Agriculture : ce qu'il faut retenir du pacte d'orientation présenté par le gouvernement

Le pacte inclut un projet de loi réduit à l'essentiel : l'enseignement agricole ainsi que l'installation et la transmission des exploitations. En revanche, il le complète par de nombreux dispositifs sur lesquels les arbitrages n'étaient pas aboutis, et qui seront finalisés en 2024.
Giulietta Gamberini
La principale disposition du projet de loi est l'institution, à partir du 1ᵉʳ janvier 2025, d'un guichet unique, associant l'Etat et les régions, dénommé « France Services Agriculture », auquel devront désormais s'adresser « l'ensemble des actifs et futurs actifs agricoles ayant un projet abouti ou émergent d'installation ou de transmission ».
La principale disposition du projet de loi est l'institution, à partir du 1ᵉʳ janvier 2025, d'un guichet unique, associant l'Etat et les régions, dénommé « France Services Agriculture », auquel devront désormais s'adresser « l'ensemble des actifs et futurs actifs agricoles ayant un projet abouti ou émergent d'installation ou de transmission ». (Crédits : Reuters)

On en parle depuis le 9 septembre 2022. A l'époque, Emmanuel Macron était en visite au salon « Terres de Jim », dans le Loiret. Le président de la République avait alors promis « un pacte et une loi d'orientation et d'avenir agricoles » (PLOAA). Objectif affiché, répondre aux défis du renouvellement des générations d'agriculteurs et de leur résilience face au changement climatique. Un an et un trimestre plus tard, ce pacte, qui a fait l'objet pendant plusieurs mois et jusqu'en juin d'une consultation de l'ensemble des parties prenantes, est finalement présenté ce vendredi par le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, lors d'un déplacement en Seine-Maritime.

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Dans le détail, il inclut un projet de loi, qui sera soumis au Conseil des ministres le 17 janvier, puis au Parlement vers la fin du mois de février ou au début du mois de mars - juste avant ou après le Salon de l'Agriculture. Plus concrètement, il complète le projet de loi par de nombreux dispositifs sur lesquels les arbitrages n'étaient pas encore aboutis, explique Julien Rouger, membre du bureau du syndicat agricole Jeunes agriculteurs.

« Un nombre conséquent de mesures » n'entreront donc en vigueur qu'en 2025. En 2024, elles feront ainsi encore l'objet de discussions pour finaliser le dispositif, explique-t-il, tout en se disant globalement très satisfait de cet ensemble « dense ».

« Grâce à notre mobilisation, le cap jusqu'à 2026 est désormais fixé », se réjouit Julien Rouger.

Les mesures non-législatives du pacte pourront toutefois être mises en place par décrets et circulaires, sans être discutées démocratiquement au Parlement, regrette le collectif Nourrir, qui réunit 50 organisations environnementales et paysannes.

Un guichet unique pour le « parcours transmission »

La dernière version du projet de loi, de 9 pages, est bien moins ambitieuse que celle dévoilée en juillet. Et pour cause, cette dernière comptait 19 pages. Le texte se concentre désormais sur l'enseignement agricole et sur l'installation et la transmission des exploitations. Un sujet, ce dernier, très consensuel, et porteur de lourdes attentes. En 2030, 50% des agriculteurs auront atteint l'âge de la retraite.

Le projet de loi prévoit notamment la création d'un « Bachelor Agro » : un diplôme national de niveau « bac+3 » dans les métiers de l'agriculture et de l'agroalimentaire. Sa principale disposition est l'institution, à partir du 1ᵉʳ janvier 2025, d'un guichet unique, associant l'Etat et les régions, dénommé « France Services Agriculture », auquel devront désormais s'adresser « l'ensemble des actifs et futurs actifs agricoles ayant un projet abouti ou émergent d'installation ou de transmission ». Ce guichet devra les orienter vers « un réseau départemental de structures chargées de conseil ou d'accompagnement ». Une « refonte du parcours transmission » dont se réjouit Jeunes Agriculteurs, qui l'avait demandée.

« Le bénéfice de certaines aides publiques sera conditionné au passage par le réseau », est-il par ailleurs précisé dans le texte législatif.

Le dispositif doit encore être finalisé en 2024. Il ne sera donc prévu que dans la loi de finances 2025, précise Julien Rouger.

Le projet de loi impose aussi la mise en place, « progressivement, et au plus tard en 2026 », d'un « diagnostic modulaire ». Il « permettra d'évaluer les exploitations en amont de leur transmission, mais aussi à l'installation puis tout au long de leur cycle de vie »  sur deux volets : la santé des sols agricoles et la résilience de l'exploitation face au défi climatique. Le texte encadre en outre la création de « groupements fonciers agricoles d'investissement » (GFAI), pouvant lever des capitaux auprès d'investisseurs.

Les « méga-bassines » migrent de la loi au pacte

Quant au pacte, il ajoute à ce diagnostic un module conçu trop tard pour être intégré au projet de loi, explique Julien Rouger. Il s'agit d'une évaluation de la santé et de la viabilité économique de l'exploitation. Il maintient aussi une idée qui figurait dans la version de juillet du projet de loi et qui y a finalement été supprimée : celle d'alléger et d'abréger les recours administratifs possibles contre les très contestés projets de stockage de l'eau, les désormais célèbres « méga-bassines ». Le pacte prévoit ainsi qu'un groupe de travail se penche sur l'opportunité de supprimer un niveau de contentieux. Le dispositif est même étendu aux bâtiments d'élevage.

Sur le sujet crucial du foncier, « la concertation n'a pas fait émerger de volonté de bouleverser le système actuel », explique le gouvernement. Un fonds doté de 400 millions d'euros, « Entrepreneurs du vivants  », est toutefois créé « pour prendre des participations dans des fonds de portage nationaux ou régionaux qui, eux, achètent du foncier pour le mettre à dispositions auprès des agriculteurs progressivement (...) », a déclaré Marc Fesneau.

Enfin, le pacte prévoit encore deux avantages en cas de transmission d'une exploitation à des jeunes agriculteurs, qui seront inscrits dans le projet de loi de finances de 2025 : une hausse du plafond d'exonération de la taxe sur la plus-value et une aide directe versée à l'agriculteur cédant passant par le guichet unique. Il crée également un « fonds en faveur de la souveraineté alimentaire et des transitions », doté de 180 millions d'euros en 2024 et de 200 millions par an en 2025 et 2026. Objectif, accompagner territorialement la restructuration des filières confrontées au défi du changement climatique.

Le déploiement d'un portefeuille de 2 milliards d'euros de prêts garantis par l'Etat (PGE), lui, avait été annoncé par Marc Fesneau le 8 novembre. Il est de facto déjà prévu dans le projet de loi des finances 2024. Il devra faciliter l'accès au crédit et donc l'installation et les investissements des agriculteurs.

Giulietta Gamberini

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Commentaires 3
à écrit le 15/12/2023 à 11:09
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Que l'effort concernant l'économie de l'eau n'est pas demandé aux agriculteurs agro-industriels ? Les permaculteurs eux l'économisent tacitement 'eau.

le 15/12/2023 à 11:23
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tout cela après les coups de colère des agriculteurs MORLAIX. _BREST _ QUIMPER du 6 dec pour se faire entendre malgré le silence des médias

le 15/12/2023 à 11:41
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Ah non c'était bien avant ! Le système agro-industriel est structurel et c'est bien ce qui fait autant de mal à l'agriculture et la santé des gens en générale.

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