"La fiscalité indirecte devrait amputer le pouvoir d'achat de 5 milliards"

Par Grégoire Normand  |   |  607  mots
Le ralentissement du pouvoir d'achat serait en grande partie lié à un regain de l'inflation et une pression fiscale accrue. (Crédits : Eric Gaillard)
Selon l'Insee, le pouvoir d'achat devrait ralentir au cours du premier trimestre en raison de la hausse de la fiscalité indirecte sur le tabac et les produits énergétiques. L'économiste de l'OFCE Pierre Madec explique que la politique fiscale du gouvernement pourrait freiner sérieusement le pouvoir d'achat de certaines catégories au cours de cette année.

Le pouvoir d'achat reste au centre des préoccupations des Français. Récemment, les retraités ont manifesté leur mécontentement dans la rue pour dénoncer la hausse de la CSG de 1,7 point. Par ailleurs, l'Insee a souligné dans sa dernière note de prévision que le pouvoir d'achat des Français pourrait marquer le pas au cours du premier semestre. Pour la Tribune, Pierre Madec économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) de Sciences-Po livre son analyse et ses prévisions pour 2018.

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LA TRIBUNE - Quels sont, selon vous, les principaux freins au pouvoir d'achat que l'on peut identifier en 2017 ?  

Pierre Madec - En 2017, le revenu disponible des ménages, c'est à dire l'ensemble de leurs ressources auxquelles on soustrait les prélèvements, est plutôt dynamique. Cela s'explique principalement par l'amélioration du marché de l'emploi et certaines mesures faveur du pouvoir d'achat prises par le gouvernement précédent comme la revalorisation du RSA par exemple. Au total, le revenu disponible des ménages s'est accru de 2,4% en 2017 soit un chiffre honorable, inobservé depuis 2010. Pour calculer le pouvoir d'achat du revenu, il convient cependant d'intégrer dans le calcul l'évolution des prix. Il s'avère que le retour de l'inflation a largement entamé l'accroissement du revenu des ménages puisque qu'une fois intégré l'évolution des prix, le pouvoir d'achat des ménages ne s'est accru que de 1,5%.

Malgré la reprise et une croissance plus forte que prévu, les salaires ont peu augmenté en 2017. Pourquoi ?  

Les salaires ont évolué du fait de l'amélioration du marché de l'emploi. De fait, celle ci contribue au niveau macroéconomique à l'amélioration du revenu des ménages. Malgré tout, si l'on en croit la théorie économique, l'évolution des salaires dépend non pas de la réduction du chômage en temps que telle mais du niveau de ce dernier. Le chômage a certes baissé ces derniers trimestres mais le niveau du chômage reste élevé. De même, les personnes éloignées du marché de l'emploi restent nombreuses. Ainsi, ce sont 1,5 million de personnes que souhaitent un emploi sans être comptées comme chômeurs au sens du BIT. Ces évolutions du marché de l'emploi, associées à une inflation encore basse, sont à même d'expliquer en partie le faible dynamisme des salaires.

Quelles sont vos prévisions pour 2018 en matière de pouvoir d'achat ? 

L'amélioration du marché de l'emploi devrait se poursuivre continuant de contribuer à l'accroissement du pouvoir d'achat des ménages. En ce qui concerne les nouvelles mesures fiscales, si elles devraient opérer des transferts très importants entre les ménages, elles devraient avoir globalement un impact neutre sur le pouvoir d'achat des ménages. Au final, le pouvoir d'achat devrait croître en 2018 à un rythme comparable à celui observé en 2017. Bien évidemment, cette évolution annuelle moyenne dissimule des disparités très importantes selon les caractéristiques des ménages. Les retraités seront impactés par l'accroissement de la CSG. De même, les hausses de fiscalité indirecte, qu'elles portent sur le tabac ou l'énergie, devraient amputer le pouvoir d'achat des ménages de l'ordre de l'ordre de 5 milliards d'euros. Dans le même temps, les ménages éligibles, c'est à dire plutôt les "classes moyennes", bénéficieront de la réduction d'un tiers de leur taxe d'habitation. Les ménages les plus aisés verront eux leur fiscalité du capital fortement se réduire.

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