fourche à la fourchette, de l'agriculteur au consommateur, a fait ses preuves ici et là, il doit pouvoir le faire partout.
La généralisation de l'intensification agroécologique requiert des politiques agricoles et commerciales adaptées, cohérentes et équitables. Si l'on souhaite verdir les trajectoires de développement agricole dans les pays en développement, notre action ne peut se limiter à établir des règlementations européennes qui protègent les forêts ou les écosystèmes. Il faut créer des chaînes de valeurs économiquement soutenables pour les producteurs et qui ne mettent pas en danger la sécurité alimentaire des populations. L'engagement des acteurs des filières est pour cela décisif, tout autant que l'implication de la recherche et de la formation pour dépasser les impasses techniques.
Un électrochoc financier mondial pour assurer la souveraineté alimentaire
L'architecture financière internationale est aujourd'hui sous-dimensionnée pour soutenir ces transformations dans les pays en développement. Il est important de créer un mécanisme de gouvernance à l'échelle mondiale pour assurer cette juste transition agricole et alimentaire. Dans les pays en développement, les ressources financières sont elles aussi encore trop faibles. L'accès au financement agricole, à des taux abordables et adaptés aux réalités de l'agriculture durable, est vital.
L'investissement dans ce secteur est trop souvent tributaire de l'aide au développement qui, bien qu'essentielle, ne parvient pas à elle seule à libérer les potentiels agricoles des filières. La finance privée et le commerce doivent aussi être mis au service de cette impérieuse nécessité à condition d'y être incités et accompagnés pour bien gérer les risques.
Partageons les responsabilités
La transition agricole ne peut reposer sur les seules épaules des agriculteurs et des gouvernements. C'est une responsabilité partagée qui nécessite toutefois de bien définir les rôles et les engagements de chacun, mais aussi de mesurer l'impact des stratégies des acteurs privés et des politiques publiques.
Investir dans ces communautés agricoles, c'est investir dans la santé de notre planète et dans la prospérité des générations futures.
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Le chantier est immense et la Fondation FARM y consacre sa conférence internationale, placée sous le haut patronage du Président de la République, à Paris, le 13 février prochain.
(*) Catherine Migault est directrice de la Fondation FARM depuis juillet 2021. Diplômée de l'Institut de législation et d'économie rurales de la Faculté de Droit de Poitiers, elle a travaillé 10 ans à l'APCA (Assemblée Permanente des Chambres d'agriculture), puis a occupé différents postes au sein du Groupe Crédit agricole, dont celui de responsable de l'agriculture et de l'agroalimentaire à la FNCA (Fédération Nationale du Crédit agricole) entre 2009 et 2021.
Directeur scientifique de la Fondation FARM et docteur en science politique, Matthieu Brun est chercheur associé à Sciences Po Bordeaux, au sein du laboratoire "Les Afriques dans le monde" du CNRS. Il a codirigé le Déméter, ouvrage de référence sur l'alimentation, l'agriculture et la géopolitique publié annuellement par IRIS Editions, et fait partie du comité de rédaction de la revue "Confluence Méditerranée".
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