La facture du compte pénibilité grimperait à 1,7 milliard d'euros en 2030

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  784  mots
Selon COE-Rexecode, 3,3 millions de salariés pourraient être concernés par le dispositif "compte pénibilité".
Une étude réalisée par l'institut COE-Rexecode estime que le dispositif du compte pénibilité est sous-financé. Pour y remédier les cotisations des entreprises vont devoir augmenter, ce qui pourrait entraîner la perte de 100.000 emplois.

600 millions d'euros en 2020, puis 1,7 milliard d'euros en 2030 et, enfin,... 6,3 milliards d'euros en 2060. Tels seront les besoins de financement du dispositif « compte personnel de prévention de la pénibilité » (CP) qui va prendre son envol définitif à compter du 1er juillet prochain. Ces estimations, réalisées par l'institut COE-Rexecode, proche du patronat, sont assez similaires de l'évaluation réalisée par le gouvernement au moment du vote de la loi instituant le CP en janvier 2014.

Rappelons que le « fonds pénibilité » sera alimenté par des cotisations patronales qui serviront à financer des nouveaux droits (formation professionnelle, réduction du temps de travail, départ anticipé à la retraite) pour les salariés exposés à des conditions de travail pénibles. Un dispositif dont la complexité et le coût sont dénoncés de façon récurrente par les organisations patronales.


3,3 millions de salariés concernés

Mais COE-Rexecode reconnaît qu'il est très difficile d'évaluer le nombre de salariés qui seront potentiellement concernés par le dispositif. L'Institut s'est fondé sur des données de la Dares (services statistiques du ministère du Travail) et sur des constats partagés par les fédérations professionnelles. Sur ces bases, le nombre des poste « pénibles » est estimé à 3,3 millions, dont 75% sont exposés à un seul facteur de pénibilité et 25% à plusieurs. Rappelons que la loi a défini un total de dix facteurs de pénibilité : bruit, postures pénibles, vibrations, manutention de charges, etc.

Bien entendu, si ce nombre de salariés potentiellement concernés s'avère sous-évalué, alors le coût du compte pénibilité sera, in fine, sensiblement plus élevé. Par exemple, hypothèse extrême, si, finalement, le rapport "mono-exposés/ poly-exposés" est entièrement inversé (25%/75%), alors la charge financière pour la pénibilité atteindra 8,1 milliards d'euros en 2060. Et si le nombre des salariés concernés atteignait finalement le double, soit 6,6 millions, alors le cout monterait à ... 12,5 milliards d'euros.

Un dispositif financé à hauteur de 270 millions d'euros seulement


Dans ce contexte, COE-Rexecode estime que les cotisations patronales qui vont alimenter le fonds dédié au CP seront insuffisantes pour financer la montée en charge prévue. Ces cotisations ne procureraient en effet que 270 millions d'euros de recettes annuelles. Rappelons, que les entreprises seront assujetties à compter de 2017 à deux nouvelles cotisations. Une cotisation spécifique aux emplois pénibles (quand il y en a) égale à 0,2% du salaire brut d'un salarié soumis à un seul risque et à 0,4% pour les poly-exposés. L'autre cotisation « de solidarité » est forfaitaire (payée par toutes les entreprises), elle sera égale à 0,01% de la masse salariale brute.

Dans ces conditions, COE- Rexecode, estime qu'il n'y aura pas d'autres choix que "d'augmenter significativement" les cotisations pour "financer les nouveaux droits". Les taux des cotisations.... en 2040 pour les salariés exposés devraient ainsi être respectivement portés à 3,05% et 6,1% pour équilibrer le mécanisme. A long terme, en 2060, les taux devraient même respectivement monter à 5,8% et 11,6%. Précisons qu'il ne s'agit que de projections. Même si les organisations patronales ne vont pas manquer de les utiliser dans leur combat contre le compte pénibilité. Mais on peut aussi imaginer que sur 20 ou 40 ans, il y aura au contraire moins de métiers pénibles, grâce à l'automatisation, la numérisation... et les progrès dans l'amélioration des conditions de travail. Il n'empêche, COE-Rexecode privilégiant le scénario pessimiste alerte déjà des conséquences sur l'emploi qu'entrainera une telle hausse des cotisations :

« Le financement du compte pénibilité pèsera de façon croissante sur le coût du travail et la compétitivité des entreprises (...). La hausse des cotisations sur les emplois pénibles se traduirait par des pertes croissantes d'emplois, qui seraient de l'ordre de 100.000 postes à long terme par rapport à une situation sans dispositif pénibilité ».

Privilégier la prévention

Rappelons-le, il ne s'agit que de projections basées sur un scénario très noir et de très long terme... Pour réduire plus efficacement la pénibilité, Coe-Rexecode estime qu'une partie des sommes consacrées au financement du dispositif pourrait être plus utilement dédiée
à la prévention de la pénibilité et à l'amélioration des conditions de travail, en développant la recherche en ergonomie et en encourageant les entreprises à adopter des techniques de production plus économes en travail pénible.

Certes, mais actuellement rien n'empêche les branches professionnelles de mener un tel travail et de se doter d'organismes capables d'aider les entreprises à améliorer les conditions de travail. D'ailleurs, certaines le font, telles les Fédération française du bâtiment et Fédération des travaux publics, avec l'OPPBTP.