La surtaxation des CDD décidée par Valls fait hurler le patronat

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  1004  mots
Le Premier ministre Manuel Valls fait hurler les organisations patronales en décidant d'imposer une sur-cotisation assurance chômage aux entreprises qui emploient des CDD courts.
Parmi les mesures destinées à calmer la colère des jeunes sur le projet de loi Travail, Manuel Valls annonce une sur-cotisation patronale d'assurance chômage pour les CDD. La CGPME dénonce "un coup de poignard" et menace de quitter les négociations sur l'assurance chômage.

Un pas en avant, deux pas en arrière, c'est la... valse du Premier ministre sur la loi Travail. Afin de calmer les organisations de jeunes qui continuaient à appeler à défiler contre la loi Travail, le premier ministre à lâché du lest ce lundi 11 avril en présentant tout un catalogue de mesures destinées à aider les jeunes en difficulté et à mieux les insérer sur le marché du travail.

Parmi ces mesures, l'une fait particulièrement réagir les organisations patronales: la surtaxation des contrats à durée déterminée courts. En d'autres termes, Matignon a décidé qu'à l'avenir, les entreprises qui recourent aux CDD courts subiront une sur-cotisation d'assurance chômage.

Le Premier ministre part du constat suivant:

"Aujourd'hui, 87 % des embauches se font en CDD et sur des contrats de plus en plus courts. Ce phénomène touche particulièrement les jeunes. La modulation des contributions patronales à l'assurance chômage constitue un instrument efficace de lutte contre la précarité en renchérissant le coût des contrats courts. C'est pourquoi la loi de sécurisation de l'emploi du 14 juin 2013 en a ouvert la possibilité qui a été expérimentée par la convention d'assurance chômage signée en 2014.

Sans remettre en cause les prérogatives des partenaires sociaux pour définir le barème et le champ d'application de la sur-cotisation, le Gouvernement va rendre obligatoire et non plus optionnelle la modulation. Un amendement en ce sens sera déposé au projet de loi travail. Cette modification exprime clairement la volonté du Gouvernement de lutter contre la précarité et de privilégier l'embauche en CDI, notamment des jeunes".

 Une sur-cotisation partiellement en vigueur depuis 2014

De fait, utilisant "l'option" autorisée par la loi de juin 2013, patronat et syndicats, gestionnaires de l'assurance chômage, ont décidé en 2014 d'introduire une sur-cotisation patronale d'assurance chômage.  Depuis cette année là, la cotisation d'assurance chômage (dont le taux normal est de 4%)  est modulée en fonction du type de contrat de travail et de sa durée. La contribution est ainsi majorée pour les CDD courts de moins de trois mois. La majoration varie entre 0,5 et 3 points selon le type de contrat. Mais des pans entiers des contrats courts sont exonérés de cette majoration, tels les emplois saisonniers et les contrats d'intérim. Résultat, l'Unedic récupère moins de 100 millions d'euros sur un budget annuel de... 35 milliards d'euros.

Cette sur-cotisation "optionnelle" va donc devenir obligatoire... C'est exactement ce que souhaitaient des organisations syndicales comme FO (qui prône un bonus/malus) et la CGT dans le cadre de la renégociation en cours de l'assurance chômage qui doit être conclue pour le 30 juin prochain.

En revanche, c'est peu de dire que dans le camp patronal la mesure est très mal prise. La CGME notamment se montre très virulente:

"Le Premier Ministre n'hésite pas à pénaliser financièrement la majorité des créations d'emplois qui se font aujourd'hui à plus de 80% en CDD. Au lieu de s'interroger sur les raisons qui poussent les employeurs à embaucher en CDD et de regarder comment les inciter à préférer les CDI, le gouvernement choisit la voie de la sanction financière. Les mêmes causes produiront les mêmes effets : la taxation des CDD décidée en 2013 n'a en rien enrayé le phénomène CDD mais a, sans aucun doute, contribué à dégrader plus encore le marché de l'emploi.  En juin 2015, le gouvernement avait pourtant assoupli les conditions de renouvellement de ces CDD qu'il veut aujourd'hui taxer davantage !"

Sans parler du fait que, la semaine dernière encore, la CGPME et les artisans employeurs de l'UPA étaient satisfaits des amendements apportés au projet de loi travail assouplissant les conditions de validité des licenciements économiques dans les PME/TPE. Une semaine après, c'est la soupe à la grimace.

La CGPME est parfaitement dans son rôle en réagissant de la sorte. Mais elle va peut-être un peu vite en besogne. Dans les intentions du Premier ministre, il ne s'agit pas de "taxer" tous les CDD mais plutôt les CDD courts - qui d'ailleurs coûtent très cher à l'assurance chômage. Il reviendra justement aux partenaires sociaux de déterminer les futures règles de sur-taxation. Rien ne les empêche d'épargner les CDD d'une certaine durée.

La CGPME menace de quitter les négociations assurance chômage

Mais la CGPME refuse même le principe d'une telle négociation:

"Quant à imaginer, comme l'entend Matignon, que les partenaires sociaux "définissent  le barème et le champ d'application de cette surcotisation au travers d'une augmentation de la cotisation chômage", la CGPME refuse d'être complice de ce coup de poignard porté dans le dos des entreprises. La Confédération des PME posera donc prochainement à ses instances la question de son départ de la négociation en cours sur l'assurance chômage. Le gouvernement assumera ses décisions. Y compris les plus stupides."

L'organisation patronale menace donc clairement de quitter la table des négociations. Mais attention, pratiquer la politique de la chaise vide n'empêchera en rien les discussions sur l'assurance chômage de continuer. Et, dans le pire des cas, si l'ensemble des organisations patronales décidaient de boycotter la négociation, alors le gouvernement reprendrait la main et appliquerait par décret des mesures temporaires afin que les demandeurs d'emploi continuent d'être indemnisés.

Parmi les autres mesures en faveur des jeunes annoncées par le Premier ministre, on notera que les jeunes d'origine modeste titulaires d'une bourse pourront demander sa prolongation, après avoir obtenu leur diplôme et en attendant de décrocher un emploi -- mais pour quatre mois maximum. Quelque 126.000 jeunes pourraient être concernés, selon le gouvernement. D'autres dispositions concernent l'aide au logement et et la formation. Au total, selon Manuel Valls, ce plan représente un effort financier compris entre "400 millions à 500 millions d'euros" par an.