Face à la colère agricole, le gouvernement repousse son projet de loi sur l'agriculture

Macronie et RN s’affrontent à distance pour répondre aux agriculteurs et marquer des points avant les européennes.
Jules Pecnard
Hier, le président du Rassemblement national, Jordan Bardella (à gauche) en visite à Queyrac (Gironde) et le Premier ministre, Gabriel Attal (à droite) interpellé par un agriculteur à Saint-Laurent-d’Agny (Rhône).
Hier, le président du Rassemblement national, Jordan Bardella (à gauche) en visite à Queyrac (Gironde) et le Premier ministre, Gabriel Attal (à droite) interpellé par un agriculteur à Saint-Laurent-d’Agny (Rhône). (Crédits : Reuters© JEFF PACHOUD / AFP)

C'est le premier champ de bataille de la campagne des élections européennes. Comme une traînée de poudre, la colère des agriculteurs du continent se propage en France, alors que le gouvernement de Gabriel Attal - où Marc Fesneau a été reconduit à l'Agriculture - prend ses marques. Multifactorielle et imprévisible, liée aux contraintes imposées par l'impératif climatique et le Green Deal européen, cette fronde relève aussi de la crise existentielle. Le chiffre est connu : en quarante ans, le nombre d'agriculteurs français a été divisé par quatre. Le mécontentement est d'autant plus surveillé par Matignon et l'Élysée qu'il ne s'appuie pas - pour l'instant - sur des revendications précises. Très remontée, la base syndicale mène la danse, notamment en Occitanie. Selon la présidente socialiste du conseil régional, Carole Delga, ce ras-le-bol généralisé illustre avant tout « la misère que connaissent nos campagnes ».

Lire aussiLa grogne des agriculteurs monte à un mois du Salon de l'agriculture

Autour d'Emmanuel Macron, l'effet tache d'huile du mouvement des Gilets jaunes, il y a cinq ans, a laissé un souvenir vivace. Dans sa conférence de presse du 16 janvier, le président de la République a mentionné le secteur agricole, promettant d'« accroître » son « accompagnement » dans les prochains mois. Vendredi, il a demandé aux préfets « d'aller dès ce weekend à la rencontre des agriculteurs et de leurs organisations représentatives ». Quant au ministre Marc Fesneau, dont le portefeuille inclut toujours la Souveraineté alimentaire, il s'est rendu hier dans le Cher. Derrière ce déplacement chez un éleveur laitier, il y a la volonté d'offrir de premières réponses sur le terrain, d'afficher une présence, de montrer que l'exécutif ne tarde pas à s'attaquer au sujet. Celui-ci opère néanmoins un premier repli stratégique : la présentation en Conseil des ministres du projet de loi sur le « renouvellement des générations en agriculture », initialement prévue le 24 janvier, est reportée au mois de mars, selon nos informations.

Au Rassemblement national, cela fait des mois qu'on surveille la température rurale. À l'instar des différents mouvements européens d'extrême droite, qui capitalisent sur le déclassement paysan, le parti de Jordan Bardella veut saisir la balle au bond pour marquer des points dans l'opinion en vue du scrutin du 9 juin. L'objectif stratégique, que nous résume le député RN Jean-Philippe Tanguy, est clair : « Il faut parler à la France des actifs pour abattre le mur des boomers. » L'électorat agricole est résiduel mais comporte une charge symbolique puissante. D'où l'offensive de ce week-end. Comme Marc Fesneau, le président du RN a effectué un déplacement thématique en Gironde, dans un élevage à Queyrac. Il s'est payé le luxe d'une intervention au 13 Heures de TF1, qui attire plusieurs millions de téléspectateurs. L'opération, dans les tuyaux depuis une dizaine de jours, a été coordonnée avec les députés du cru, Edwige Diaz et Grégoire de Fournas, référent du RN sur les sujets agricoles. « C'était une demande du cabinet de Jordan, explique le parlementaire du Médoc à La Tribune Dimanche. On n'a ni à organiser les manifestations, ni à souffler sur les braises. Il faut arrêter de confronter les agriculteurs au libre-échange, aux normes environnementales et à la feuille de route décroissante de la Commission européenne. »

Premier repli stratégique : le projet de loi sur l'agriculture est reporté au mois de mars

Les semaines qui nous séparent du Salon de l'agriculture, qui ouvrira ses portes le 24 février, s'annoncent cruciales. On se toise les uns les autres. Nommé Premier ministre le 9 janvier, Gabriel Attal doit gérer sa première crise, nourrie par des phénomènes climatiques extrêmes comme la sécheresse ou les récentes inondations dans le Pas-de-Calais. Parti hier à la rencontre d'habitants du Rhône, le locataire de Matignon a déclaré qu'il fallait « garantir » que la profession puisse vivre de son travail et défendu la simplification des procédures administratives. Lundi, il recevra les représentants de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs, syndicats alliés du gouvernement. Du côté du RN, on a appris la leçon des Gilets jaunes, mouvement qui a apporté des dividendes électoraux aux nationalistes mais qui a aussi permis aux macronistes de s'afficher en « parti de l'ordre ». Et, ainsi, de réduire l'écart avec Jordan Bardella lors des européennes de 2019.

L'AGRICULTURE EN CHIFFRES

390 000

Nombre d'exploitations agricoles en France métropolitaine en 2020. Soit 20 % de moins en dix ans.

43 487 euros

Revenu moyen brut des agriculteurs français selon la Commission européenne. La moyenne de l'UE est de 28 786 euros.

51,4 ans

Âge moyen des dirigeants des exploitations.

3 %

Recul du prix des produits agricoles à la production (IPPAP) entre 2022 et 2023.

