Investissements étrangers : "C'est le plus haut niveau historique"

Par Grégoire Normand  |   |  1066  mots
Christophe Lecourtier, directeur général de Business France. (Crédits : DR)
INTERVIEW. 1.323 décisions d'investissements étrangers ont été recensées en France l'année dernière, contre 1.297 en 2017. Pour le directeur général de Business France, Christophe Lecourtier, ce record s'explique en partie par un bond spectaculaire des investissements britanniques (+33%). En revanche, l'Allemagne recule dans le dernier classement établi par l'agence publique.

LA TRIBUNE - Quels sont les principaux enseignements du dernier bilan des investissements internationaux en France ?

CHRISTOPHE LECOURTIER - Le premier enseignement est que la dynamique rencontrée en 2017 se poursuit en 2018. Plus de projets ont été enregistrés l'année dernière. C'est le plus haut niveau historique en termes de projets. Toutes ces décisions servent avant tout à créer des emplois dans les territoires.

D'où viennent les investissements étrangers ?

Les trois pays sur le podium sont les États-Unis, l'Allemagne et la Grande-Bretagne. La puissance américaine est numéro un pour la seconde année consécutive au moment où le président américain veut ramener des capitaux et les investissements aux États-Unis.

La seconde place de l'Allemagne n'est pas vraiment une surprise. C'est un partenaire proche et très régulier, mais elle a baissé en termes de projets parce que l'Allemagne est dans une situation moins bonne en 2018 qu'auparavant. La croissance s'essouffle et l'Allemagne est moins dans le développement international. Elle reste néanmoins très forte dans les investissements industriels réalisés en France. Elle continue à investir dans les régions limitrophes comme le Grand-Est ou les Hauts-de-France.

La nouveauté est l'arrivée de la Grande-Bretagne sur la troisième marche du podium. Elle a doublé l'Italie qui se plaçait traditionnellement en troisième position. L'essentiel des investissements qui proviennent de Grande-Bretagne en 2018 sont des investissements dans le secteur financier.

Quelles sont principales régions bénéficiaires de ces investissements ?

Il y a quatre ans, 4 investissements étrangers sur 10 allaient dans la région Ile-de-France. Il y avait une forte polarisation. Cette tendance n'est pas inversée, mais il y a un rééquilibrage. 30% bénéficient à la région francilienne et le reste irrigue deux principaux types de territoires. Ce sont d'abord les grandes métropoles régionales qui en profitent comme Bordeaux, Nantes, Lyon. Elles apparaissent à l'échelle internationale comme des pôles de dynamisme économique.

En bas de l'échelle, 4 projets sur 10 vont dans des communes inférieures à 20.000 habitants. La question est de savoir si ce phénomène va durer. La vitalité économique des territoires est devenue un sujet de préoccupation pour beaucoup de Français. L'enjeu est de mieux équiper et structurer nos territoires. Les investissements étrangers peuvent permettre de mieux rééquilibrer la croissance économique et l'emploi en France.

Comment expliquez-vous la baisse des emplois dans vos résultats ?

Il faut distinguer les emplois créés et les emplois maintenus dans notre bilan. Il y a 5% d'emplois créés supplémentaires par rapport à 2017. Ce sont 27.000 nouveaux emplois créés grâce à des investissements étrangers. C'est une croissance assez forte. Les emplois maintenus correspondent à des emplois soutenus grâce à des investissements étrangers. Si on regarde spécifiquement les emplois créés, ils sont en augmentation. Les emplois maintenus peuvent dépendre de grandes opérations ponctuelles comme un rachat d'une société française importante. Il y a eu moins de rachats de sites en 2018.

Les États-Unis restent sur la première marche du podium alors que le président américain tient un discours protectionniste. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

Les États-Unis restent avant tout un pays libéral. Contrairement à d'autres puissances économiques, les entreprises américaines ne choisissent pas forcément de suivre les orientations du chef de l'État.

Le Brexit pourrait-il avoir un impact favorable pour l'économie française ?

Le scénario d'un Brexit sans accord ne ferait que des perdants. Il y a une option qui reste à construire. La France sait qu'elle va perdre en termes d'exportations. L'économie française profite néanmoins de cette situation. Une partie des activités va devoir se relocaliser sur le continent. La France a beaucoup d'atouts à faire valoir. Les 33% de projets britanniques d'investissements supplémentaires en France montrent que cette relocalisation est déjà une réalité. Ces décisions se traduisent dans les créations d'emplois. A terme, l'essentiel est d'aboutir à un projet qui serait gagnant-gagnant. Dans cette phase transitoire, l'objectif est d'accueillir des projets contraints de quitter la Grande-Bretagne.

Le ralentissement des grandes économies européennes a-t-il eu des répercussions sur les investissements étrangers en France ?

L'Allemagne était le premier investisseur étranger en 2016 en France. La situation économique et la conjoncture ont sans doute contribué à diminuer le nombre de projets à l'international. En parallèle, il y a un nombre grandissant d'entreprises françaises qui investissent en Allemagne. Même si cela n'a pas toujours d'effets positifs, la France est dans une situation de profiter des difficultés. L'Allemagne est probablement dans la fin d'un cycle économique lancé par les réformes de l'ancien chancelier Gerhard Schröder il y a une vingtaine d'années. La fin du diesel, les problèmes de main d'oeuvre ont contribué à ces difficultés. L'Espagne n'arrive pas à se sortir de la crise catalane. Cette crise devrait miner le pays pendant très longtemps. L'Italie est aux mains des populistes et il va être difficile pour la péninsule de s'en sortir indemne.

Après quatre mois de mobilisations des "gilets jaunes", plusieurs responsables politiques et économiques ont exprimé des craintes pour l'image de la France.  La publication de vos résultats tend à relativiser ces craintes. Comment interprétez-vous cette confirmation de l'attractivité de la France ?

L'enjeu du mouvement social des "gilets jaunes" est de faire de la sortie de crise un atout. Il faut tenir le cap des réformes tout en étant plus inclusif. Il faut un agenda de réformes plus équilibré pour avoir un soutien plus large des Français. Nous avons beaucoup interrogé les investisseurs pour l'événement "Choose France" organisé à Versailles. Nous avons pu comparer leur 'état d'esprit en octobre avant le début des "gilets jaunes" et en janvier. Ce n'est pas tellement les mouvements dans la rue qui interpellent les investisseurs. Ce qui les intéresse surtout est la confirmation des grandes orientations favorables à l'environnement des affaires et des réformes qui permettront de ressouder la nation. Les situations dans les différents pays européens révèlent les mêmes divisions, entre les perdants de la mondialisation et les gagnants. Le Brexit est par exemple un vote contre les élites. Les "gilets jaunes" sont un symptôme de ces divisions.

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