Compte pénibilité : la CGPME ne désarme pas et dénonce les effets pervers

La CGPME ne désarme pas. L'organisation patronale continue de demander au gouvernement de faire marche arrière sur le compte pénibilité partiellement instauré depuis le 1er janvier. Un dispositif qu'elle juge inutile et fastidieux.
Jean-Christophe Chanut
Depuis le 1er janvier, chaque salarié dispose d'un compte pénibilité lui donnant des points en cas d'exposition. Un dispositif jugé fastidieux par le patronat

La CGPME est décidée à ne pas lâcher le morceau sur le compte pénibilité mis partiellement en place depuis le 1er janvier dernier. L'organisation patronale continue de crier à « l'usine à gaz » inapplicable dans les TPE/PME.

Le nouveau président de la CGPME, François Asselin, fait même de ce dossier l'un de ses chevaux de bataille. Il attend beaucoup de la mission de simplification confiée début janvier par le Premier ministre à Christophe Sirugue (député PS) et à Gérard Huot (chef d'entreprise) qui doit rendre des conclusions en juin censées répondre « aux inquiétudes exprimées par beaucoup de chefs d'entreprise quant à la mise en oeuvre progressive  du compte".
Pour Manuel Valls, cette mission permettra «de formuler des propositions de simplification du dispositif, de sécurisation juridique pour prévenir d'éventuelles sources de contentieux et d'articulation avec les actions de prévention des entreprises"

Quatre facteurs de pénibilité pris en compte en 2015, six autres en 2016

Rappelons que le compte pénibilité a été acté par la loi de janvier 2014 réformant les retraites. Depuis le 1er janvier 2015, chaque salarié dispose d'un compte pénibilité pour mesurer son degré d'exposition à un risque professionnel. Dans un premier temps, quatre facteurs sont retenus : travail de nuit, travail en équipes successives alternantes, travail répétitif et travail en milieu hyperbare. Puis, en 2016, six autres facteurs seront également pris en compte : manutentions manuelles, postures pénibles, vibrations mécaniques, agents chimiques, températures extrêmes ou nuisances sonores.

Les salariés exposés à ces facteurs d'une façon durable accumuleront des points qui leur donneront droit, après avoir dépassé un certain nombre de points, soit à une action de formation pour accéder à un emploi moins exposé, soit à un passage à temps partiel sans baisse de rémunération, soit, surtout, à un départ anticipé à la retraite. Concrètement, les salariés exposés pendant une année complète à un seul de ces facteurs obtiennent 4 points, et ceux exposés à plusieurs facteurs, 8 points. Concernant les salariés dont le contrat commence ou se termine pendant l'année civile, ils obtiennent, par trimestre, 1 point en cas d'exposition à un seul facteur ou 2 points face à plusieurs facteurs.
François Asselin, lui-même chef d'entreprise dans le bâtiment, ne décolère pas :

« C'est ingérable, il aurait suffi de faire une étude d'impact un peu sérieuse en prenant une centaine d'entreprises et faire de la mise en situation. On aurait alors tout de suite vu qu'il est impossible de remplir correctement les fiches individuelles de pénibilité de chaque salarié. Sans parler des effets pervers du dispositif. Ce sont les salariés des entreprises vertueuses qui partiront à la retraite plus tard que ceux des entreprises où il y a davantage de pénibilité. Résultat, les risques de conflit vont augmenter avec les salariés qui vont vouloir que l'on remplisse scrupuleusement les fiches individuelles pour avoir une chance d'acquérir des points ».


Benoit Willot, gérant d'un magasin Super U en Bourgogne confirme :

« Mon entreprise va être pénalisée mais aussi mes salariés. Par exemple, s'agissant du travail de nuit, le seuil d'exposition à la pénibilité est fixé à une heure de travail entre minuit et 5 heures, et ce pour une durée minimale de 120 nuits par an. Or, moi j'ai des boulangers et des pâtissiers qui travaillent toutes les nuits pour proposer des produits frais. Pour éviter de payer une cotisation, vais-je devoir arrêter de les employer ? Ou embaucher des temps partiels pour éviter d'atteindre les seuils ? C'est aberrant. Sans parler du fait que pour simplement gérer le compte pénibilité de l'ensemble de mes 160 salariés, il va falloir que j'embauche quelqu'un au service Ressource Humaines. Soit un minimum de 35.000 euros chargés par an. C'est une ineptie ».

Stéphanie Pauzat, gérante d'une société de nettoyage dans le Calvados employant 88 salariés confirme :

"Si on ne paie pas la contribution on peut devoir 7.500 euros par salarié. Il y a un risque financier. Du coup, pour établir les fiches de mes salariés, je vais devoir rémunérer quelqu'un qui va recevoir au moins 5 minutes chacun d'entre eux. Cela va représenter environ un mi-temps, soit un coût supplémentaire pour l'entreprise et tout ça dans un contexte économique difficile".


Une cotisation supplémentaire

De fait, le dispositif du compte pénibilité a besoin d'être financé. Aussi la loi prévoit une première cotisation, redevable par toutes les entreprises, même par celles qui ne possèdent pas de salariés exposés à des facteurs de pénibilité. Cette cotisation « de base » égale à 0,01% de la masse salariale ne sera pas appelée en 2015 et 2016 mais seulement à compter de 2017.

En outre, les entreprises dont les salariés sont exposés à la pénibilité seront également redevables d'une cotisation « spécifique » égale à 0,1 % en 2015 et 2016, puis à 0,2 % à compter de 2017, ces taux étant doublés en cas d'exposition simultanée à plusieurs facteurs de pénibilité au-delà des seuils de référence. Cette cotisation devra être payée au plus tard le 31 janvier de l'année suivante.  Ainsi, cette première cotisation " spécifique", à savoir celle afférente au titre de l'année 2015, sera payée début 2016 pour les employeurs qui en seront redevables.

Geneviève Roy, vice-présidente de la CGPME en charge des questions sociales s'attend à une hausse de la cotisation « car il ne faut pas se leurrer, le niveau actuel de la contribution est insuffisant pour financer le dispositif. Cela ne fera que surenchérir le coût du travail. Nous sommes tout à fait disposés, et nous l'avons prouvé, à accompagner nos salariés soumis à des emplois pénibles. Mais pas de cette façon. »

Alors comment faire pour se sortir de cette histoire ? François Asselin attend beaucoup des conclusions de la mission en juin. Il n'exclut pas l'idée de définir des seuils de pénibilité par métier, afin d'éviter les fiches individuelles si fastidieuses à remplir dans les TPE-PME. Mais il y a alors un risque de revenir aux régimes spéciaux qui auraient pour conséquences de rompre l'égalité devant la retraite : telle profession très exposée aurait le droit de liquider ses droits à la retraite avant telle autre. François Asselin a conscience du danger : « Pour éviter cela, il faut renforcer le filtre médical pour ne pas tomber dans le systématique ».
Le compte pénibilité n'a pas fini de faire parler de lui.

Jean-Christophe Chanut
Commentaires 2
à écrit le 04/02/2015 à 10:40
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l etre humain est impitoyable mais certains sont pire les patrons font partis de cette classe, gagner de plus en plus d argent pour lui le sans dents n est qu une marchandise jetable, il na aucune compassion envers lui , et n en aura jamais . ils ...

à écrit le 03/02/2015 à 18:17
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Compte pénibilité que la CGPME a contribué à mettre en place.... Maintenant faut assumer, et il serait temps que les patrons arrêtent de se comporter comme des voyous, des aristocrates dont tout leur serait du et les autres des laqués juste bon à fa...

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