Hausse des prix des carburants : les Français touchés au porte-monnaie

Par Grégoire Normand  |   |  1173  mots
Interrogés sur la hausse des prix du carburant depuis le début de l’année 2018, 43% des Français déclarent qu’elle a eu un impact important sur leur situation financière et 40% un impact modéré alors que pour 17%, elle n’a pas eu d’impact. (Crédits : ERIC GAILLARD)
[Sondage] Le dernier baromètre BVA-La Tribune indique que 83% des Français ont ressenti un impact sur leur situation financière après l'augmentation des prix à la pompe. Or, la politique fiscale menée par le gouvernement pourrait encore venir alimenter le mécontentement.

La flambée des prix des carburants passe mal. Selon le dernier baromètre BVA, 83% des interrogés indiquent que les hausses des prix des carburants intervenues en 2018 ont eu un impact sur leur situation financière. Les plus modestes ont d'ailleurs le sentiment d'être les plus touchés par cette montée des prix. Confronté à une grogne grandissante, Emmanuel Macron a évoqué ce mardi des pistes pour améliorer le chèque énergie et une extension à l'ensemble des Français de l'aide aux transports instaurée dans la régions Hauts-de-France. Pour l'exécutif qui tente de déminer le terrain, les difficultés s'accumulent en cette fin d'année. Au plus bas dans les sondages, Emmanuel Macron tente de redorer son image durant son périple dédié à la commémoration du centenaire de la fin de la Première Guerre Mondiale. Mais cette opération de séduction est loin de faire l'unanimité.

Lors de son déplacement à Charleville-Mézières ce mercredi, il a été interpellé sur la question du prix des carburants. "Je sais qu'il y a des gens qui râlent. Je tiendrai bon", a-t-il réaffirmé face aux remarques. Le Président de la République a également suscité une polémique en faisant référence au maréchal Pétain. "Le maréchal Pétain a été pendant la Première Guerre mondiale un grand soldat, c'est une réalité de notre pays, c'est aussi ce qui fait que la vie politique, comme l'humaine nature, sont parfois plus complexes que ce qu'on pourrait croire, on peut avoir été un grand soldat et avoir conduit à des choix funestes durant la Deuxième Guerre mondiale."

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Par ailleurs, la croissance économique plombée par une consommation en berne au cours du premier semestre est très loin d'avoir retrouvé son rythme de 2017. La hausse de la fiscalité sur les carburants pourrait encore diminuer le pouvoir d'achat des foyers à bas revenus et ralentir ainsi la croissance.

Le budget des Français sous pression

Aussi, l'exaspération grimpe chez les Français. Selon les derniers résultats de l'enquête, 43% des interrogés déclarent que la hausse des carburants a eu un impact important sur leur situation financière et 40% un impact modéré sur leur portefeuille alors que pour 17%, elle n'a pas eu de conséquences. Par catégorie socioprofessionnelle, ce sont les employés et les ouvriers (60%) qui se sentent les plus touchés parmi ceux qui expriment un impact important.

Du côté des retraités, ils sont 30% à exprimer un tel sort. Enfin, ce sont les cadres (30%) qui semblent le moins touchés par ces augmentations. Des disparités apparaissent également en fonction du lieu de résidence. En effet, 56% des répondants déclarent avoir subi un impact significatif dans les communes rurales contre seulement 21% en région parisienne. L'enjeu ne se limite pas forcément à la hausse du prix des carburants. En effet, cette politique fiscale pourrait contribuer à creuser les inégalités sociales et territoriales.

Des mesures peu justifiées

Depuis plusieurs jours, le gouvernement multiplie les efforts pour justifier l'accroissement de la fiscalité des carburants à commencer par le Premier ministre. Lors d'un déplacement au Vietnam le week-end dernier, Edouard Philippe a ainsi déclaré :

"J'entends parfaitement la grogne, le mécontentement parfois, la colère aussi qui peut s'exprimer, mais je dis aujourd'hui comme je l'ai toujours dit qu'il n'y a pas de solution magique au problème du dérèglement climatique [...] "Il faut pouvoir inciter nos concitoyens à changer un certain nombre de comportements qui sont problématiques du point de vue des équilibres environnementaux."

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Mais les efforts du gouvernement semblent peu efficaces. Pour 76% des Français, les récentes hausses des prix du carburant ne sont pas justifiées par l'enjeu écologique. A l'inverse, seuls 23% des Français jugent que les récentes augmentations sont nécessaires pour lutter contre le réchauffement climatique.

La volonté du gouvernement de modifier le comportement des Français par une hausse de la fiscalité sur le carburant semble mal engagée, surtout si ces mesures ne s'accompagnent pas d'offre supplémentaire de transports collectifs dans des zones rurales par exemple. S'il faut rappeler que la grande majorité de la hausse des prix des carburants est liée à la montée des prix du pétrole, l'acceptation sociale d'une pression fiscale plus lourde dépend en partie des contreparties proposées par l'exécutif.

Des réactions mitigées aux mesures proposées

Face à la montée des critiques, Emmanuel Macron a multipliés les annonces relatives aux aides pour les travailleurs contraints de prendre leur voiture. Mais ces mesures semblent avoir reçu un accueil mitigé chez les personnes interrogées. En effet, 46% jugent qu'elles vont plutôt dans le bon sens et 52% qu'elles vont dans le mauvais sens.

"Signe probablement de fortes attentes de ces populations sur ce sujet, 56% des ruraux, 58% des employés et ouvriers et 60% des membres de foyers à bas revenus (inférieurs à 1.500 euros mensuels) jugent que cette mesure va plutôt dans le mauvais sens" souligne l'institut de sondages.

Une majorité des Français approuvent l"initiative des gilets jaunes

Né sur la toile, ce mouvement ne cesse de gagner de l'audience sur les réseaux sociaux même s'il n'est pas clairement défini. D'après les résultats du baromètre, 68% des personnes interrogées approuvent les gilets jaunes. BVA ajoute que "le mouvement des "gilets jaunes" semble disposer de plus de crédit que celui des "Bonnets rouges" : 57% des Français souhaitaient les voir s'arrêter de manifester au lendemain de la première manifestation du mouvement à Quimper (sondage BVA pour le Parisien et iTélé, novembre 2013)."

Au niveau politique, cette mobilisation est plus soutenue par les forces de droite et d'extrême-droite. Les sympathisants Les Républicains (LR) et ceux du Rassemblement national (RN) sont respectivement 84% et 79% à encourager les gilets jaunes. A l'aile gauche, les forces de soutien sont loin d'être négligeables (73% chez les sympathisants de la France insoumise et 61% au PS). Sur l'ensemble des citoyens interrogés 42% indiquent qu'ils ont l'intention de participer à la mobilisation du 17 novembre prochain qui a prévu notamment de bloquer quelques grands axes routiers.

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Méthode : enquête réalisée auprès d'un échantillon de Français interrogés par Internet du 06 au 07 novembre 2018. Elle est basée sur un échantillon de 1.094 personnes, représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l'échantillon a été assurée grâce à la méthode des quotas appliquée aux variables suivantes : sexe, âge, CSP du chef de famille et de la personne interrogée, après stratification par région et catégorie d'agglomération.