Agriculture : le pacte d'orientation ? Un flop, estiment les défenseurs de l'environnement

Selon de nombreuses ONG et organisations paysannes, le texte, qui satisfait pourtant le syndicat agricole Jeunes Agriculteurs, n'est pas à la hauteur des promesses du président de la République. Elles invitent donc le Parlement à enrichir le projet de loi.
Giulietta Gamberini
Le collectif Nourrir, qui représente une cinquantaine d'organisations, critique un manque de « cohérence générale » et des « mesures insuffisantes » par rapport aux objectifs poursuivis par le pacte: le renouvellement des générations et l'accélération de la transition agroécologique.
Le collectif Nourrir, qui représente une cinquantaine d'organisations, critique un manque de « cohérence générale » et des « mesures insuffisantes » par rapport aux objectifs poursuivis par le pacte: le renouvellement des générations et l'accélération de la transition agroécologique. (Crédits : Reuters)

Le Pacte d'orientation et d'avenir agricole, présenté ce vendredi par le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau, satisfait le syndicat agricole Jeunes Agriculteurs (JA). Ce dernier y voit une victoire de la mobilisation menée avec la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) dans les campagnes depuis plusieurs semaines.

« Ce pacte conclut bien une année de travail et de concertation, et fixe un cap jusqu'en 2026 », se réjouit Julien Rouger, membre du bureau de JA, qui salue des mesures « denses » et « structurantes ».

Cet avis est toutefois loin d'être partagé par les principales organisations paysannes et de défense de l'environnement. Elles dénoncent davantage un dispositif très décevant, par rapport aux promesses d'Emmanuel Macron en septembre 2022.

Pas de cap sur le nombre d'installations visées

Le collectif Nourrir, qui représente une cinquantaine de ces organisations, critique ainsi un manque de « cohérence générale » et des « mesures insuffisantes » par rapport aux objectifs poursuivis par le pacte - le renouvellement des générations et l'accélération de la transition agroécologique. C'est même le cas, selon le collectif, de sa mesure principale : la réforme du parcours d'installation-transmission.

« Aucun cap n'est donné sur le nombre d'installations agricoles visées chaque année », déplore ce collectif.

En septembre, à l'occasion d'une visite du salon « Terres de Jim », le ministre de l'Agriculture avait évoqué l'objectif de l'Etat : installer 150.000 nouveaux agriculteurs en dix ans. Force est de constater que le chiffre n'a pas été repris. Nourrir craint également que le guichet unique « France Services Agriculture », nouvellement créé « ne pose pas les bases nécessaires pour répondre aux besoins de tous les porteurs de projets et n'oriente pas clairement vers l'agroécologie ».

Encore, en matière de régulation foncière, « la création de groupements fonciers agricoles d'investissement risque même d'aggraver le phénomène de financiarisation et de concentration des terres agricoles », redoute le collectif. Et le futur outil de portage foncier et de capitaux « Entrepreneurs du Vivant » n'est, selon lui, pas assez fléché vers les installations agroécologiques et les profils non-issus du milieu agricole.

L'absence de la PAC

« Les mesures proposées passent à côté des enjeux essentiels », assène l'ONG Greenpeace. Elle dénonce notamment l'« affaiblissement des contentieux juridiques concernant les projets d'élevages industriels » et l'absence de toute « mesure de soutien et de développement aux élevages les plus vertueux (paysans et/ou biologiques) ». Et ce, alors même que l'élevage représente 59,6% des émissions de gaz à effet de serre du secteur agricole.

« La planification écologique présentée il y a quelques mois par le gouvernement (...) mentionnait la nécessité de réduire la consommation et la production de viande et d'orienter nos élevages vers des modèles vertueux plutôt que industriels », rappelle Greenpeace.

Lire: Bovins, porcs, poulets... L'élevage est responsable de 12% des émissions de gaz à effet de serre

Le collectif Nourrir s'insurge aussi contre les mesures analogues du pacte visant à « accélérer la mise en place des méga-bassines ». Il pointe du doigt l'absence de références à la Politique agricole commune (PAC) :

« Une révision en profondeur de sa déclinaison française, le Plan Stratégique National, serait pourtant déterminante pour installer des paysans et paysannes nombreux tout en appuyant le développement de l'agroécologie, dont l'agriculture biologique », estime le collectif.

Il appelle ainsi à un « pilotage interministériel des politiques publiques agricoles et alimentaires » et à l'« inclusion effective des parties prenantes, notamment la diversité des organisations paysannes et les organisations de la société civile ».

Appel aux députés

Enfin, les organisations environnementales et paysannes regrettent la structure même du pacte, constituée d'un projet de loi très maigre et d'une majorité de mesures qui seront adoptées par voie réglementaire, sans être soumises au débat démocratique du Parlement. Elles appellent donc les parlementaires à faire évoluer et à enrichir le contenu de la loi, qui leur sera soumise à partir de février-mars.

Leur appel risque de trouver un écho, au moins auprès des députés ayant participé au groupe de suivi de la préparation du pacte de la Commission des affaires économiques. Dans un rapport présenté le 6 décembre, ce dernier déplorait en effet « un manque d'ambition ». Il appelait à « interroger plus largement les adaptations nécessaires de notre agriculture pour assurer durablement notre souveraineté alimentaire », en abordant les questions de l'autonomie des exploitations, de la rémunération des agriculteurs, du foncier agricole voire même de l'alimentation des Français.

Giulietta Gamberini

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 3
à écrit le 16/12/2023 à 9:04
Signaler
"qui satisfait pourtant le syndicat agricole Jeunes Agriculteurs," Le CNJA, c'est pareil que la FDSEA qui est pareil que la FNSEA qui est pareil que LACTALIS qui est pareil que BAYER..

le 16/12/2023 à 10:44
Signaler
Toutes ces équivalences relèvent d’un simplisme remarquable et ignorent la complexité de ce monde !!

le 16/12/2023 à 12:24
Signaler
Plus c'est brouillon, plus c'est multiple et plus c'est difficile ensuite pour désigner un responsable.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.