Salon de l'agriculture : le grand débat d'Emmanuel Macron tourne au fiasco

Par latribune.fr  |   |  1236  mots
Le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau, a confirmé ce vendredi qu'il ne participerait pas au débat organisé par le président de la République Emmanuel Macron lors de l'événement (photo d'illustration). (Crédits : POOL)
« Les syndicats agricoles (...) avaient voulu un débat ouvert. Ils en demandent aujourd'hui l'annulation. Dont acte », a écrit le chef de l'Etat sur le réseau social X. La FNSEA , premier syndicat agricole de France, salue cette décision mais demande des réponses concrètes au chef de l'Etat au Salon de l'agriculture, qui démarre demain.

[Article publié le vendredi 23 février à 12h19 et mis à jour à 20h15]

Fiasco. Après la polémique sur l'invitation du collectif écologiste des « Soulèvements de la terre », Emmanuel Macron a annoncé qu'il renonçait à tenir un grand débat avec les agriculteurs ce samedi au Salon de l'Agriculture. Le président a cependant indiqué qu'il inaugurerait bien ce grand rendez-vous annuel et rencontrerait, de manière plus informelle, les syndicats agricoles au préalable.

« Les syndicats agricoles (...) avaient voulu un débat ouvert. Ils en demandent aujourd'hui l'annulation. Dont acte », a ainsi écrit le chef de l'Etat sur le réseau social X, en précisant qu'il invitera samedi matin « tous les syndicats agricoles avant l'ouverture officielle du salon ». « Je serai là pour l'ouvrir et irai au contact de tous ceux qui veulent échanger comme je le fais chaque année », a-t-il poursuivi.

Ce débat, qui devait durer deux heures, devait permettre d'« esquisser l'avenir » de la filière, d'après l'Elysée. Celui-ci était censé réunir les principaux responsables des syndicats agricoles (FNSEA, Jeunes agriculteurs, Coordination rurale, Confédération paysanne, etc.), mais aussi des représentants de la grande distribution et des industriels. Plusieurs responsables d'associations environnementales étaient également invités.

« Une très bonne nouvelle », réagit un cadre de la FNSEA

« C'est une très bonne nouvelle », a réagi dans la foulée sur franceinfo l'un des vice-présidents du syndicat agricole majoritaire FNSEA, Luc Smessaert. « On lui avait déjà dit qu'on n'avait (...) pas besoin d'un débat type "gilets jaunes". On avait besoin surtout qu'un président de la République vienne dire aux agriculteurs français "On vous soutient" », a-t-il poursuivi.

La présidente de la Coordination rurale, 2e syndicat agricole français, Véronique Le Floc'h, a dit à l'AFP accepter le rendez-vous plus informel avec le président... « s'il peut rentrer » dans le salon. « Le président, il nous a fait un énorme bras d'honneur hier jeudi [avec les Soulèvements de la Terre, ndlr] alors ce qu'on attend maintenant c'est qu'il annonce des choses », a aussi commenté auprès de l'AFP Vincent Bouvrain, agriculteur en Seine-et-Marne, dans la manifestation parisienne, co-organisée vendredi avec le syndicat Jeunes agriculteurs (JA).

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« Nous sommes prêts à continuer le dialogue pour peu que nous soyons respectés », a affirmé peu après Arnaud Rousseau, depuis une tribune installée devant le parc des expositions de la Porte de Versailles à Paris. Mais le patron du premier syndicat agricole n'a pas explicitement accepté la rencontre informelle avec Emmanuel Macron.

« Demain, le président de la République entend venir dans ce salon (...). Nous lui avons dit que ce salon ne se passerait pas comme tous les ans (...) et qu'avant de défiler et faire des photos, il fallait d'abord annoncer aux paysans ce qu'ils attendent et ce qu'ils réclament depuis des semaines », a-t-il ajouté. Et de marteler : « Qu'il ne compte pas se déplacer dans les allées sans avoir répondu à ces questions et sans avoir entendu la colère qui s'exprime dans le monde agricole. »

Une polémique qui est montée crescendo

Cette décision du président de la République fait suite à une série de polémiques qui ont pris de l'ampleur au fil de cette fin de semaine. Ce vendredi, le président de la FNSEA, Arnaud Rousseau ainsi que les autres représentants de la Fédération, avaient confirmé qu'ils ne participeraient pas au débat organisé, pour finalement en demander l'annulation.

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« Les conditions d'un dialogue plus apaisé ne sont pas réunies et la dignité des agriculteurs est bafouée par cette démarche qui porte le sceau de la provocation. Dans ce climat d'exaspération, et face aux risques de débordement, nous demandons à ne pas tenir ce débat », avait indiqué Arnaud Rousseau sur X, à l'issue d'une réunion du conseil d'administration de la FNSEA.

« Cocktails Molotov »

Au fil de la semaine, la polémique a pris de l'ampleur au sein des syndicats agricoles et même du gouvernement lui-même, après l'« invitation » du mouvement écologiste « Les Soulèvements de la terre ». Invitation qui n'en n'était pas une, selon l'Elysée, qui a fait un rectificatif ce matin : « Les Soulèvements de la Terre n'ont été ni conviés ni contactés. Il s'agit d'une erreur faite lors de l'entretien avec la presse en amont de l'événement. »

Sans convaincre la FNSEA... « La politique, c'est autre chose que de la com' ou du show. Et dans le moment où l'on est, cette invitation renvoie l'image aux agriculteurs que finalement rien n'a été compris de leurs problématiques », a ainsi affirmé Arnaud Rousseau, lors d'une interview sur BFMTV/RMC.

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Avant d'ajouter que le mouvement des « Soulèvements de la Terre » « lance des cocktails Molotov sur les gendarmes et détruit les biens des agriculteurs. (...) Qui peut imaginer que les conditions du dialogue soient réunies dans ces conditions ? Personne de sérieux ne peut l'imaginer ».

Vendredi matin, le ministre de l'Agriculture Marc Fesneau s'était même désolidarisé de l'invitation lancée par Emmanuel Macron, la jugeant « inopportune compte tenu du contexte ». Les Soulèvements de la Terre constituent « un collectif dont le modèle d'expression est plutôt le cocktail Molotov », avait-t-il affirmé sur TF1. « Donc on ne discute pas avec ces gens-là ».

Ambiance électrique attendue au Salon de l'Agriculture

De son côté, le président du Salon de l'agriculture, Jean-Luc Poulain, s'attend à des échanges « virils » samedi lors de la visite inaugurale d'Emmanuel Macron au déroulé incertain, plus d'un mois après le déclenchement de la crise agricole.

« Ça va être un salon d'explications, un salon qui pourrait être un peu viril - on peut être viril mais correct - parce que le monde agricole a besoin tout de suite de réponses précises sur "On fait quoi, quand ?" », a déclaré à l'AFP ce vendredi le président du salon, Jean-Luc Poulain.

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Pour rappel, le Salon de l'agriculture, qui attend 600.000 visiteurs, appartient au Centre national des expositions et concours agricoles (Ceneca), constitué des grandes organisations agricoles, en particulier le fonds d'investissement Unigrains, fondé par les céréaliers français, la FNSEA ou encore son association de betteraviers CGB.

Sur le terrain, des défilés de tracteurs ont été organisés toute la journée de vendredi, à Paris. Arrivés à bord de 14 tracteurs, en car ou par leurs propres moyens, plus de 200 agriculteurs ont convergé dans l'après-midi vers le sud-ouest de la capitale, à l'appel de l'alliance majoritaire FNSEA/Jeunes agriculteurs (JA).

(Avec AFP)