Jules Pecnard
Commentaires 21
à écrit le 22/01/2024 à 23:06
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@o. Par autarcie, je fais référence à sa propre expérience d'entreprise personnelle (production/transformation/élaboration d'un bien/produit) menée dans le contexte d'un circuit économique à la Robinson Crusoé (sans échange transactionnel et sans con...

à écrit le 22/01/2024 à 11:36
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C'est curieux ces politiques, dès qu'ils s'occupent d'un secteur , il le détruise. L'immobilier sous Macron , la catastrophe , l'agriculture notre fleuron à l'agonie , ne parlons pas de l'école , de la justice, des hôpitaux et la liste est loin d'êtr...

à écrit le 22/01/2024 à 9:22
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les etats socialistes n'arretent les betises que quand ils sentent un peu le vent tourner....les gens sont ulceres de ce qu'il se passe, alors on va bien rire aux europeennes , avec tous ces gauchistes qui ne comprendront pas le vote ( lie a la haine...

à écrit le 22/01/2024 à 7:39
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Photo: C'est ça ce qu'ils appellent leurs challenges, se confronter faussement à la population avec des questions réponses déjà étudiées et traitées. Quand on est peu on peut peu et on se glorifie de pas grand chose. Qui pour nous sortir de ce cauche...

à écrit le 22/01/2024 à 7:24
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Et pourtant, l'on voit à la télévision un agriculteur posé devant un énorme tracteur neuf de plusieurs milliers d'euros et portant un pull LACOSTE, exprimer sa détresse économique. Et pourtant on voit des fermes à plusieurs millions d'euros toujours...

le 22/01/2024 à 16:44
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" un énorme tracteur neuf de plusieurs milliers d'euros" Généralement un Fergusson américain acheté avec les aides de la PAC.

à écrit le 21/01/2024 à 18:32
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Comme tous les technocrates qui ne sortent pas des bureaux parisiens ces gens déconnectés de la réalité et qui n'ont pas su depuis des décennies organiser le monde rurales pour qu'il soit viable sont terrorisés par le rapport de force et les ...

à écrit le 21/01/2024 à 17:14
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la difficile installation des petits agriculteurs est surtout due aux gros agriculteurs trop subventionnés qui accaparent toutes les bonnes terre du quartier .ET ONT LE CULOT DE DIRE qu'ils vivent avec le smic

à écrit le 21/01/2024 à 16:13
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Les petits agriculteurs n'ont aucune chance de survie depuis des années. Si elles existent encore, c'est uniquement grâce aux subventions de l'ue (la France, le plus gros benificiant des subventions didie a l'agriculture). Vendez vos champs et inscri...

à écrit le 21/01/2024 à 15:08
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Si c'est suivre les directives de Bruxelles, le gouvernement a bien raison de reporter son projet de loi si.. elle ne veut pas envenimer la situation !

à écrit le 21/01/2024 à 13:44
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Ben voyons @Gilou, les déviances perverses (néolibérales) de tout un système économique seraient à présent imputables aux agriculteurs et tellement facilement contournables? Aïe, aïe, aïe le niveau de la "franchouillardise"! Arrêtons-nous d'abord sur...

le 22/01/2024 à 18:16
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L'expérience d'Andy George n'est pas de l'autarcie, mais de l'auto-consommation. L'autarcie s'inscrit dans un cadre plus large, en particulier en cas d'imminence d'un conflit armé... Les vastes programmes allemands de production d'essence ou de caout...

le 22/01/2024 à 22:40
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@o. Par autarcie, je fais référence à sa propre expérience d'entreprise personnelle (production/transformation/élaboration d'un bien) menée dans le contexte d'un circuit économique à la Robinson Crusoé (sans échange transactionnel et sans contrainte ...

à écrit le 21/01/2024 à 11:19
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Recul de 3 % des prix agricoles .. c est drôle moi j ai constaté en bout de chaîne une augmentation de 10-15% d’ 1 an sur les produits laitiers, la viiande ou les produits issus des céréales .. quels intermédiaires ont empoché la diff? Les agriculteu...

à écrit le 21/01/2024 à 11:18
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Recul de 3 % des prix agricoles .. c est drôle moi j ai constaté en bout de chaîne une augmentation de 20-15% sur les produits laitiers, la vie de ou les produits issus des céréales .. quels intermédiaires ont empoché la diff? Les agriculteurs n ont ...

à écrit le 21/01/2024 à 10:36
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Les agriculteurs, chefs d'entreprise, ont toujours de bonnes raisons pour, à intervalles réguliers, justifier leur colère en s'appuyant notamment sur la situation des petites exploitations qu'ils rêvent de récupérer pour s'agrandir. Sans parler de la...

à écrit le 21/01/2024 à 10:15
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Photo: C'est ça ce qu'ils appellent leurs challenges, se confronter faussement à la population avec des questions réponses déjà étudiées et traitées. Quand on est peu on peut peu et on se glorifie de pas grand chose. Qui pour nous sortir de ce cauche...

le 21/01/2024 à 10:45
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On attend avec impatience vos propositions ! Que dit Nietzsche sur l agriculture ?

à écrit le 21/01/2024 à 9:54
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Si notre Président avait compris l’état d’esprit des français, il aurait décrété la pause du l’interventionnisme étatique sur nombre de dossiers, car destructeur! Que l’état ne se mêle plus de vouloir changer les pratiques agricoles, avec à sa tête u...

à écrit le 21/01/2024 à 9:33
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"la colère des agriculteurs du continent se propage en France" Il a quand même fallu attendre près de deux semaines pour que les médias français intéressent à ce qu'il se passait en Allemagne.

à écrit le 21/01/2024 à 8:47
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Nos dirigeants sont faibles.

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