"Gilets jaunes" : "Il est urgent de faire des propositions beaucoup plus fortes" (Christophe Bouillon, APVF)

Par Propos recueillis par César Armand  |   |  852  mots
Christophe Bouillon, député (PS) de la 5ème circonscription de Seine-Maritime, est président de l'association des petites villes de France (APVF). (Crédits : DR)
Le président (PS) de l'association des petites villes de France (APVF) pointe une "vraie crise de confiance" et soulève la question de l'ISF comme le symbole "d'une profonde injustice". Christophe Bouillon propose que les cahiers de doléances des gilets jaunes puissent être déposés en mairie.

LA TRIBUNE - Comment réagissez-vous aux annonces du Premier ministre ?

CHRISTOPHE BOUILLON - Enfin ! Pour l'instant, c'est un moratoire. C'est une bonne nouvelle pour le porte-monnaie, mais la question de l'ISF demeure assez forte, les gens ayant le sentiment d'une profonde injustice. Même si des propositions ont été faites, il y a une vraie crise de confiance. Je ne suis pas sûr que cela calme dans l'immédiat cette colère. Il y a urgence à remplir le vide de ces six mois perdus avec des propositions beaucoup plus fortes. Nous sommes disponibles pour agir.

Déjà la semaine dernière lorsque nous avons rencontré le Premier ministre, il nous a demandé de réagir et d'imaginer des sorties de crise. Nous lui avons dit que la transition énergétique se faisait dans les territoires, les maires s'étant pleinement investis dans les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV). Nous demandons par exemple un véritable soutien à la rénovation énergétique des bâtiments.
Nous lui avons également demandé d'être original et inédit dans sa réponse en faisant un geste fort après tant de retard et de crispation. Qu'il y ait des engagements dans les territoires, et pas de mesure administrative comme nous en avons l'habitude. Quand Édouard Philippe est venu à nos assises à Autun en mai dernier, nous l'avons alerté sur la question de la métropolisation. Les habitants qui se sont installés dans nos villes pour gagner en qualité de vie se sentent pris au piège et aimeraient que le droit à la mobilité soit renforcé.

La loi d'orientation des mobilités va donner
davantage de pouvoir aux collectivités...

Nous avons participé aux Assises organisées par la ministre des Transports Élisabeth Borne et nous sommes intéressés par sa volonté de résorber les zones blanches. Elle évoque certes les besoins de mobilité, mais elle n'a pas conscience que les transports ne se trouvent pas toujours dans le périmètre stricto sensu des intercommunalités. Chez moi en Seine-Maritime, vous vous avez des ruptures et cela ne correspond pas forcément aux déplacements pendulaires.

Nous avons déjà exprimé cette inquiétude : qui va payer ? Nous ne pouvons pas en effet appliquer les mêmes recettes que dans les grandes villes, n'ayant pas les mêmes capacités dans nos territoires ruraux et périurbains. Réinvestissons la question des petites lignes ferroviaires comme alternative à la voiture au regard de ce qui se passe aujourd'hui. Revoyons les discours d'analyse comptable tout faits et regardons les logiques de rabattement qui peuvent exister.

Selon une étude que nous avons réalisée récemment avec la Banque postale, la croissance de la population se fait dans nos petites villes. 25 millions des Français (37% de l'ensemble) y habitent aujourd'hui. Nous sommes heureux de voir nos communes de la France périphérique et rurale se repeupler, mais les services publics, les usines, les bureaux, les écoles déménagent. C'est pourquoi nous proposons d'instaurer le 1% métropole, nos territoires contribuant à leur richesse. Ce pourcentage de recettes de la fiscalité économique pourrait être réinvesti dans les infrastructures.

Qu'en pense le secrétaire d'État à l'Action et aux Comptes publics Olivier Dussopt, ancien président de votre association, qui prépare un projet de loi sur la fiscalité locale pour le premier semestre 2019 ?

J'imagine qu'il en pense le plus grand bien, moi-même lui ayant succédé après cette proposition. L'idée a de même été déjà défendue au Sénat par notre secrétaire général, Loïc Hervé, élu (UDI) de Haute-Savoie. Beaucoup de salariés des métropoles vivent dans les territoires alentour et cette proposition a le mérite d'adresser un message positif tant aux métropoles qu'à nos petites villes. Nous faciliterions la mobilité dans les deux cas tout en sortant de l'idée d'une dotation de fonctionnement.

Par ailleurs, si nous applaudissons le programme Action cœur de ville, qui vise à revitaliser les centres-bourgs, la sélection de 222 villes moyennes nous paraît loin du compte. Il y a trois semaines, nous avons donc demandé à la ministre de la Cohésion des territoires Jacqueline Gourault et au ministre des Collectivités territoires Sébastien Lecornu de revoir leur copie et d'étendre le plan à l'ensemble des territoires concernés par cette situation.

Le président de la République devait vous recevoir hier soir avec les autres présidents d'associations d'élus, mais a de nouveau annulé...

C'est la quatrième fois que c'est reporté ! Cela aurait pu être pertinent d'aller chercher des solutions opérantes auprès des collectivités. Avec l'association des maires ruraux (AMRF), nous avons d'ailleurs proposé que les cahiers de doléances des gilets jaunes puissent être déposés en mairie pour que nous les fassions remonter. Nous pouvons comprendre que le président de la République joue la parole rare, mais toute la famille était là ! Il aurait pu s'adresser aux représentants de 500.000 élus...

Propos recueillis par César Armand