La question des ressources fiscales taraude les collectivités locales

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1069  mots
Pour Jean-Luc Moudenc, président "LR" de Toulouse Métropole et de France Urbaine, ce qu'il faut« c'est revenir à une autonomie fiscale pour éviter aux collectivités d'être liées aux dotations ».
La 16eme conférence des villes, organisée par "France Urbaine", qui regroupe les métropoles françaises, a été l’occasion pour les élus locaux d'interpeler Manuel Valls sur la nécessaire autonomie fiscale des collectivités qui ne doivent plus dépendre des dotations de l'Etat.

Tendre vers l'autonomie fiscale... Voilà une demande qui est en passe de devenir un véritable leitmotiv de la part des collectivités locales, à tous les niveaux : régions, départements, métropole, intercommunalités, communes. Ce jeudi 22 septembre, encore une fois, cette demande a été formulée lors de la 16eme conférence des Villes organisée à l'Hôtel de ville de Paris par France Urbaine, l'association présidée par Jean-Luc Moudenc, président « Les Républicains » de Toulouse métropole et Maire de Toulouse, qui regroupe les 15 métropoles françaises ainsi que les agglomérations et les grandes villes. Interpellant le Premier ministre Manuel Valls présent dans la salle, Jean-Luc Moudenc a alerté sur les conséquences de la baisse des dotations de l'Etat aux collectivités - en baisse de 11 milliards d'euros sur trois ans - qui ont entrainé « une baisse de 8,5% de nos dépenses d'investissement à la fin 2015 alors même que la baisse de la dotation va se prolonger jusqu'en 2017 ». Et de prévenir que ce n'est « pas les 150 millions d'euros accordés par l'Etat en juin dernier dans le cadre du pacte Etat/métropole qui suffiront ». Ce que veut Jean-Luc Moudenc « c'est revenir à une autonomie fiscale pour éviter aux collectivités d'être liées aux dotations ».

L'autonomie fiscale: un combat mené par toutes les collectivités

Cette demande fera d'ailleurs partie d'un « manifeste de France Urbaine », véritable cahier de doléances de l'association, qui sera présenté début 2017 à chacun des candidat à l'élection présidentielle.

D'une façon générale, ce besoin de disposer de ressources fiscales propres est une demande partagée par l'ensemble des collectivités. C'est notamment le cas des communes, via l'association des maires de France - qui a déjà tout de même obtenu que la baisse de la dotation soit limitée à un milliard d'euros en 2017 au lieu de deux milliards- mais aussi de l'Association des régions de France (ARF). Cette dernière tiendra son congrès à Reims le 29 septembre. Manuel Valls y est attendu... avec une bonne nouvelle. Depuis plusieurs mois, en effet, l'ARF, via la voix de son président Philippe Richert, président « LR » de la région Grand Est, réclame des ressources supplémentaires pour financer les nouvelles compétences économiques dévolues aux régions. Aussi, en juin, il avait été évoqué la possibilité pour les régions de dégager une recette supplémentaire de 600 millions d'euros en 2017, via l'instauration d'une taxe spéciale d'équipement régional (TSER), dont l'activation aurait été facultative.

Une part de TVA affectée aux régions?

Cette taxe aurait reposé sur les entreprises, ce qui avait fait hurler le Medef. Aussi, plusieurs présidents de régions, aux premiers rangs desquels les "LR" Christian Estrosi (Paca) et Xavier Bertrand (Hauts-de-France), se sont par la suite opposés à cette nouvelle taxe. La droite s'était en effet engagée durant la campagne des régionales à ne pas augmenter ou créer d'impôts. Aussi, finalement, l'ARF a renoncé à cette nouvelle taxe et a demandé à Manuel Valls de trouver une autre source de financement. D'ailleurs, dans son discours devant la 16eme conférence des Villes, Le Premier ministre n'a pas manqué d'ironiser sur cette passe d'arme avec les régions : « Parler d'autonomie fiscale, je ne suis pas contre mais je constate que certains ne veulent pas l'assumer devant les électeurs ».

Toujours est-il que plusieurs pistes sont sur la table pour remplacer cette taxe mort-née : une augmentation de la part de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) dédiée aux régions ou une affectation de la part de la taxe carbone. A moins que, comme l'a suggéré Manuel Valls à la suite d'une rencontre avec les dirigeants de l'ARF, l'Etat décide d'affecter aux régions une partie de la collecte de la TVA. Réponse le 29 septembre donc.

Répartir les impôts nationaux entre l'Etat et les collectivités?

Bien entendu, si les régions parviennent à l'avenir à disposer d'une ressource fiscale autonome et pérenne, les autres collectivités locales vont demander la même chose. Ainsi, Philippe Laurent, ce grand spécialiste des finances locales, maire UDI de Sceaux et secrétaire général de l'Association des maires de France a exposé le schéma suivant lors de la 16eme conférence des villes:

 " Le partage des impôts nationaux serait une bonne chose et serait en phase avec la décentralisation du pays. Ce serait en effet bien que l'Etat partage avec les régions une partie du produit de la TVA. De même, cela fait vingt ans que l'on évoque un partage du produit de la CSG entre l'Etat et les départements mais cela n'a pas été fait car on objecte que la plus grande partie de la CSG est affectée à l'équilibre des comptes sociaux. Enfin, on pourrait très bien concevoir qu'une partie du produit de l'impôt sur le revenu soit partagé entre l'Etat et les Métropoles".

Cette idée d'une plus grande autonomie fiscale est d'ailleurs aussi défendue par des élus socialistes. Ainsi, Jean-Claude Boulard sénateur maire du Mans et président de Le Mans métropole  explique : « il serait enfin temps de sanctuariser les impôts locaux et arrêter ce mouvement à l'œuvre depuis 40 ans qui consiste à les remplacer par des dotations de l'Etat. Car il n faut jamais oublier que ce que l'on appelle, dotation, consiste, en vérité, en un remboursement aux communes d'impôts qu'elles ne perçoivent plus et qui ont été accaparés par l'Etat. Et, oui, il faut répartir entre les collectivités et l'Etat une partie des impôts nationaux ». Quant à François Rebsamen, maire de Dijon et président du Grand Dijon, il plaide pour une réforme des péréquations et une révision des bases locatives.

Surtout, les élus locaux se retrouvent pour réclamer une loi de finances annuelle dédiée aux collectivités locales, comme il existe une loi de finances et une loi de financement de la sécurité sociale.

Autant de sujets, pour eux, qui mériteraient d'être au cœur des débats de la campagne présidentielle. Mais, là aussi, à l'unanimité, les élus locaux ont eu comme un doute...